4 février 2017

Ni complot, ni officine…les journalistes du Canard enchaîné ne font que leur métier


Une « Une » de légende. Salut Cabu !
Coup d’état institutionnel, complot, officines…les mots ne manquent pas de la part de François Fillon et de ceux qui le soutiennent, pour qualifier le Pénélope Gate évidemment dramatique pour le candidat de la droite et du centre. Cette enflure stylistique adoptée par les responsables de la communication de François Fillon ne doit pourtant pas éloigner les Français des faits. « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt », dit l’adage, les Français feraient bien de regarder les faits les yeux dans les yeux sans se laisser distraire par les manœuvres et les manigances dont le but est de les en éloigner.

Il faut être d’une nullité crasse pour imaginer que les journalistes du Canard enchaîné sont les instruments d’un quelconque pouvoir ou d’une quelconque force occulte. Il ne faut rien connaître au fonctionnement d’un journal satirique qui a bâti sa réputation sur la sortie de scoops retentissants pour penser que le moment de la publication a été choisi avec anticipation. Les journalistes du Canard enchaîné fonctionnent comme ceux et celles de toutes les rédactions du monde. Quand ils disposent d’une information, ils la consultent, l’analysent, la vérifient, la recoupent, et la publient. Aucun journal ne peut garder sous le coude pendant des semaines et des mois une affaire quelle qu’elle soit. La concurrence est telle, aujourd’hui, notamment avec Médiapart, que le Canard enchaîné ne peut se permettre d’être grillé. Les informateurs du Canard enchaîné n’hésiteraient pas, j’en suis convaincu, à changer de crémerie si les rédacteurs du palmipède laissaient le lait tourner.

Les sources ? La grande question est posée. Qui a communiqué les éléments de l’affaire au Canard enchaîné ? Même si la réponse n’a aucune espèce d’importance concernant la véracité des faits et la nature des éventuels délits commis, il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu’il s’agit d’un adversaire de Fillon. Mais dans quel camp ? A Gauche s’écrie le peuple de droite ! Mais quelle gauche, elle est si diverse ! A droite suggèrent les « observateurs » puisque cette droite française est la plus bête du monde et que Fillon a fait tellement de jaloux chez les sarkozystes, les juppéistes et bien d’autres au centre !

La protection des sources, un droit inaliénable d’une presse libre, doit être absolue. Quand un journaliste est détenteur d’un dossier comme celui des emplois (fictifs ou non) liés à François Fillon ­— le candidat de la probité et des efforts — il est juste et sain que les citoyens soient informés de ces frasques. D’ailleurs, Fillon n’est pas tout seul. On attend avec impatience le résultat des enquêtes en cours relatifs au financement du Front national avec toutes les variantes au Parlement européen, au Paquebot, siège du FN, ou pendant les campagnes électorales en France…Là encore, ni complot ni officine. La mise au jour, toute simple, de déviances plus que gênantes pour celle qui conteste le système…qui la nourrit.

2 février 2017

Il court, il court Bernard Frau : il est passé par ici, il repassera par là…

Un ami mélenchoniste sincère de la première heure en est tombé de l’armoire. Moi-même, j’ai cru à une mauvaise blague, un fake comme dirait Donald Trump. Et puis vérification faite, il semble bien qu’un comité Théodule de citoyens de base ait procédé à la désignation de son candidat aux prochaines élections législatives avec l’étiquette « France insoumise ». Cette France insoumise de Jean-Luc Mélenchon dont le sérieux et la sincérité ne sauraient être mis en cause mais dont le jugement, concernant les futurs candidats se réclamant de lui, me semble particulièrement altéré.

Parlons clair : Bernard Frau sera le candidat de la France insoumise dans le circonscription de Louviers (1) au mois de juin prochain. Chers lecteurs de ce blog, vous avez bien lu. J’évoque le cas de Bernard Frau, dont il faut conter les mille méandres politiciens. Il suffit de lire le pedigree de cet homme multicartes pour s’interroger et se poser cette question : comment Jean-Luc Mélenchon peut-il accepter d’accoler le nom de son mouvement et ses objectifs à un candidat aux convictions si élastiques ?

