20 février 2021

Que va devenir l'école maternelle Jean Zay après sa fermeture ?

Hélène Zay-Mouchard. (photo JCH)
Pour ceux qui aiment l’histoire même quand elle est tragique (ne l’est-elle pas toujours ?) j’aimerais évoquer la mémoire de Jean Zay. Cet homme de gauche, juif, patriote, ami de Pierre Mendès France a dû subir la vengeance de Vichy et du gouvernement Pétain-Laval auteur d’une législation antisémite abominable. Emprisonné à Clermont-Ferrand aux côtés de PMF pour une désertion totalement imaginaire après l’expédition du Massilia (1), Jean Zay, ministre du gouvernement de Front populaire, a laissé une œuvre remarquable d’audace et de confiance dans la jeunesse de notre pays.

 

Pendant ses quarante-quatre mois au gouvernement du Front populaire, Jean Zay institue en effet au titre de l’Éducation nationale : les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation scolaire à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires ; et au titre des Beaux-Arts : le CNRS, le Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d'Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, le festival de Cannes.  (2) Sans doute parce qu’il était un homme d’une trempe peu ordinaire, Vichy a voulu l’éliminer et la milice de Darnand l’a assassiné en juin 1944 alors que la guerre avait depuis Stalingrad, changé d’orientation.

 

Photo d'archives JCH

Si j’évoque la mémoire de Jean Zay, c’est parce qu’à Louviers, il s’est trouvé une municipalité, celle de Pierre Mendès France, pour donner à une école maternelle le nom de ce ministre d’exception. Comment une municipalité de gauche aurait-elle pu omettre de saluer l’action d’un homme aussi exceptionnel ? Hélène Zay-Mouchard sa fille unique (notre photo) perpétue le souvenir de son père à Orléans et dans le Loiret dont il fut l’élu pendant si longtemps. De nombreux monuments publics portent le nom de Jean Zay partout en France. L’école lovérienne Jean Zay est actuellement une école maternelle. Mais la baisse des effectifs a conduit la municipalité à décider le transfert des deux classes à l’école des Cascades (pour faire des économies) et à fermer définitivement l’école Jean Zay à la fin de cette année scolaire. Une question me brûle les lèvres : que vont devenir l’école de la route de Pacy et l’habitation attenante ? J’ai adressé une demande au maire, François-Xavier Priollaud, pour obtenir une réponse. Je ne doute pas qu’il trouvera un moment pour satisfaire ma curiosité qui est aussi, et surtout, celle des enseignants, des parents d’élèves et des habitants de notre bonne ville.

 

(1) Le Massilia est un navire qui a quitté Bordeaux avant l’armistice de juin 40 avec à son bord des députés et personnalités voulant poursuivre la guerre dans l’empire. Pétain a voulu faire croire à la désertion de ces hommes qui voulaient combattre les Allemands.

(2) source wikipedia.


18 février 2021

Le contournement Est de Rouen n'évitera pas l'opposition de nombreux élus locaux et des associations de protection de l'environnement

Nicolas Mayer-Rossignol, le président de la métropole rouennaise a changé d’avis. Lorsqu’il était président de la Région Haute-Normandie, il s’était montré favorable à la réalisation du contournement Est de Rouen devant relier l’A 28 à l’A 13 au carrefour des Clouets à Val-de-Reuil. Depuis qu’il a été élu président de la Métropole, NMR n’en veut plus. S’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, M. Mayer-Rossignol n’est pas un imbécile. Plusieurs raisons motivent son changement de pied. Le maire de Rouen a passé un accord de gouvernance avec Europe-Ecologie-Les-Verts, vent debout contre le projet autoroutier, et cet accord oblige à respecter la parole donnée. De plus, de nombreux élus locaux, des associations de protection de l’environnement et des agriculteurs, voient d’un très mauvais œil la destruction de dizaines d’hectares de forêts ainsi que la disparition de terres cultivables. De plus, le tracé de cette autoroute, même s’il n’est pas encore définitif, s’inscrit dans une proximité redoutée notamment dans la vallée de la Seine et les plaines alluviales. L’érection d’ouvrages d’art imposants ne manque pas de soulever des oppositions dans les communes concernées.

 

Pourtant, et malgré les opposants, le Conseil d’Etat a rejeté des actions judiciaires visant à mettre un terme à ce projet d’origine étatique, financé avec le concours des collectivités territoriales que sont la Région, le département de Seine-Maritime en plus des financements des éventuels concessionnaires. Le département de l’Eure, hier, la métropole rouennaise, aujourd’hui, refusant leur concours financier, MM. Hervé Morin, président de la Région et Bertrand Bellenger, président du conseil départemental de Seine-Maritime, ont décidé de se substituer à la métropole rouennaise en augmentant leur participation de 66 millions d’euros ! En attendant le vote des assemblées qu’ils président, le mouvement d’opposition ne va pas ralentir la cadence. L’association « Non à l’autoroute », notamment, veut contrebalancer le soutien que les chambres de commerce et d’industrie ne manquent pas de faire connaître voyant dans ce nouvel axe routier une meilleure respiration (dans tous les sens du terme) dans l’agglomération rouennaise débarrassée d’une circulation pléthorique de poids lourds et une facilité pour les flux générés par le développement économique de la vallée de Seine.


