20 novembre 2021

Blum et Mendès France à la Fondation Jean Jaurès par Frédéric Salat-Baroux et Frédéric Potier

 

Frédéric Salat-Baroux  et l'animatrice de la fondation Jean Jaurès
Frédéric Salat-Baroux et Frédéric Potier ne sont pas des historiens. A tout prendre, rentrer dans la vie de Léon Blum pour l’un et dans celle de Pierre Mendès France, pour l’autre, n’est pas interdit bien au contraire. Qu’un homme de droite (1) et un préfet de gauche (2) décident de célébrer la mémoire de ces deux grandes figures de la gauche française, et dans la période actuelle si chaotique, ne doit pourtant rien au hasard. Notre pays a besoin de grandes références car le monde politique français contemporain manque d’incarnation. Notamment à gauche. Si l’on excepte Emmanuel Macron, au centre de l’échiquier politique et, dans une moindre mesure Jean-Luc Mélenchon, à la gauche de la gauche, la France souffre bien d’une forme de médiocrité « historique » que ne compensent pas un Xavier Bertrand, une Marine Le Pen et encore moins un Eric Zemmour dernier venu dans le paysage médiatique hexagonal. Cet olibrius assure connaître l’histoire de France ! Et pourtant. Il a tout faux sur Pétain, sur l’affaire Dreyfus, sur la colonisation, sur les rapports homme-femme et, enfin et surtout, sur le théorie du grand remplacement, du grand n’importe quoi.

Qu’il était bon et roboratif, jeudi soir, au siège de la Fondation Jean Jaurès à Paris, d’écouter les deux Frédéric présenter leur dernier livre et évoquer la vie de ces hommes d’état au caractère bien trempé.  « Blum Le magnifique », c’est l’homme qui plaçait, dans l’ordre : l’amour, la littérature et la politique ! Frédéric Salat-Baroux, on le sent, on l’entend, aime Léon Blum, ce Français juif vomi par une presse de caniveau, ce socialiste invétéré « gardien de la vieille maison », ce grand leader inspiré par Jaurès et surtout celui qui, à la tête du Front populaire, sut faire avancer la justice sociale et faire fonctionner (grâce à des hommes comme Jean Zay notamment) l’ascenseur méritocratique bien en panne en 2021.

L’homme Blum, quel est-il ? Frédéric Salat-Baroux Prend un exemple : il rappelle qu’une fois Georges Mandel (3) assassiné par la milice, Léon Blum imagine pour lui-même (alors qu’il est emprisonné à Buchenwald) une fin aussi tragique. Il rédige alors deux testaments. L’un pour son fils (à qui il lègue sa bibliothèque…et pas la fameuse vaisselle dorée objet de tous les fantasmes antisémites et qui n’a évidemment jamais existé) et l’autre pour la postérité c’est à dire ce que devrait être une France d’après-guerre avec à sa tête le général De Gaulle et les politiques définies par le Conseil National de la Résistance. Malheureusement, le retour du régime des partis mit fin à ce grand dessein.

 

Frédéric Potier

Frédéric Potier dans son « Pierre Mendès France, la foi démocratique » insiste plus sur l’action politique de PMF que sur ses traits de personnalité même s’il met en avant sa vive intelligence ou son charisme. Il le décrit comme volontaire — « gouverner c’est choisir »— doté d’un esprit scientifique peu répandu chez les élus ou la haute fonction publique, attaché à des valeurs issues de la Révolution française. Sa devise pourrait être « la République et la démocratie ». Comme Léon Blum Pierre Mendès France a été toute sa vie attaqué par les antisémites. On dit qu’il refusa de présider le Conseil du gouvernement en 1956 parce qu’un juif ne pouvait régler l’affaire algérienne. Je m’interroge sur cette affirmation. Son bilan de 1954 à 1955 était si riche et si dense, son entourage était si brillant (à l’image de Georges Boris devenu son ami) qu’on a peine à imaginer un PMF refusant l’obstacle. Le keynésianiste qu’il fut aurait doté la France de dirigeants intègres, passionnés, au service du progrès qu’il opposait au conservatisme. Au lieu de cela, la France hérita de Guy Mollet…

 

