9 octobre 2021

La Société d'études diverses reprend son cycle de conférences : le 19 octobre « Lily Mendès France peintre méconnue »

La SED peut enfin reprendre le cycle de ses conférences mensuelles. En octobre et novembre, elle propose deux rendez-vous, en partenariat avec l’Université populaire. Ces deux manifestations auront lieu non, comme d’habitude, à l’Hôtel de ville, mais dans la salle du Moulin, rue des Anciens combattants d’Afrique du Nord. Il faudra évidemment respecter les consignes sanitaires en vigueur dans tous les lieux culturels : si le port du masque est recommandé mais facultatif, chacun devra, en revanche, présenter son passe sanitaire (ou, à défaut, une attestation de vaccination) pour entrer dans la salle.

 

Le mardi 19 octobre, à 18 heures, la SED reprogramme la conférence de Claude Cornu, deux fois annulée en 2020, « Lily Mendès France, peintre méconnue ». Le 27 novembre 1967, Lily Mendès France, l’épouse de l’ancien député-maire de Louviers, décédait des suites du cancer dont elle souffrait depuis plusieurs années. Les Français avaient découvert cette femme discrète et élégante en 1954, lorsque, Pierre Mendès France étant devenu Président du Conseil, elle était apparue à ses côtés dans les cérémonies officielles. Mais si elle avait choisi, depuis son mariage, de s’effacer devant la carrière de son mari et de se tenir à l’écart des manifestations publiques, elle s’adonnait avec passion à la peinture, bâtissant à l’abri des regards une œuvre dont le public ne prit connaissance qu’après sa disparition, lors d’une unique rétrospective organisée dans une galerie parisienne. La conférence, qui sera accompagnée d’illustrations, est donc l’occasion de découvrir une femme qui fut aussi une Lovérienne d’adoption et de cœur.

 

Le mardi 9 novembre, dans la même salle mais à 18 heures 30, aura lieu la projection du film documentaire de Christian Clères, J’aime pas Flaubert, en présence du réalisateur. Sous ce titre provocateur, le film offre, grâce aux divers intervenants, dont notamment Yvan Leclerc, professeur émérite de littérature à l’Université de Rouen, et la romancière Marie-Hélène Lafon, l’occasion de parcourir l’œuvre de l’auteur de Madame Bovary, dont la Normandie célèbre, cette année, le bicentenaire de la naissance. La projection sera suivie d’un débat avec le public.

8 octobre 2021

Quelques réflexions au débotté : Tapie coule Wonder, Zemmour ment sur Pétain, Boris Johnson face au Brexit, Les Polonais jouent perso…

Bernard Tapie à Louviers en 1987. (photo JCH)


Tapie et Wonder ou comment couler une boite

On en a fait des tonnes sur Bernard Tapie, son débat musclé avec Jean-Marie Le Pen, les matches de foot truqués, la victoire de l’OM en coupe d’Europe, l’arbitrage à 404 millions d’euros, sans oublier le Phocéa et autre signe extérieur de richesse. François Mitterrand avait un faible pour lui et c’est ainsi qu’il le choisit pour couler Michel Rocard aux européennes et devenir ministre du gouvernement de la République.

Je ne nie ni la force mentale du personnage ni son immense courage face à la maladie. Mais j’ai devant les yeux l’image des salariés de l’usine Wonder, virés du jour au lendemain d’une industrie mythique à Louviers qui occupa des centaines d’ouvriers avant de partir en capilotade. Je les revois, salués par un Jean Hedern-Hallier provocateur iconoclaste venu narguer Tapie sur le site des Jonquets. Je revois leurs larmes et leur colère tellement justifiée.

 

Zemmour ment sur Pétain. Qui vole un bœuf…

En 2021 il se trouve un futur candidat à l’élection présidentielle française pour oser affirmer que le régime de Pétain a sacrifié les juifs étrangers pour sauver les juifs français ! Cette affirmation est un énorme mensonge que seuls les ignares peuvent gober. Il est en effet totalement contraire aux faits historiques d’avancer de telles énormités. Les descendants des familles juives françaises savent bien que nombre de leurs aïeux ont fini leur vie dans les camps d’extermination pour la simple raison qu’ils étaient juifs.

Ce n’est pas tout. Qui a édicté le statut des juifs en octobre 1940 leur interdisant un grand nombre de professions (artistes, comédiens, journalistes, fonctionnaires, enseignants, etc.) ? Qui a créé des numerus clausus pour devenir médecin ou avocat ? Qui a imposé le port d’une étoile jaune stigmatisant des Français et des Françaises dont Hitler et Pétain voulaient qu’ils (et elles) disparaissent dans la nuit et le brouillard?