Le coût total de l’opération est estimé à 900 millions d’euros soit 21,6 millions d’euros du kilomètre ! On peut penser que le coût prévisionnel sera dépassé comme le sont régulièrement les projets routiers. On va plutôt vers 1 milliard d’euros…donc. Les opposants font des contre-propositions : ils suggèrent (vieille demande) de rendre gratuit le péage d’Incarville sur l’A 13 qui permettrait de soulager l’ancienne nationale entre Rouen et le département de l’Eure ce que refuse la SAPN peu encline à perdre le bénéfice des rentrées. Elle a même refusé une demande Jean-Louis Destans, ancien président du conseil général de l’Eure, qui avait proposé une période d’essai de quelques mois, histoire d’étudier les comportements des automobilistes et des routiers. Il ne faut donc pas se bercer d’illusions d’autant plus que le futur concessionnaire devra faire face à un nouveau péage pour avoir le droit de circuler sur cet axe nord-sud.

 

Bien malin qui peut dire, aujourd’hui, quel avenir sera réservé au projet. En ces temps de crises en tous genres, l’argent public est une denrée rare et il y a fort à parier que certains travaux d’infrastructures vont être soit supprimés soit reportés dans le temps. A quelques mois des élections régionales, Hervé Morin ne veut pas être celui qui a dit non au contournement Est de Rouen. Et les opposants ne vont pas manquer de faire campagne contre un projet contraire aux exigences de protection environnementale devenues essentielles en 2021.


14 février 2021

La prescription d'un crime (viol ou inceste) ne signifie pas nier son existence

Dans une tribune parue dans le journal « Le Monde » plusieurs avocats et avocates mettent en cause l'attitude des parquets (depuis une dizaine d'années) dans les affaires d’inceste ou de viols. Ils dénoncent le fait que la notion de prescription soit foulée au pied et qu’ainsi des affaires « éteintes » occupent la une de l’actualité. Ils regrettent que la pression médiatique prenne le pas sur l’attitude des procureurs ce qui aurait pour effet de mettre en valeur certaines affaires et d’en taire des milliers d’autres. Il est vrai que les victimes n’ont pas toutes l’occasion d’écrire un livre ou de tourner un film !


On ne peut pas sous-estimer ce danger. Il est réel. Et d’ailleurs les parquets prennent d’infinies précautions avant de rendre publiques les enquêtes préliminaires ouvertes lors de la révélation de crimes destinées à mettre au jour d’autres faits délictueux non frappés de prescription. On sait tous qu’il s’agit d’un prétexte destiné à permettre aux victimes d’être reconnues et de les déculpabiliser. Ce qui n’est pas rien. Il serait également contestable de nier le droit à l’information de la part des journalistes dont c’est le métier. Je ne place pas au même niveau les commentaires anonymes balancés sur les réseaux sociaux et les enquêtes journalistiques répondant à des critères professionnels : recherche de la vérité si tant est qu’elle est toujours  singulière, exigence du contradictoire en donnant la parole aux victimes et aux auteurs présumés à condition que les uns et les autres acceptent de répondre aux questions posées. Ce qui n’est pas le cas dans l’affaire Olivier Duhamel pour ne citer que la plus récente puisque ce dernier a choisi (pour l’instant) de se taire.

 

Quand la prescription est établie, l’action publique est terminée. Serait-ce pour autant la loi du silence ? Quand on connaît les conséquences de l’emprise d’un adulte sur un enfant, pour en rester aux affaires d’inceste, on peut comprendre qu’il se passe un temps long avant que la victime sorte de sa torpeur. Pour des raisons évidentes (éclatement de la cellule familiale, chantage, menaces, honte, humiliation…) et c’est le cas de Camille Kouchner évoquant son enfance et celle de son frère jumeau, il a fallu du temps (et une psychanalyse…) pour qu'elle écrive « la familia grande ».

Ce que les six avocat(e)s oublient (ou taisent volontairement) c’est que la révélation de faits mettant en cause des personnalités peut aider à libérer la parole des victimes « normalement » destinées à l’anonymat. Ce fut vrai avec le mouvement metoo et les violences sexuelles de toutes natures et cela est vrai également avec la publicité faite autour d’un livre qui n’a rien de sulfureux et qui a pour fonction (vertu ?) d’imposer le silence à une personnalité médiatique, journalistique, politique admirée par nombre d’observateurs et par une élite sensible à « l’entre nous ».

 

Les avocat(e)s ont raison de rappeler que la prescription est un principe fondamental en droit. La prescription, « c’est un droit à l’oubli » pour l’auteur d’une infraction. Si en 10 ans voire 20 ou 30 ans, l’action publique n’a pas d’éléments de preuves permettant de poursuivre quelqu’un, quelle serait la logique de poursuivre un éventuel auteur de crime après tout ce temps ? Prescrire une infraction ne signifie pas nier son existence et c’est bien pourquoi le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, réfléchit à revoir les délais de prescription en matière de violences sexuelles ou d’inceste.