Bernard Frau a débuté sa carrière politique au sein de génération-Écologie, le mouvement antédiluvien de Brice Lalonde dont tout le monde a oublié le nom. Avec cette étiquette, il est devenu maire d’une ville moyenne de Seine-Maritime. Il a enchaîné en devenant fabiusien donc socialiste. Mécontent du PS pour des raisons diverses liées à des candidatures refusées, Bernard Frau est allée faire un petit tour Chez Pasqua-De Villiers avant de rejoindre le MODEM dont il a été le candidat aux législatives de 2007. Je n’en suis pas tout à fait certain mais je ne serais pas étonné d’apprendre que Bernard Frau a tenté d’écrire une nouvelle page de son roman national auprès du PRG de l’Eure. Même si ce parti ne compte que quelques membres, il ne s’est pas encombré de ce fardeau, trop lourd à porter.

En bisbilles avec François Bayrou, donc, Frau a quitté le MODEM et poursuivi son tour de la mappemonde politique en rejoignant une improbable coalition écologique où il connut, comme à son habitude, un échec cuisant lors des dernières élections régionales de 2012. Le connaissant, j’imaginais qu’il tenterait le coup auprès d’Emmanuel Macron et son mouvement « en Marche » mais la place était déjà occupée, Franck Martin (ancien maire de Louviers) ayant tiré le premier et distancé son « ami » de Pinterville (Eure). Que restait-il comme mouvement ou parti encore disponible lors des prochaines échéances ? Je vous le donne en mille : la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ! Bernard Frau déguisé en petit mutin ne s'est pas dégonflé, il a postulé et a été désigné ! Frau mélenchoniste, on aura tout vu ! Que voilà un candidat caméléon !

Comment JLM en est-il arrivé là ? Si je comprends bien le fonctionnement de son mouvement, des comités composés de citoyens recrutés sur la base du volontariat ont étudié les candidatures aux législatives de juin et désigné le meilleur de leur représentant ou le plus verbeux ou le plus expérimenté en campagnes politiciennes. Il va sans dire que dans ce domaine Bernard Frau est imbattable. Mais quid de ses convictions profondes ? J’avais cru comprendre que Jean-Luc Mélenchon et son entourage plaçaient haut les valeurs de la gauche sociale, écologique et solidaire. Si tel est vraiment la volonté de la France insoumise, Bernard Frau ne répond pas, selon moi, aux exigences de ce mouvement ni à ses aspirations.

Jean-Luc Mélenchon ne lira sans doute pas ce billet de blog. Ce sera dommage mais quand même. Que penser des outils de sélection d’un mouvement qui dit avoir changé le logiciel de la pratique politique, refusé les caciques et les chevaux de retour, espéré renverser la table ? Quand n’importe quel Bernard Frau peut devenir le candidat d’une gauche radicale a priori morale, c’est que quelque chose cloche quelque part. 
(1) Il s’agit de la 4e circonscription de l’Eure.

Les populistes ont un point commun : leur haine des journalistes


Recep Erdogan, président de la Turquie.
Un observateur faisait remarquer, récemment, sur les antennes d’une grande radio nationale que les populistes de ce bas monde, de droite ou de gauche, d’extrême droite ou d’extrême gauche, ont un point commun : ils détestent les journalistes ! Prenons Erdogan le Turc, Orban le Hongrois, Poutine le Russe, tous se battent bec et ongles contre des télévisions indépendantes, des journaux non inféodés. Dans leur pays, les journalistes sont arrêtés, emprisonnés, voire assassinés. Dans ces démocratures puisque l’apparence constitutionnelle est préservée, la presse est mise au pas, muselée, cadenassée. Comme dans les vulgaires dictatures.

Aux Etats-Unis d’Amérique, après 200 ans de démocratie, le nouveau président traite la presse avec le plus grand mépris. Pour communiquer, le président Trump préfère utiliser la presse alternative d’extrême droite, raciste et xénophobe, et ses tweets en direct avec le peuple plutôt que de répondre aux questions des journalistes ayant pignon sur rue. Avec lui, les faits alternatifs mensongers deviennent des post-vérités. Ce narcissique malfaisant juge d’ailleurs les journalistes comme les personnes « les plus malhonnêtes. » Tellement malhonnêtes que plus d’une centaine d’entre eux meurent chaque année dans le monde !