Eric Zemmour, puisqu’il s’agit de lui, se disqualifie totalement. Si par malheur il devenait président de la République (ce que je n’imagine pas) notre pays regorgerait de haine dans une société violente. Souhaitons que les électrices et les électeurs de notre beau pays n’écoutent pas cette sirène de malheur.

 

Les Polonais jouent perso

Le tribunal constitutionnel polonais vient de déclarer qu’il est inadmissible que les décisions de la Cour européenne de justice soit au-dessus, dans la hiérarchie et dans ses décisions, des lois strictement nationales.  Il s’agit pourtant des textes fondateurs de l’Union européenne ce dont veulent s’affranchir certains dirigeants comme Orban et le président tchèque un eurosceptique en chef.

C’est simple. Plutôt que de récriminer et de se lamenter, il suffit de couper le robinet des subventions à ces pays qui refusent de jouer le jeu collectif. On ne peut pas d’un côté, tendre la sébile, comme disait Maurice Druon, et de l’autre refuser des règles qui s’imposent à tous. Sans les fonds européens, que deviendraient les Polonais, les Tchèques ou les Hongrois ?

 

Boris Johnson boira-t-il le calice du Brexit jusqu’à la lie ?

La Grande-Bretagne manque de tout : les rayons des supermarchés se vident, les pompes à essence aussi, les pêcheurs ont du mal à écouler leurs prises…Même si BoJo invoque l’épidémie de COVID pour masquer ses erreurs et ses insuffisances, viendra le moment de vérité. La vérité du Brexit que de nombreux citoyen(ne)s britanniques commencent à découvrir dans toutes ses conséquences fâcheuses.

Et la vérité c’est que la Grande-Bretagne, quand bien même elle aura trouvé un accord avec le grand frère américain et le cousin australien dans le cadre de l’affaire des sous-marins, réalise 50 % de ses échanges avec l’Union européenne.

Le Premier ministre britannique va plus loin. Il remet en cause des accords signés il y a quelques mois régissant les relations de la République d’Irlande et l’Irlande du nord avec le reste de la Grande-Bretagne. Comme il complique à loisirs des permis de pêche des armateurs français qu’il refuse de renouveler, Clément Beaune, chargé des relations européennes au sein du gouvernement français, suggère de rationner la fourniture d’électricité à l’île de Jersey durant les mois à venir en mesure de rétorsion. Je ne suis pas certain que punir Boris Johnson de cette façon permettra d’améliorer les rapports avec un pays allié important dans le cadre du système de défense européen et dans la lutte contre le terrorisme. Il faudra certainement inventer autre chose.

 


 

 


6 octobre 2021

Jean Zay et Pierre Mendès France condamnés à Clermont : « Chaînons manquants » entre De Gaulle et Blum

Joan Mendès France (au centre) et Hélène Zay, à droite
Pour le meilleur…et pour le pire. Dans la salle des mariages de Clermont-Ferrand, cette formule rituelle est écrite sur les murs. Ces murs devant lesquels Jean Zay et Pierre Mendès France furent condamnés par le tribunal militaire du régime de Vichy après deux procès intentés contre de soi-disant déserteurs, juifs qui plus est. Sans revenir en détail sur l’affaire dite du Massilia, qu’on sache simplement que plusieurs députés français (dont Jean Zay, Pierre Mendès France, Pierre Viénot et Alex Wiltzer) prirent la mer en juin 1940 pour gagner le Maroc afin d’y poursuivre le combat contre les nazis au moment même où Pétain demandait l’armistice. Le maréchal saisit là l’occasion d’instrumentaliser le départ de ces élus de la nation pour les salir et par là même blâmer le gouvernement du Front populaire auquel les deux « amis-frères » avaient appartenu et devenu « le responsable de la débâcle ». Pierre Viénot fut condamné à une peine de prison avec sursis. Alex Wiltzer bénéficia d'un non lieu. Il faut dire que ni Viénot, ni Wiltzer n'étaient juifs !

Jean Zay, d'abord, connut le pire des sanctions : la déportation (1) le 4 octobre 1940 et Pierre Mendès France, ensuite, le 9 mai 1941, se vit infliger une peine de six années de détention sans oublier la suppression de ses droits civils. Jean Zay fut assassiné par la milice de Darnand après le débarquement des alliés du 6 juin 1944. Pierre Mendès France, s’évada de la prison de Clermont pour rejoindre la France libre et le général de Gaulle à Londres où il fit preuve d’un grand courage.

