13 avril 2019

En Mars 1965, le Docteur Martin écrivait « le manifeste de l'Union des Gauches ». Jamais texte n'a paru autant d'actualité pour les hommes et les femmes de gauche


Henri Fromentin et Ernest Martin (à droite).©JCH
Une rencontre fortuite ce matin, sur le marché de Louviers, avec Ingrid Levavasseur, une « porte-parole » parfois appréciée, parfois reniée de la part de gilets jaunes aussi divers que notre galaxie compte d'étoiles, m’incite à publier in extenso, le manifeste de l’Union des Gauches. Ce texte, écrit entre les deux tours de l’élection municipale de mars 1965 a été rédigé par le Dr Ernest Martin, qui allait, sans rien avoir demandé, devenir maire de Louviers et le leader charismatique d’un vaste mouvement municipal appelé Comité d’Action de Gauche. Un homme d’idées, de projets et d’actions.

Ce CAG fut le creuset d’une aventure démocratique extraordinaire (dans le vrai sens du mot) s’inspirant à la fois des principes énoncés par Pierre Mendès France, des axiomes d’un groupe d’intellectuels appelé Quadrivium, mais aussi des expériences et des idées d’hommes et de femmes citoyen(ne)s engagé(e)s dans les divers partis et chapelles de la gauche démocratique.

A la veille d’un scrutin municipal (celui de mars 2020, c’est demain !) important pour la ville et ses habitants, la relecture attentive de ce manifeste démontre que les préceptes énoncés par Ernest Martin sont plus que jamais d’actualité. L’information, la participation, le contrôle de chaque citoyen(ne) sont devenus des exigences quotidiennes. Alors que les partis politiques, les journalistes, les institutions, les élus aussi sont l’objet de suspicions, de doutes, de rejet plus ou moins global, se trouvera-t-il un homme, une femme, un groupe, un collectif, pour donner du courage à toute cette gauche émiettée, éparpillée qui s’avance aux Européennes pour y prendre une veste magistrale et dégoûter les militants ou les électeurs(trices) de choisir la voie du progrès. 

L’union des gauches n’a jamais été aussi nécessaire, aussi urgente, aussi impérieuse face aux montées semble-t-il inexorables des populismes de tous poils, de ceux qui « justifient la haine des journalistes comme saine et juste » ou celles qui voit en chaque réfugié la main de l’islam radical et l’œuvre du grand remplacement, ce fantasme des petits mâles blancs et trop payés.

Le texte écrit par Ernest Martin est évidemment daté. Il faut le resituer dans son contexte. Celui d’une France dirigée d’une main ferme par le général de Gaulle, en face duquel apparaît un François Mitterrand dont on ignore encore quelles capacités il développera pour faire gagner (en 1981) une gauche de gouvernement. Pierre Mendès France se tient alors franchement dans l’opposition aux institutions et à l’homme qui les a façonnées. 
Ce manifeste a été soumis à l’approbation des colistiers du Dr Martin. Il est étonnant que les membres du PCF de l’époque aient accepté de signer ce texte, peu aimable pour le parti de Maurice Thorez.



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10 avril 2019

Les conférences de la SED : « Elles étaient juives et résistantes » par Mme Chantal Dossin le 27 avril prochain


La prochaine conférence de la Société d’Études Diverses aura lieu le samedi 27 avril à 16 heures, dans la salle Pierre Mendès France, à l’Hôtel de Ville de Louviers. Nous accueillerons Mme Chantal Dossin, professeur d’histoire honoraire. Elle abordera un aspect de la Résistance, aujourd’hui encore souvent méconnu et auquel elle a consacré un ouvrage paru en 2018 : « Elles étaient juives et résistantes ».

Le phénomène de la Shoah a effacé de notre mémoire l’engagement des juifs dans la Résistance, alors qu’ils furent très nombreux à y participer et souvent parmi les premiers. Les femmes y ont pris leur place, spécifique certes mais aussi multiforme. Dans son livre, Chantal Dossin a tenté de reconstituer au plus près le parcours de neuf femmes juives et résistantes. Leur souvenir est resté enfermé des années dans les boîtes d’archives, leur judéité ayant fait oublier qu’elles avaient été résistantes. Elle a croisé ces documents avec les témoignages qu’elle a pu recueillir, afin de retracer les combats courageux de ces femmes contre la politique antisémite du gouvernement de Vichy et de l’Occupant. De ces neuf femmes, seules trois ont survécu. Quatre seulement ont obtenu le statut de résistantes, le fait d’être juives tendant à les classer automatiquement dans la catégorie des déportés « raciaux ». 

PS : Le livre de Chantal Dossin, « Elles étaient juives et résistantes » sera disponible, dans les jours précédant la conférence, à la librairie Quai des mots, rue du Matrey.


