10 avril 2015

« Les coups tordus de M. Lecornu » par Marc-Antoine Jamet


« Tout avait bien mal commencé. Dès le soir du second tour des élections départementales, le 29 mars dernier, alors que la droite, pendant toute la campagne, était restée muette sur l’identité de son candidat à la présidence du département, manière scandaleuse de traiter les électeurs, les pressions, les menaces, les coups de téléphone parisiens s’abattaient sur le centriste Jean-Paul Legendre, pourtant représentant véritable et - quant à lui - authentiquement enraciné de notre territoire, pour l’obliger à renoncer à se présenter à ce poste qu’il aurait occupé, disait-il, dans un esprit de justice et une volonté d’équité, valeurs étrangères à la jeune garde lemairiste. Il s’est exécuté. Il s’est effacé. C’était brutal.

Dès sa séance d’installation, le nouveau président UMP de l’Eure a donné le ton. Pas un mot d’estime, de reconnaissance ou de courtoisie pour son prédécesseur et le travail fait pendant quinze ans par une équipe au service du département et de son développement. Le nom de Jean-Louis Destans ne fut même pas prononcé. La tradition républicaine était foulée aux pieds. C’était grossier.

Dès avant que les résultats officiels soient publiés - du jamais vu ! - l’ancien directeur général de l’UMP en faillite était propulsé à la tête des services du département. L’impréparation flagrante et la compétence incertaine du nouvel élu rendaient obligatoire ce parachutage en catastrophe d’un ancien préfet pour cacher que le roi des vernonnais était nu. Le grand vizir, après avoir demandé son chemin à la gare, découvre en ce moment même la réalité de nos villes et de nos villages sur Wikipédia. C’était méprisant.

Dès avant que le pauvre Sébastien ne s’assoit sur son fauteuil, ces deux parrains, ces deux chaperons, ces deux papas, ces deux tontons, Cousin Morin, éleveur de Yearlings qui se souvient avoir débarqué à Omaha, et grand-père Le Maire, permanent patenté d’une politique de cumuls déguisés, mettaient sur leur petit débutant la pression, lui rappelant, en s’asseyant au premier rang de la séance d’installation, qu’ils étaient les vrais patrons. Comme les émigrés de Coblence, ils n’ont pas changé. Rien compris. Rien appris. C’était arrogant.

Dès avant que l’ancien attaché parlementaire du Ministre des affaires européennes, qui a ruiné en son temps les agriculteurs et éleveurs eurois, n’a dit un mot, émis un son, prononcé une parole, on lui adjoignait, un peu comme à Mgr Gaillot autrefois, un coadjuteur, élu battu de Paris, un dénommé Laurent Dominati, pour limiter ses erreurs, maladresses, et autres bêtises, annoncées jusque depuis les rangs de la droite comme volant en escadrilles lorsque le jeune président s’exprime. C’était exagéré.

Dès avant que les habitants de Vernon s’aperçoivent que celui qu’ils avaient élu -il y a moins de douze mois- pour 6 ans leur avait menti par omission, taisant sa future désertion et prenant aussitôt la poudre d’escampette pour Evreux M. Lecornu révélait dans un entretien scandaleux donné au blog « caméra diagonale », donnant l’air de ne pas comprendre l’énormité qu’il proférait, qu’il s’assiérait sur les lois, ignorerait la morale et contournerait les institutions pour nommer « à titre de remplaçant » un maire de « paille » dont il serait le ventriloque à chaque conseil municipal. Quel modèle d’instruction civique ! C’était honteux.

Mais le plus gros était encore à venir. Pour préparer, au chaud, sa candidature aux législatives de 2017 et faire face au tollé que suscite à Vernon aussi bien son départ précipité que la nomination d’un prête nom missionné à l’inauguration des chrysanthèmes, un coup tordu vient d’être mis au point. Un recours bidon est déposé depuis deux jours contre l’élection de M. Lecornu. L’objectif de cette manipulation est de neutraliser, tant que la procédure sera en cours, l’incompatibilité entre les fonctions de maire de Vernon et de président du conseil départemental de l’Eure qu’il veut cumuler. Ainsi est tourné l’esprit de la règle. Ainsi est dupé le citoyen. Ainsi est anesthésiée la colère populaire.
  
