10 juillet 2021

Le maire de Louviers prend ses désirs pour des réalités

M. François-Xavier Priollaud est sans doute un très bon administrateur de l’Assemblée nationale, il s’avère, pourtant, être un médiocre analyste politique. A moins que le maire de Louviers n’ait choisi de prendre ses désirs pour la réalité. Dans une tribune libre parue dans La Dépêche cette semaine, il signe un texte qu’aurait pu écrire M. Daniel Jubert, réélu récemment conseiller départemental. C’est dire que le contenu de ce brûlot ne se situe pas à la hauteur de vues désirée de la part d’un homme qui est, excusez du peu, vice-président du conseil régional, vice-président de l’agglomération Seine-Eure et enfin, maire de notre bonne ville et dont les qualités devraient être mises au service de l’intérêt général et non d’une basse besogne politicienne.

Qu’écrit-il qui soit si choquant et, il faut bien le dire, si contraire à la vérité ? Il assure que le binôme formé par Philippe Brun et Nolwenn Léostic a profité d’un report des voix attribuées aux candidats du front national (RN) et de leurs électeurs(trices) ce qui expliquerait leur progression entre les deux tours et qu’en plus ils ont sollicité les votes de l’extrême droite ! Comment une aberration pareille a-t-elle été rendue possible ? M. Priollaud s’appuie sur un appel de trois personnalités (de droite) en faveur du binôme de la gauche unie. Ces personnalités, M. Jubert, les avait rangées dans la case des racistes et des antisémites, avant de se raviser et de présenter ses plus plates excuses, placé qu’il était sous la menace d’un procès en diffamation. C’est ce même homme qui se présentait comme le rempart contre l’extrême gauche et l'islamo-gauchisme soudain devenu la digue contre l’extrême droite. On savait M. Jubert élastique (de LR au centre il n’y a qu’un pas) mais à ce point de désinformation, il a décroché le pompon. Et pourquoi attaquer ces trois signataires d'une lettre ouverte dont certains étaient des proches de M. Priollaud comme M. De Cosmi son suppléant aux législatives de 2017 ou Mme Hoffmann, présente sur ses listes aux municipales. Si ces personnes étaient infréquentables  il faut croire que M. Priollaud n'avait pas pris toutes les précautions utiles avant d’accepter tel ou telle. Ce qui serait fort surprenant de la part de cet homme aussi malin qu'avisé.

Les électeurs des candidats du FN-RN à Louviers sont les mêmes que les électeurs de Hénin-Beaumont ou de Marseille. Ils sont jeunes, souvent précaires, et appartiennent à ce que les sociologues nomment les classes populaires. Les sondeurs — mais depuis la dernière élection, il faut se montrer prudents — indiquent que l’abstention a surtout frappé ces classes là. Certains ont grossi les rangs des gilets jaunes, d’autres ont tout simplement refusé de prendre part au vote par dépit ou indifférence. D’autres, plus en colère, ont choisi Marine Le Pen à défaut de connaître les postulants locaux sortis de nulle part. Une Marine Le Pen, mal en point aujourd’hui, qui retrouvera des couleurs lors de la campagne présidentielle, soyons en certains sans l'espérer.

Car s’il est évidence, c’est bien celle-là : jamais la gauche lovérienne ne s’est acoquinée, de près ou de loin, avec le Front national dont tout indique que la matrice originelle continue de l’alimenter. Et elle se situe aux antipodes de ce que veut le FN : un trumpisme à la Française — ou à la hongroise — avec des effets dévastateurs sur la cohésion sociale. Comme un plus un ne font pas toujours deux, les reports de voix du premier au second tour doivent être analysés avec finesse. On s’aperçoit en effet que les électeurs(trices) du FN-RN ont tendance, majoritairement, à s’abstenir quand ils n’ont plus de candidats au second tour ce qui était le cas dans le canton de Louviers. Et quand ils votent, ils essaiment souvent à droite (laquelle droite dans un passé pas si lointain n’avait pas refusé les voix du FN au conseil régional) même s’il faut reconnaître que des anciens électeurs(trices) de gauche passé(e)s au FN-RN reviennent dans leur famille d'origine. Mais c’est une infime minorité. D’autre part des abstentionnistes du premier tour ont participé au second et ont volé au secours de la victoire de M. Morin ou de celle de M. Jubert et Mme Terlez. D’autres ont permis à la gauche d’augmenter sensiblement son score sans être apte à remporter la victoire. La remarquable campagne des candidats de la gauche unie n’a pu en effet rivaliser avec leurs adversaires car au final la France des 20 et 27 juin a récompensé presque tous les sortants peu nombreux à avoir été sortis.En PACA, M. Muselier a dû son élection à un front républicain contre M. Mariani (FN-RN) conduisant la gauche à se saborder une seconde fois après 2015. La droite en aurait-elle été capable ?

Quel était le but de M. Priollaud en écrivant sa tribune libre ? Pour la première fois depuis 2014, La droite au pouvoir à Louviers a en face d’elle une opposition porteuse d’avenir. Il s’agit donc de tenter de la disqualifier le plus vite possible même au prix d’arguments fallacieux et surprenants en un lendemain de victoire. Il faudra plus d’une tribune pour obtenir le renoncement de cette opposition installée dans le paysage lovérien et même au-delà.