14 décembre 2021

Comment le général De Gaulle est devenu la voix de la France libre…

 

Eric Roussel

Comment un parfait inconnu, du moins du grand public, peut-il devenir en quelques jours une personnalité appelée à un destin d’exception. Il y a peu d’exemples dans l’histoire d’une telle fulgurance de la part d’un colonel promu général à titre temporaire et sous-secrétaire d’Etat à la guerre dans le gouvernement moribond de Paul Reynaud en juin 1940. Alors que notre pays cédait de tous côtés face à l’invasion allemande, il s’est trouvé quelques hommes plus lucides et plus courageux que la majorité d’entre eux pour sauver l’honneur de la France. Le général De Gaulle fut de ceux-là.

A l’occasion de la conférence donnée ce samedi dans le cadre de la SED par Eric Roussel biographe et historien (1), aujourd’hui membre de l’Académie des sciences morales et politiques, on en sut plus sur les jours tragiques qui ont abouti à la défaite de nos armées, à l’armistice souhaité par une majorité pétainiste, à l’entrée du général De Gaulle dans la grande histoire. Il a certes fallu une suite de circonstances exceptionnelles pour que l’aventure tombe du bon côté. Il aura aussi fallu Jean Moulin, Pierre Brossolette, héros de la Résistance, le président Roosevelt pour faire entrer les USA dans la guerre et il aura aussi fallu que Staline accepte de supporter seul le front oriental pour venir à bout de nazis fanatisés et partisans de la guerre totale, raciste et génocidaire.

Face à une salle bien pleine, Eric Roussel narre par le menu l’installation du gouvernement à Bordeaux en mai 1940, la démission du gouvernement Reynaud, l’ascension du Maréchal Pétain, le départ pour l’Angleterre du général De Gaulle. Au cours de ses rencontres fructueuses avec Winston Churchill c’est ce dernier, le premier, qui perçoit les qualités (et les défauts) de cet homme seul mais déterminé. Il faut l’être pour oser déclarer le 18 juin que la France, elle, n’est pas seule et qu’elle doit continuer le combat. Peu d’hommes et de femmes ont entendu le fameux appel prononcé à 22 heures et, ce  que l’on sait moins, après qu’il a été revu et corrigé par les Britanniques.

Le général De Gaulle, reconnu en quelques semaines par Churchill comme le chef de la France libre, aura dû pallier l’absence à Londres des politiques (2) des hauts fonctionnaires et s’appuyer sur des hommes tels Jean Monnet. Celui dont l’histoire retient qu’il sera le père de l’union européenne propose dans l’urgence l’impossible union franco-britannique pourtant acceptée par le général De Gaulle ! Le symbole restera mais les deux hommes s’opposeront ensuite durablement.

Eric Roussel, interrogé sur les liens du général De Gaulle et du maréchal Pétain, rappelle opportunément que le colonel De Gaulle fut la plume de son commandant avant de s’émanciper et de faire la tournée des ministères pour convaincre les gouvernants de la nécessité de remiser la stratégie défensive alors en vogue avec Gamelin et Weygand. De Gaulle avait compris avant les autres le rôle essentiel des blindés dont les chefs allemands avaient saisi tous les avantages. C’est aussi pourquoi Paul Reynaud avait appelé au gouvernement celui qui n’était que le colonel De Gaulle. Trop tard.

Eric Roussel, dont la conférence a été déprogrammée à deux reprises pour raisons sanitaires, a pu déployer ses nombreuses connaissances émanant de sources souvent originales. On lui sait gré, notamment, d’avoir exploité les archives recensées par M. Lombart, ancien assistant archiviste municipal, qui avait trouvé dans les greniers de la mairie de Louviers des documents permettant de mieux connaître la passion épistolaire de Pierre Mendès France. Le sujet d’une autre conférence ?

 

(1)  Eric Roussel est l’auteur de plusieurs biographies : De Gaulle, Pompidou, Mendès France, Giscard d’Estaing…Il a été président de l’Institut Pierre Mendès France.

(2)  Georges Mandel, ancien collaborateur de Georges Clémenceau et ministre de la 3e République aurait pu (dû) partir en Angleterre. Hostile à l’armistice, il a refusé de quitter le territoire national…parce que juif. Il a été assassiné en juillet 1944 par la milice de Darnand.