Devant cette hypocrisie que certains qualifient de magouille les socialistes n’ont pas envie de dire « bravo l’artiste ». Les affaires publiques, les impôts, les équipements, la voirie ne sont pas un jeu d’enfant. En 15 jours seulement, c’est déjà un recul de 15 ans en arrière. C’est le retour aux vieilles méthodes, aux petits arrangements entre amis, à la politicaillerie la plus détestable. Le département avait « une Eure d’avance ». Avec la droite, il commence déjà, au bout de deux semaines seulement, à accumuler les retards. »

Marc-Antoine Jamet
Premier secrétaire fédéral du PS de l'Eure

8 avril 2015

Le Pen père est-il jaloux du « succès» de sa fille ? Ou s'agit-il de jeux de rôles ?


Jean-Marie Le Pen est un personnage. Extravagant, obsessionnel, impulsif et surtout, fidèle à des idées méprisables. Dans un entretien avec le journal d’extrême droite Rivarol, il réitère quelques unes de ses formules célèbres mais célèbres pour leur ignominie et leur rancissement. Les chambres à gaz, « point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale » lui ont valu plusieurs condamnations mais la commission à répétition d’un délit ne semble pas l’émouvoir. Il est vrai que l’ancien para en a vu d’autres, notamment quand il portait le béret rouge dans l’Algérie encore française.

Le problème de Jean-Marie Le Pen est qu’il gêne la progression électorale de sa fille et pollue les messages de cette dernière. En réaffirmant son amour du maréchal Pétain et son dégoût pour la démocratie, le président d’honneur (ou de déshonneur) du Front national semble s’amuser comme un petit fou à mettre en colère sa fille et ses suppôts. Il a même contraint la présidente du FN à se désolidariser de « papa » laquelle envisage de ne pas l’investir aux prochaines élections régionales dans la région PACA. Elle va réunir la commission exécutive de son parti pour sanctionner le vieillard de 86 ans dont les facultés mentales semblent intactes. En tout cas elles continuent de le rendre apte aux dérapages intentionnels.

Une question se pose. S’agit-il de jeux de rôles ou tout simplement d’une forme stylistique de caractère névrotique ? Jean-Marie Le Pen souhaite-t-il l’échec de sa fille et du mouvement qu’il a fondé, considérant que nombre des fondés de pouvoir de Marine fleurent trop l’homosexualité ou le marxisme ? Quel est l’objectif réel du vieux libidineux ? On dit qu’une partie des électeurs du FN d’aujourd’hui est composée de nostalgiques de la Révolution nationale, de Pétain par conséquent, mais aussi de tous ceux qui apprécient l’autoritarisme et le pouvoir du chef. Marine, sa fille, a plus de succès que Jean-Marie, son père et il ne le supporte pas. La clé de ses saillies réside-t-elle dans une jalousie maladive ?

Ne soyons pas dupes. Si la forme change et évolue, le fond du parti bleu marine demeure celui d’un parti rétif à la République. J’ai déjà dit, ici, que sans alliés, le FN n’arriverait jamais au pouvoir. Sarkozy a d’ailleurs compris tout le bénéfice qu’il pouvait tirer des mauvaises idées du FN tout en refusant un accord politique avec ce parti. Les résultats du second tour des élections départementales confortent son analyse : faire du FN sans le FN ! En 2002, Chirac a tué Le Pen père avec le soutien de la gauche. En 2017, ce qu’à Dieu ne plaise, Sarkozy pourrait bien tuer (électoralement s’entend) l’égérie des identitaires. Mais sans nous.

« Le prix à payer » vendredi 10 avril au cinéma Les Arcades de Val-de-Reuil


« Le prix à payer » et si c'était la mort de la démocratie ? Film du canadien Harold Crooks co-écrit avec Brigitte Alepi, Vendredi 10 avril à 20 h au Cinéma les Arcades à Val-de-Reuil, Débat avec Guy MAURAU, ancien maître de conférences à l’université de Rouen, en retraite, membre des « Économistes atterrés ».

