11 janvier 2018

Les éditions Gallimard reportent avec raison la publication des pamphlets antisémites de Céline


La sagesse l’a emporté. Les éditions Gallimard ont en effet décidé, ce jour, de différer la publication des trois textes de Céline (dont Bagatelles pour un massacre) faute de pouvoir éclairer historiquement les pamphlets antisémites de l’écrivain français. Si ces trois textes ont été édités au Québec, en 2012, annotés par un « spécialiste » universitaire de l’œuvre de Céline, les éditions Gallimard ont pensé qu’il pouvait en aller de même en France…

Dès que l’annonce de cette publication a été faite, nombre de voix se sont élevées pour protester, certaines demandant l’interdiction pure et simple de ces textes dont la lecture est permise et qui circulent d’ailleurs sur Internet. Le débat est toujours de même nature : il faut distinguer l’homme Céline de l’écrivain Céline, celui du « Voyage au bout de la nuit. » Comme il fallait distinguer le Pétain de 14-18 du Pétain de 1940. Comme il faudrait distinguer le réalisateur Roman Polanski du « violeur » qu’il fut à une autre époque de sa vie. Peut-on distinguer l'homme de son œuvre ? Tout homme n'est-il pas entièrement dans ce qu'il dit, fait, écrit ?

Ces débats sont vifs, inépuisables car chaque camp veut toujours avoir raison sur l'autre. Pour que les éditions Gallimard adoptent cette attitude de retrait, c’est bien parce que la publication de textes sulfureux, abominables, scandaleux, mérite d’être entourée d’un luxe de précautions permettant aux jeunes générations de découvrir, s’ils ne le connaissent déjà, le contexte de l’époque de l’entre deux guerres et surtout d’avoir accès à des critiques étayées sur les mensonges, les jugements infondés, les attaques virulentes de l’écrivain antisémite.

En republiant « Mein Kampf » les Allemands ont exigé une édition critique offrant toutes les garanties de sérieux, d’objectivité factuelle, permettant de démontrer et de démonter les fantasmes destructeurs du dictateur nazi. Tant que les éditions Gallimard n’auront pas trouvé les historiens, les chercheurs, les philosophes à même de créer des pare-feux indispensables aux lecteurs contemporains, avouons qu’elles ont eu raison de refuser un travail bâclé et donc inadmissible.

9 janvier 2018

Les théories complotistes ? Des armes de distraction massives !


A la lecture du sondage réalisé par la Fondation Jean Jaurès et une association civique (Conspiracy Watch) sur l’adhésion — ou non — des Français aux théories complotistes, on est effaré mais pas étonné. Près de 9 % de nos concitoyens croient peu ou prou que la terre est plate ! 19 % Qu’elle a 10 000 ans d’existence ! Que les Américains ne sont jamais allés sur la lune ! Que la fumée blanche des avions est composée de produits toxiques destinée à empoisonner les populations, et évidemment, que les attentats du 11 septembre 2001 sont dus à des manœuvres des services secrets américains…Quant à la théorie du grand remplacement (1) si chère à tous les islamophobes, elle a encore de beaux jours devant elle ! L’extrême droite ne se prive d’ailleurs pas d’exploiter cette belle escroquerie intellectuelle que tous les démographes et les sociologues sérieux démentent absolument.
Des théories complotistes, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Quand on ne parvient pas à trouver sa place dans le monde ou dans la société, il est bien « évident » que des forces malfaisantes, des esprits nuisibles, des énergies occultes agissent en coulisse pour vous humilier et vous laisser pour compte. Ben voyons !
Le sondage indique d’ailleurs que les électeurs(trices) de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon sont ceux et celles qui croient le plus en ces forces de l’ombre et du chaos. Le bruit et la fureur règnent en maître chez ceux et celles que la vie n’a pas gâtés. Dès lors, comme toujours, il faut bien trouver une explication, un responsable à ce mauvais sort. Hier ce fut « le juif ». Aujourd’hui c’est « le musulman ». L’éternel bouc émissaire !

Comment et pourquoi les rumeurs, les ragots, les fausses nouvelles et autres diffamations parviennent-ils-elles à imprimer les cerveaux ou plutôt les affects des amateurs de complots ? Moins on est informé, moins on est éduqué, moins on sait de choses et plus on est certain que des esprits maléfiques gouvernent le monde… même si je n’ignore pas que des docteurs ou des titulaires de diplômes élevés n’excluent pas l’existence des pouvoirs de l’ombre. On peut être éduqué et croire aux vertus de la pensée magique.