M. Salat-Baroux, soulignant l’engagement légaliste des deux hommes à l’honneur d’un soir, insiste sur l’humiliation et le déshonneur ressenti par PMF lors du procès inique de Clermont-Ferrand. Qu’on ait pu le traiter de déserteur — ce que fit la justice de Pétain — était une tache que PMF parviendra à effacer définitivement en 1954  (4) quelques semaines avant son arrivée à la tête du gouvernement de la France. Georges Kiejman, dans son dernier livre, affirme qu’il s’est toujours senti Français juif plutôt que juif français. Il en allait de même pour Léon Blum et Pierre Mendès France. Jamais ils n’oublièrent leur judéité. Mais jamais ils n’en firent ni l’alpha ni l’omega de leur engagement. La sincérité pour l’un et la vérité pour l’autre, et réciproquement, furent les deux obsessions de ces hommes remarquables. C’est pourquoi la courte période au pouvoir de Blum et Mendès France a durablement marqué la politique française. Que Frédéric Salat-Baroux et Frédéric Potier aient décidé de rappeler leur mémoire et leur action n’est pas anachronique. C’est un signe de modernité. Leur exemple devrait inspirer tous les citoyens épris de progrès et de justice sociale.

 

(1)  Frédéric Salat-Baroux, né le 12 juillet 1963 à Paris, est un haut fonctionnaire et avocat français. Du 2 juin 2005 jusqu'à la fin du mandat de Jacques Chirac, il occupa les fonctions de secrétaire général de la présidence de la République française à l'Élysée.

(2)  Frédéric Potier, né le 18 janvier 1980 à Pau, est un haut fonctionnaire français. Préfet, il est délégué général à l’éthique et à la conformité de la RATP.

(3)  Georges Mandel, ministre de la 3e République, a été assassiné par la milice peu de temps après le débarquement de Normandie le 6 juin 1944.

(4)  Pierre Mendès France a obtenu la Cassation de la décision du tribunal militaire de Clermont-Ferrand qui l’avait condamné pour désertion en 1941.

16 novembre 2021

Eric Zemmour devant le Bataclan : l'indignité nationale

Eric Zemmour a choisi le Bataclan pour s’y « recueillir » de manière pressée, sans affect, sous les flashes des appareils photos des reporters d’images et des caméras. Une improvisation ratée. Car le Bataclan, c’est surtout cette salle de spectacles où 90 personnes ont trouvé la mort en novembre 2015, assassinées par trois fanatiques radicalisés qui s’étaient joints aux kamikazes des terrasses et du stade de France. Que venait faire Zemmour en ce jour de recueillement où jamais, un homme ou une femme politique de gauche ou de droite avant lui, n’avait osé prendre la parole ? Que venait-il faire sinon faire campagne d’une manière lamentable en éructant une critique totalement infondée.

Zemmour a osé. Il sera, pour l’histoire, le mec narcissique venu insulter l’ancien président de la République, François Hollande, et la mémoire de celles et de ceux dont le mode de vie et de pensée se situait aux antipodes de celui de Zemmour. Les clients des terrasses ou les spectateurs du groupe rock Eagles of Death Metal n’étaient évidemment pas pour la majorité d’entre eux d’extrême-droite. Les témoignages des survivants des massacres sont unanimes : les jeunes hommes et les jeunes femmes rassemblés ce soir là à Paris prônaient l’amour, l’amitié et la paix.

Il n’y a donc pas de mots pour décrire le geste de l’ancien éditorialiste du Figaro. Il n’y a pas de mots pour blâmer une initiative électoraliste aussi impudente qu’imprudente. D’ailleurs, nombre de personnes venues se recueillir lui ont dit vertement quoi penser de son attitude. Pas vous ! Pas ici et pas maintenant !

De fait, Zemmour a montré qu’il n’était pas à la hauteur de son ambition. Il n’a tout simplement ni le niveau ni les épaules lui permettant de faire face aux responsabilités les plus élevées. Dans un bafouillis dont il a le secret, il a dit qu’un président de la République ne devait pas se contenter de marche blanche ni d’allumer des bougies. En novembre 2015, l’Etat français a tenu bon. Le gouvernement a fait face.

Après l’explosion d’un taxi à Liverpool, La ministre de l’intérieur britannique a indiqué qu’un attentat était hautement probable en Grande-Bretagne prochainement. Je suppose que M. Zemmour va accuser M. Johnson d’être un criminel ? C’est si simple !