Ce qu’en pense la presse
Synopsis. Un film du canadien Harold Crooks co-écrit avec Brigitte Alepin. Avec quelques très grandes pointures comme Thomas Piketty, John Christensen, Pascal Saint Amant,…
L’évasion fiscale à grande échelle, telle que les géants de la nouvelle économie la pratiquent, creuse l’écart des revenus entre les privilégiés et le reste du monde, appauvrit les classes moyennes, et affaiblit les fondations de nos sociétés. Et si le prix à payer était la mort des démocraties ?
Selon « Challenge » : « En abordant un sujet fortement traité ces derniers mois, "Le Prix à payer" prenait le risque de tomber dans le "déjà vu". Il n’en est rien. L’approche pédagogique voulue par le réalisateur, le rythme du récit renforcé par une mise en scène soignée et la qualité des intervenants, font de ce documentaire l’un des plus aboutis de ces dernières années. »
« Le Figaro » : « De 21.000 à 32.000 milliards de dollars, soit l'équivalent de 10 à 15 % du patrimoine financier mondial! C'est une estimation de l'argent caché dans les paradis fiscaux fin 2010. Dans son documentaire choc sorti en salle mercredi, Harold Crooks, habitué des films engagés, s'interroge: si le «prix à payer» - titre du film - était la mort de nos démocraties? «L'âge d'or de l'État libéral, l'État providence, c'est fini, assène Saskia Sassen, l'une des économistes interrogées. Le contrat social est rompu.» La prospérité d'après-guerre - qu'illustrent les prises de vue de quartiers proprets, des éclats de rire d'enfants et du bonheur de leurs parents - contraste avec celles des déshérités de la crise financière: quartiers abandonnés, maisons délabrées, familles jetées à la rue. »
« Le Canard Enchainé » : « Que faire ? Le réalisateur appuie la création d’une taxe Robin des bois sur les mouvements financiers…Mais ne peut-on imaginer plus efficace ? Et si Alexis Stipras transformait la Grèce en super-paradis fiscal ? Il coulerait la City, la Suisse, le Luxembourg, etc. Et aurait la troïka à ses pieds ! « Ce n'est pas illégal, c'est immoral ! »

7 avril 2015

Le suicide de Jean Germain, ancien maire de Tours, nous atteint tous


Le suicide de Jean Germain nous atteint tous. Du moins tous ceux et toutes celles qui sont engagés dans le monde politique, un monde cruel et impitoyable. Sa mort programmée et expliquée dans une lettre destinée à ses proches, choque ses amis du parti socialiste mais aussi ceux que la politique placent sur le devant de la scène, souvent sans pudeur ni respect.

L’ancien maire de Tours n’a pas supporté, au premier jour de ce qui devait être son procès, les accusations de malhonnêteté et de détournement de fonds dans une affaire liée à des mariages à la chinoise. Il affirme n’avoir jamais touché un centime d’argent propre ou sale dans le cadre de ses fonctions d’élu et donc en souhaitant s’enrichir personnellement. Il jure n'avoir pas pu supporter, ne serait-ce que sous la forme d'un doute, une mise en cause de sa probité et de son comportement.

Pour avoir préféré la mort au déshonneur et à la salissure, Jean Germain — c’est du moins mon avis — devait avoir la conscience tranquille. Comme Pierre Bérégovoy, ancien premier ministre de François Mitterrand, Jean Germain a commis l’irréparable dans une forme sacrificielle qui n’appartient qu’aux personnes exceptionnelles. L’un, l’ancien ajusteur et ancien Premier ministre harcelé dans une affaire de prêt sans intérêt, l’autre, l’ancien maire de Tours, avaient évidemment des points communs dont le principal était de croire en des valeurs et non en la valeur.

La politique est-il un monde cruel ? Sans nul doute puisqu’il exige des élus un comportement inattaquable moralement et sans tache matériellement ce qui est normal mais les place dans une situation exposée, que cela soit juste ou non. La société médiatique fait le reste sans nuances. L’élu reçoit l’onction du suffrage universel, ce qui ne le change pas fondamentalement du jour au lendemain mais lui confère une image de désintéressement et d’engagement. Dès lors, quand des accusateurs ou des comités de salut public lancent leurs chiens aux basques des honnêtes gens, le regard de l'autre devient un reproche, une insulte permanente.

Les Tapie, les Balkany et tant d’autres comme Jérôme Cahuzac ont abusé et usé de leurs positions ou de leurs relations au pouvoir. Mis en cause par la justice, je n’imagine pas un seul instant que ces anciens ou actuels élus aient été indifférents aux articles de presse parfois écrits dans l'urgence et le sensationnalisme. Il se trouve pourtant qu’ils ne sont pas nombreux ceux et celles qui sont capables de surmonter la suspicion de malhonnêteté quand toute leur vie a été construite sur l’exemple. Choisir la mort ressemble alors à une ultime exigence d'amour propre. Ce qui n'empêche pas la rumeur de continuer à courir…

Ce jeudi au Moulin, « Raging bull » à 20 heures


Autour du spectacle :
Exposition à la Médiathèque du reportage photo des boxeurs du club full boxing de Louviers.