Maria Dumer, inhumée hier, ancienne comptable de la ville de Louviers avait également été membre du Comité d'Action de Gauche


Maria Dumer est décédée, la semaine dernière à la MAPA de Louviers où elle résidait. Cette femme, pas forcément connue du grand public, était un exemple de ce que doit être un (ou une) fonctionnaire : compétent, rigoureux, ardent défenseur du service public, ce service public que les Français apprécient tant et dont ils demandent le maintien dans tous les domaines régaliens. Elle avait été responsable du service comptabilité de la ville de Louviers mais également une compagne de route du Comité d'Action de Gauche dont son mari, Claude, était un pilier. Elle a été inhumée, hier, au cimetière de Louviers et les enfants de Maria ont tenu à lire un texte dont ils m'avaient proposé la rédaction. Je le publie ci-dessous.

« Dès que Franck m’a demandé d’écrire quelques mots en mémoire de sa maman — notre amie à tous et toutes ici présents — je me suis interrogé : étais-je le mieux placé pour évoquer la  vie de Maria, si remplie depuis le jour, où venue d’Espagne, elle devint une femme de France. Car de son quotidien familial je sais peu de choses sinon qu’elle avait une affection maternelle inépuisable pour son fils et sa fille, qu’elle aima pendant toute son existence, un réel attachement à son mari, Claude, avec lequel elle entreprit de consacrer leurs efforts communs au bien collectif. J’ai appris que les derniers mois de la vie de Maria furent difficiles compte tenu des suites de son accident vasculaire mais elle fit face, en toute conscience, et jusqu’au bout, à cet accident de la vie. Qui s’en étonnera ?

Professionnellement, Maria fut, très tôt le pilier du service comptable de la ville de Louviers à une époque où Excel n’existait pas, pas plus que les ordinateurs si pratiques et si rapides aujourd’hui. Elle veillait avec une attention rigoureuse à la politique de paiements et d’engagements décidés par le pouvoir municipal que le maire de Louviers s’appelle André Vincelot, Ernest Martin, Rémy Montagne, Odile Proust ou Franck Martin. Je la vois encore utiliser une machine comptable mécanique qui ferait la joie des antiquaires. Jamais elle ne fit preuve d’un manque de loyauté, en interne comme en externe, soucieuse du bien commun et du respect d’une subordination acceptée. Elle n’était pas la seule à la mairie. Avec ses collègues, Josiane Farceau, Andrée Batrel, Nelly Langlois, toutes disparues, elle incarnait ce que la fonction publique territoriale incarne de meilleur : la confiance et la compétence.

Neutre (pas toujours) à l’hôtel de ville, clairement engagée dans sa vie privée, Maria défendit avec zèle, en nombre d’occasions, la politique municipale qu’elle préférait. Sympathisante du Comité d’Action de Gauche, dès sa formation dans les années soixante-dix, après la triste défaite de la municipalité d’Union des Gauches, elle fut un atout maître des choix économiques, politiques, culturels aussi, qui animaient le groupe dit « autogestionnaire ». Elle rendait ainsi possible l’impossible. Aux côtés de Paul Astégiani, le secrétaire général de la mairie, elle appliquait toutes les leçons que Pierre Mendès France enseignait en haut et en bas de la société : la vérité, la pédagogie des choix, la recherche du compromis sans jamais céder sur l’essentiel : les progrès individuel et collectif. En Ernest Martin, et plus tard, Henri Fromentin, elle retrouvait cette passion du citoyen et de la démocratie participative, une expression quelque peu galvaudée aujourd’hui, qui fit de Louviers la ville que l’on cite. Et que les historiens contemporains prennent en exemple de gestions bien en avance sur leur temps.

C’est là que ses grandes qualités surgissaient : courage moral, abnégation, conseils avisés et professionnels. Je me souviens des discussions interminables mettant en scène Maria et Christian Lafenêtre qui nous a quittés lui aussi il y a quelques jours. Il fallait entendre leurs arguments, l’une veillant à modérer les impôts, l’autre affirmant que la justice sociale nécessitait des efforts de la part des plus riches !  Ils avaient raison tous les deux.

Mme Dumer ? On l’appelait tous Maria. Elle savait mettre la distance suffisante pour être crédible. Comme jeune rédacteur municipal, elle m’a appris la patience et communiqué la passion d’un travail au bénéfice du service public qu’elle chérissait pleinement. C’est pourquoi elle est de ces personnes qui marquent les rencontres. Une amie fidèle aux engagements et aux liens tissés au fil du temps et des chaos de la vie. Une amie que nous n’oublierons pas parce qu’elle a été aussi une part de nous-mêmes. »