Le 8 mai a toujours été une date importante dans notre famille. Mon père, membre de l'Association des anciens combattants et prisonniers de guerre de Louviers, ne voulait pas rater la manifestation patriotique organisée dans la cour de la mairie puis au cimetière avec, le plus souvent, le concours de l'Harmonie municipale que dirigeait, alors, Maurice Désert.
Mon père n'était pas un homme d'exception. Il était un Français comme tous les autres jeunes hommes de son âge appelé sous les drapeaux en 1938 et qui ont vu le bout du tunnel en 1945. « Huit années, me confiait-il quand j'étais enfant, qui auraient dû être les plus belles de ma vie et que j'ai passées ou dans les casernes ou comme prisonnier de guerre. »
Il était soldat au 39e régiment d'infanterie et a tiré quelques coups de fusil sur la frontière belge : « J'ai vu des hommes mourir autour de moi. » Quand l'heure de la retraite militaire a sonné, il s'est fait « prendre » dans l'Orne alors que ma mère faisait l'exode avec ma sœur et quelques membres de sa famille. Des amis aussi, puisque sur la route, elle rencontra la famille Alain, pâtissier bien connu à Louviers. Et puis ils s'arrêtèrent à Niort avant de revenir à Louviers pour affronter la réalité.
La réalité de mon père, après ces combats de mai-juin 1940, ce fut le voyage vers l'Allemagne. D'abord en stalag et travail à la ferme puis dans une usine située près de Munich où les Français, les Russes (ce qu'ils ont souffert ! assurait mon père) et tant d'autres travaillaient à la Krauss Maffei, une usine qui sortait des locomotives si utiles au système nazi pour couvrir l'Europe entière et acheminer matériel de guerre, soldats et aussi les convois de prisonniers ou ceux des juifs voués à l'extermination.
Ma mère a gardé comme des reliques les cartes envoyées d'Allemagne que lui adressait mon père. Ma sœur est née en 1939, il ne la verra pour la première fois qu'en 1945 à son retour de captivité. Avant de partir sous l'uniforme mon père était foulonnier (ouvrier textile) chez Audresset. A son retour, on lui a conseillé de devenir policier ce qu'il fit avec tant d'autres noms de familles bien connus à Louviers : Bernier, Lebert, Merlier, Graindorge, Tardivel, Coignet…
Mon père ne me parla pas très souvent de ses années de prisonnier. C'était l'obéissance, la malnutrition, l'absence de liberté, l'éloignement de la famille, des amis, c'était aussi le travail au service d'un pays totalitaire qui n'avait qu'un but : dominer l'Europe. Et c'était la solitude affective !
Avec les anciens combattants prisonniers de guerre 39-45, mon père rendait hommage au pays pour lequel il avait combattu puis avait été privé de liberté, il retrouvait des amis avec qui partager ce qui fut bien un drame national puisque le 1,5 million de prisonniers de guerre servit souvent de moyen de chantage à Hitler pour imposer ses vues au gouvernement collaborationniste.
En ce 8 mai 2008, ma pensée va à cet homme, mon père, qui poursuivit son engagement citoyen aux côtés d'Henri Fromentin, qui était son ami et à la demande duquel il devint conseiller municipal à Louviers de 1976 à 1983. Cet homme qui a servi son pays dans l'anonymat le plus complet qu'il me plait, aujourd'hui, de rompre quelque peu.
Mon père n'était pas un homme d'exception. Il était un Français comme tous les autres jeunes hommes de son âge appelé sous les drapeaux en 1938 et qui ont vu le bout du tunnel en 1945. « Huit années, me confiait-il quand j'étais enfant, qui auraient dû être les plus belles de ma vie et que j'ai passées ou dans les casernes ou comme prisonnier de guerre. »
Il était soldat au 39e régiment d'infanterie et a tiré quelques coups de fusil sur la frontière belge : « J'ai vu des hommes mourir autour de moi. » Quand l'heure de la retraite militaire a sonné, il s'est fait « prendre » dans l'Orne alors que ma mère faisait l'exode avec ma sœur et quelques membres de sa famille. Des amis aussi, puisque sur la route, elle rencontra la famille Alain, pâtissier bien connu à Louviers. Et puis ils s'arrêtèrent à Niort avant de revenir à Louviers pour affronter la réalité.
La réalité de mon père, après ces combats de mai-juin 1940, ce fut le voyage vers l'Allemagne. D'abord en stalag et travail à la ferme puis dans une usine située près de Munich où les Français, les Russes (ce qu'ils ont souffert ! assurait mon père) et tant d'autres travaillaient à la Krauss Maffei, une usine qui sortait des locomotives si utiles au système nazi pour couvrir l'Europe entière et acheminer matériel de guerre, soldats et aussi les convois de prisonniers ou ceux des juifs voués à l'extermination.
Ma mère a gardé comme des reliques les cartes envoyées d'Allemagne que lui adressait mon père. Ma sœur est née en 1939, il ne la verra pour la première fois qu'en 1945 à son retour de captivité. Avant de partir sous l'uniforme mon père était foulonnier (ouvrier textile) chez Audresset. A son retour, on lui a conseillé de devenir policier ce qu'il fit avec tant d'autres noms de familles bien connus à Louviers : Bernier, Lebert, Merlier, Graindorge, Tardivel, Coignet…
Mon père ne me parla pas très souvent de ses années de prisonnier. C'était l'obéissance, la malnutrition, l'absence de liberté, l'éloignement de la famille, des amis, c'était aussi le travail au service d'un pays totalitaire qui n'avait qu'un but : dominer l'Europe. Et c'était la solitude affective !
Avec les anciens combattants prisonniers de guerre 39-45, mon père rendait hommage au pays pour lequel il avait combattu puis avait été privé de liberté, il retrouvait des amis avec qui partager ce qui fut bien un drame national puisque le 1,5 million de prisonniers de guerre servit souvent de moyen de chantage à Hitler pour imposer ses vues au gouvernement collaborationniste.
En ce 8 mai 2008, ma pensée va à cet homme, mon père, qui poursuivit son engagement citoyen aux côtés d'Henri Fromentin, qui était son ami et à la demande duquel il devint conseiller municipal à Louviers de 1976 à 1983. Cet homme qui a servi son pays dans l'anonymat le plus complet qu'il me plait, aujourd'hui, de rompre quelque peu.
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