La réservation pour assister au spectacle est conseillée ! Le Moulin - Louviers
02.32.40.31.92
infomoulin@gmail.com
http://moulin.ville-louviers.fr

5 avril 2015

La grosse colère de Leslie Cléret, victime non consentante…


Leslie Cléret avec Eric Lardeur sur le marché de Louviers. (photo JCH)
Leslie Cléret n’est pas contente. Fidèle à sa franchise habituelle, elle ne mâche pas ses mots dans un entretien accordé à La Dépêche cette semaine. Elle a attendu les résultats du second tour des élections départementales pour exprimer son amertume et ses regrets même si elle le fait avec un certain panache. Elle considère, en effet — et elle a totalement raison — que sa défaite dès le premier tour des élections départementales est à la fois injuste et imméritée. S’il est une conseillère générale qui s’était attelée à la tâche avec efficacité et pendant plus d’une décennie c’est bien elle. Ce n’est pas le bilan de la majorité de gauche sortante qui a été condamné. C’est la collusion de quelques facteurs que je vais tenter d’expliquer.

Leslie Cléret était la sortante du canton de l’ancien canton de Louviers-nord. Les électeurs de Heudebouville, Vironvay, Saint-Pierre et Saint-Etienne du Vauvray, et de quatre bureaux de la ville de Louviers, s’ils avaient été attentifs, auraient retenu le bilan de Leslie Cléret très orientée sur l’aide sociale et le travail des associations. Sans parti pris, elle a su tisser des liens forts avec la population et ses différentes réélections prouvent que quand l’action locale est visible et prioritaire, les citoyens savent le reconnaître.

Cette élection de 2015, sous la forme de binômes homme-femme, aurait donc dû conforter les choix de Leslie Cléret, féministe active sans être partiale. Mais les votants ont décidé de faire de ces départementales une forme de législative sanctionnant l’action du gouvernement et de sa politique plutôt que de juger le bilan et le projet du couple Cléret-Yung. J’avais, en son temps, porté un jugement négatif sur le choix de l’ancien président de la CASE comme colistier eu égard à son ancienneté sur le terrain politique, sa défaite à la présidence de la CASE et son insuccès aux municipales. Il faut savoir passer la main, ce que le PRG n’a pas su faire même dans le Tarn-et-Garonne où Baylet, le président national du PRG, a pris la tasse. Il n’a pas su le faire non plus à Louviers.

La désunion ? Tous les authentiques gens de gauche regrettent que l’union de la gauche n’ait pas été recherchée dès le premier tour. Ils le regrettent mais tout a été fait pour l’empêcher. Le président sortant du conseil général, Jean-Louis Destans, a adopté une posture guerrière contre le front de gauche à Brionne (le PCF en réalité) empêchant tout accord départemental ailleurs. Les primaires à gauche ont donc été un massacre ! Il est difficile pour Leslie Cléret (et pour d’autres) d’avaler cette grosse couleuvre. C’est la preuve du peu de considération consacrée aux petits et aux sans grades. Elle considère avec raison que les élus « d’en haut » comme elle le dit bien dans ses déclarations, se préoccupent peu du sort de ceux « d’en bas ». C’est le premier message qu’adressent les électeurs du FN à ceux qui nous gouvernent.

Faute d’accord à gauche — et cet accord était sans doute possible à obtenir — la primaire a été ravageuse. La désaffection des gens de gauche a été aggravée par une réforme mal comprise, en cours d’examen au Parlement ( ?) et une médiatisation plus que faible pourtant indispensable quand on veut que les électeurs comprennent les enjeux et les approuvent. A Louviers, le taux de participation a été très bas et la gauche en a pâti. Si l’on ajoute que certaines personnalités du PS n’ont pas mouillé le maillot malgré les communiqués d’autosatisfaction, on se dit que ces départementales n’étaient pas si vitales que cela pour certains parlementaires du parti socialiste plus à l’aise devant les micros que sur les marchés.

Il est évident que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si le contexte ne change pas d’ici au mois de décembre, les futures élections régionales risquent de faire déchanter la gauche. Marc-Antoine Jamet a raison d’insister sur le travail à engager dès maintenant pour tenter de limiter la casse. Cela passe évidemment par un sursaut militant, la volonté de privilégier ce qui rassemble plutôt que ce qui divise mais l’union ne se décrète pas, elle se construit et il faut que les différents partis en expriment la volonté. Le PS, le PCF, EELV ont géré la région (et bien) pendant six ans. Il est donc possible de travailler ensemble. Si cette union ne se réalise pas, on comptera les régions gagnées par la droite et pire, par le Front national. Qui a intérêt à cette extrémité ? Peut-être plus de gens qu’on ne le croit.