En 2018, et surtout les jeunes de 18 à 35 ans, d’ailleurs, bien des Français voient la main du diable partout. Manquerait plus qu’on brûle des hérétiques sur la place publique ! Finalement, ces fausses nouvelles qu’affectionnent des gens comme Trump, ont encore de beaux jours devant elles d’autant que la presse et les médias…ont mauvaise presse. Les habitants de notre pays ne sont que 25 % à penser que les journalistes rapportent l’actualité sans la déformer ! Autrement dit, pendant qu’on passe son temps à écouter les rumeurs, à les commenter — ce que je fais en cet instant — j’en conclus que ces théories complotistes sont des armes de distraction massives. Elles nous empêchent de réfléchir, d’être à l’écoute du monde. Le vrai.

(1) La théorie du grand remplacement : Selon cette théorie qui circule surtout dans les milieux d'extrême droite, les Français pourraient bientôt être évincés démographiquement par des peuples non européens.

7 janvier 2018

Taxe sur les morts et…baisse des impôts : Pour Diego Ortega, « il s'agit d'un coup de com de la part du maire de Louviers »


Affiche utopique mais nécessaire. ©JCH
Diego Ortega dont on connaît l’intérêt pour la politique lovérienne a publié sur son profil facebook un texte qui répond à mon article consacré à la « taxe sur les morts. » Je le publie dans son intégralité.

« Il me semblerait inopportun de commenter l'appréciation que tu portes sur Franck Martin et sa façon de « faire de la politique ». Elle est empreinte de vos divergences. Elle est en partie le fruit de liens qui vous concernent, seuls, et qui datent de plusieurs dizaines d'années ... Tu comprendras que je ne m'en mêle pas.

Je me permets, en revanche, de faire un léger rectificatif s'agissant des radicaux de gauche. Feu le PRG s'est divisé en deux. Certains élus et militants fusionnent dans un nouveau mouvement avec les radicaux valoisiens (jusqu'alors membres de l'UDI), c'est exact. D'autres (dont fait partie Olivier Taconet) constituent un autre mouvement intitulé "les radicaux de gauche". Ce mouvement s'inscrit dans la perspective d'une gauche de gouvernement, humaniste, progressiste, laïque, sociale et écologiste. Il a vocation à prendre sa place dans la "reconstruction à venir" de cette gauche dite de gouvernement ...
Ensuite, s'agissant de la déclaration du Maire de Louviers. Deux commentaires :
Les frais d'inhumation des personnes dites "indigentes" étaient jusque là portés par la solidarité via la redistribution de l'impôt local et en particulier par une intervention du CCAS. Très bien. La mise en place de cette taxe va faire porter cette charge par les familles endeuillées, et elles seules. Et ce, quelque soit leurs revenus, toutes seront taxées uniformément à 50 €.

Au-delà de l'exemple, mon intérêt réside dans ce que cette décision a de révélateur ! Révélateur d'une divergence de fond sur la gestion des collectivités territoriales.
Cette divergence porte en l'occurrence sur la répartition de la charge entre le contribuable et l'usager. Ainsi, la majorité municipale a souhaité que désormais cette charge soit prise en charge par l'usager (la famille endeuillée et plus le contribuable dans son ensemble), soit.
Cette conception n'est pas partagée par tous, en tous cas, pas par moi.
Concernant le vote de l'opposition sur la baisse (très symbolique) du taux d'imposition à Louviers. Sauf erreur de ma part, il ne s'agit pas d'une opposition de principe à cette baisse, bien au contraire. Qui serait contre, à service équivalent, d'une une baisse des contributions obligatoires ?

Il me semble que ce qui oppose majorité et opposition, c'est le sentiment par cette dernière d'un énorme "coût de com". Ainsi, pour avoir assisté à de nombreuses réunions où le Maire de Louviers annonçait un événement majeur : Une baisse des impôts à Louviers ! J'imaginais qu'il s'agissait d'un tour de force. Non seulement, la Ville devait faire face à une baisse puis un gel des dotations de l'Etat, mais en plus l'exécutif proposait une baisse de ses ressources liées à l'impôt local : trop fort ...Impressionné, j'étais !