« Un peuple sans mémoire est condamné à revivre son histoire » (Mouloud Mameri). Cette formule illustre la nécessité que l’Institut Pierre Mendès France et l’Association des amis de Jean Zay (avec le cercle Pierre Mendès France clermontois) ont faite leur, d’où la journée de commémoration organisée à Clermont-Ferrand, lundi dernier, ouverte par Olivier Bianchi, maire (PS) de la ville, sur les lieux mêmes de l’infamie perpétrée par les théoriciens de la Révolution nationale. Cette terrible Révolution nationale symbolisée, notamment, par une justice militaire partiale (et plus tard avec les sections spéciales) dont on sait qu’elle est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. Le pire parfois.


François Loncle et Vincent Duclert


François Loncle, le tout nouveau président de l’Institut Mendès France, en a profité pour fustiger certain impétrant révisionniste et potentiel candidat à l’élection présidentielle. A l’heure où l’antisémitisme et le racisme redoublent de vigueur, l’Institut PMF organisera dans les mois à venir une manifestation d’importance nationale dont les intervenants restent à définir. A quelques semaines du premier tour de l’élection, il ne sera, en effet, pas inutile de dénoncer les fausses nouvelles et de critiquer ceux et celles qui, au mépris des textes constitutionnels, veulent transformer la France en un apartheid d’un nouveau genre.

Pour évoquer les premiers procès du régime de Vichy, deux historiens se sont mis à l’ouvrage. Olivier Loubes, professeur à l’université de Toulouse et biographe de Jean Zay, a narré comment Vichy — et ses exécutants — ont voulu éliminer des opposants républicains. Cette dictature française a répandu l’idée que la république, celle « enjuivée du front populaire » était responsable de la défaite de la France face à l'Allemagne et ses alliés. Olivier Loubes a trouvé la bonne formule : Les procès de Clermont sont « les chaînons manquants » dans la mémoire collective entre le procès du général de Gaulle (condamné à mort) et le procès de Riom (celui de Léon Blum) d’où Vichy sortit en lambeaux au grand dam des nazis.

L’intervention d’Olivier Loubes, ciselée, permit se saisir la solitude carcérale mais aussi la profonde humanité de Jean Zay. Un homme livré à l’injustice, abandonné à lui-même et sa famille (une femme et deux enfants) et promis au sort funeste qui fut le sien. Hélène Zay-Mouchard, l’une des filles de Jean Zay, présente à Clermont, donna lecture d'un message de Pascal Ory et d’extraits de quelques lettres de son père, moment émouvant s’il en fut, illustration d’un fils, d’un mari, d’un père, d’un martyre, soutenu par l’affection des siens face à la broyeuse psychique que représente une innocence bafouée.

Olivier Loubes et Vincent Duclert
 Vincent Duclert, enseignant à Sciences Po Paris, chercheur à l’EHESS, mieux connu pour avoir présidé la commission sur le génocide Rwandais et directeur de l’édition des écrits de résistance de Pierre Mendès France (2) a bien décrit les mécanismes politique et juridique conduisant PMF à décider de s’évader après sa condamnation définitive. PMF, docteur en droit, construisit une défense argumentée, redoutable d’efficacité et pourtant impuissante puisque le jugement était écrit d'avance. Son évasion se justifiait tant elle symbolisait de sa part le refus absolu d’une machination destinée à condamner un homme dont le seul crime consistait à vouloir poursuivre le combat ! Combat qu’il assuma au sein de l’escadron Lorraine (Forces aériennes de la France Libre) avant de rejoindre le général de Gaulle à Alger dans le gouvernement provisoire de la République.

Avec Françoise Chapron, attachée scientifique de l’Institut PMF et cheville ouvrière de cette journée singulière, on crut entendre la voix de l’ancien président du Conseil, ancien député-maire de Louviers. Le choix des textes qu’elle lut a retenu toute l’attention du nombreux public présent — parmi lequel quelques étudiants (khagneux) du lycée Fénelon de Clermont — dont plusieurs membres furent très heureux d’échanger avec Hélène Zay-Mouchard ou Joan Mendès France toutes deux gardiennes vigilantes d’une mémoire familiale légitimement sublimée.

 

Hélène Zay-Mouchard avec les étudiants et leur professeur

(1) Aucun Français n’avait été condamné à la déportation depuis les procès des Communards de Paris après 1871. 

(2) Ecrits édités avec la collaboration étroite de Michel et Joan Mendès France ainsi que Simone Gros.