Mais cela ne fut que de courte durée, en particulier lorsque nombre de lovériens m'ont indiqué la nature de la baisse "concrète et réelle" de leur imposition.
1, 2 voir 5 € par an sur un impôt parfois supérieur à 1000 € ! Baisse du taux, il y a. Delà à en faire l'élément majeur d'une stratégie financière à grand renfort de communication, cela pourrait apparaître comme disproportionné ... À mes yeux, on s'approche plus de l'effet d'annonce et du coup de communication que d'une baisse réelle et significative de la pression fiscale à Louviers ! Dommage. J'exprime un sentiment personnel. Sentiment partagé par l'opposition municipale et qui explique sa réserve lors des annonces du Maire sur une nouvelle baisse des taux.

Enfin, sur le sujet même. Tu n'es pas sensible à la forme prise par cette opposition à la taxe. Tu ne signeras donc pas cette pétition, j'entends. Mais s'agit-il uniquement d'une question de forme ? Que penses-tu du fond ? Du principe même de mise en œuvre de cette taxe ? D'annoncer une baisse de l'impôt local tout en mettant en place de nouvelles taxes et en augmentant par ailleurs nombre de tarifs ? Il ne s'agit pas de polémique (comme toi, je n'y suis guère sensible), il s'agit de la conception même du principe de solidarité et de redistribution de la richesse créée. Faut-il favoriser la prise en charge financière des missions de services publics locaux plutôt par l'impôt (et donc le principe de redistribution en fonction des revenus de chacun) ou faut-il plus tôt faire peser ces charges sur l'usager ?

A noter que cette taxe a un caractère obligatoire (on ne choisit pas de la disparition d'un proche) et sera du même montant quelque soit la nature des revenus des personnes taxées. Cela doit te rappeler de vieux débats sur la gratuité du service public et plus récemment sur les questions de DSP de certaines missions liées à la gestion de l'eau (si ma mémoire ne me fait pas défaut). Je serai ravi d'échanger à l'occasion avec toi sur tous ces sujets passionnants ...

Enfin, tu interroges l'exécutif local sur son argumentation à mettre en œuvre cette nouvelle taxe, c'est bien naturel. Un de tes prochains papiers permettra probablement à un ou plusieurs des membres (de ton choix) de l'opposition d'exposer de façon argumentée, structurée (et en dehors de toutes invectives et agressions verbales) les raisons de leurs objections à l'application de cette taxe inopportune à leurs yeux ...

A très bientôt, j'espère.
Diego

Ma réponse : Merci Diego d’utiliser le ton que tu emploies. Il est conforme à ce que des citoyens désirant être informés pour comprendre, attendent de ses représentants actuels ou futurs. Cela nous change. Et comme en plus, tu argumentes avec talent (et travail) je suis heureux de publier ton texte sur mon blog. Je le publie pour, justement, ne pas rester limité aux réseaux sociaux que tout un chacun ne fréquente pas forcément. Et ton texte mérite la diffusion la plus large puisqu’il interpelle intelligemment la majorité municipale.
Qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Le titre de mon article (un peu d’humour fait du bien) est d’ailleurs sans équivoque : cette mesure est un expédient comme nombre d’adjoints aux finances en utilisent depuis que le monde est monde et que la décentralisation a permis aux élus de s’engouffrer dans des sentiers étroits. Je suis contre cette taxe. Mais je ne signerai pas la pétition dont l’objectif aurait dû être, si l’outil est vraiment adapté à la situation, ce dont je doute (opération com également) d’élargir la base étroite d’une gauche plus en perdition qu’en reconstruction.

Merci Diego de m’avoir éclairé sur les subtilités relatives aux radicaux. Je viens de lire la biographie de Michel Beck consacrée à la vie de Pierre Mendès France. Membre du Parti radical (par admiration pour Herriot) PMF a passé sa vie à être trahi, critiqué, honni par ceux-là même qui auraient dû le soutenir, notamment en 1956. On attendait PMF, on eut Mollet ! Il eut les mêmes difficultés au PSA puis au PSU de Michel Rocard. J’ai adhéré au PS en 2006, ce fut une expérience intéressante (à laquelle j'ai mis un terme) mais jamais je ne m’y suis senti à l’aise comme je l’avais été au sein du CAG (comité d’action de gauche). Dans ce dernier, le breuvage était plus important que le flacon. Tu ne me feras pas croire que le parti de M. Taconet (les Radicaux de gauche dis-tu ?) a un avenir autre que groupusculaire à vocation utilitariste…

Enfin, je suis évidemment prêt à accueillir sur ce site les écrits de toutes les bonnes volontés concourant à une pédagogie politique sans laquelle il n’est point de citoyen (voir affiche en illustration). Je te remercie de ta contribution qui renforce ma conviction : on peut défendre un point de vue sans vouloir forcément l’humiliation d’un adversaire ou d’un contradicteur.