Et en France ? La presse a mauvaise…presse. Accusés de connivence avec les pouvoirs, les journalistes ont perdu prestige et crédit. Leur noble mission — informer — demeure pourtant un pilier de la démocratie. Imagine-t-on une France sans Mediapart, sans le Canard enchaîné, sans Charlie Hebdo, trois titres (qu’on aime ou pas) indispensables à la découverte des turpitudes nombreuses des gens de pouvoir ? Le Front national fait front contre la presse libre. Il n’est malheureusement pas le seul. Il suffit d’entendre les militants de l’ex-UMP accusant « tous ces journalistes de gauche : de la merde »…Cette détestation des journalistes est aussi, tristement, la marque de Jean-Luc Mélenchon qui en a fait un système. J’invite tous les citoyens à s’interroger sur cette nécessité : la presse est à la démocratie ce que l’eau est aux humains, une source de vie.

(texte à paraître dans La Dépêche du jeudi 2 février)


31 janvier 2017

Julien Dray et Bernard Debré à tu et à toi pour défendre François Fillon

Julien Dray

Malgré l’insistance d’Anne-Sophie Lapix, animatrice de l’émission C à vous sur la cinq, hier soir, qui souhaitait en savoir plus sur la nature des emplois d’assistants parlementaires, il n’a pas été possible d’enfoncer un coin entre Bernard Debré, député LR et Julien Dray, conseiller régional socialiste et lui-même ancien député. Le thème de leur discours courtois et amical avec tutoiement à tout va et tapes dans le dos était simple : les parlementaires sont des employeurs d’un genre particulier, ce sont eux qui décident des tâches que doivent remplir les assistants et personne ne doit venir leur chercher des noises…cette proximité d’intérêts entre Julien Dray et Bernard Debré était évidemment choquante.

D’ailleurs, à plusieurs reprises les animateurs ont tenté de ramener ces messieurs au réel ce à quoi Julien Dray a répondu, sentencieux, qu’il travaillait pour l’avenir et pour empêcher (on voit très bien qui) des gens mal intentionnés de porter atteinte à notre belle démocratie. Comme le dit Julien Dray, et je suis sûr que la formule fera florès « si un député demande à son assistante de repasser ses pantalons » c’est un travail comme un autre que nul n’a le droit de mettre en cause. On avait eu les confitures de Pénélope Fillon, on a maintenant les pantalons de Julien Dray. Comme quoi, dans certains milieux, le sexisme a de beaux jours devant lui.

Quel argument sérieux avance-t-il pour défendre une position pareille ? La séparation des pouvoirs ! La séparation des pouvoirs interdirait à la justice de se mêler des petites affaires des parlementaires. Elle ne devrait à aucun moment s’intéresser à la réalité du travail demandé aux assistants même si les parlementaires utilisent des fonds publics pour satisfaire leurs besoins…Sauf que l’argument de Julien Dray ne tient pas. Si la séparation des pouvoirs, constitutionnelle et nécessaire dans une démocratie, doit favoriser l’autonomie d’action des représentants du peuple, elle n’autorise pas toutes les dérives. Pour preuve les enquêtes en cours et les mises en examen de sénateurs ex-UMP qui avaient constitué une cagnotte substantielle alimentée par le trop plein des crédits d’assistants non utilisés. Des comptes avaient été ouverts leur permettant de se distribuer ces sommes pas perdues pour tout le monde. François Fillon, sénateur pendant deux ans, en aurait même été bénéficiaire.

Quant à Bernard Debré, il était venu sur le plateau pour raconter une anecdote. J’aurais aimé le soumettre au sérum de vérité quand il a affirmé sans broncher qu’un jour, à une inauguration, François Fillon, absent, avait eu la gentillesse de « déléguer son assistante » qui n’était autre que, devinez qui ? Pénélope Fillon ! Bingo !
Pour défendre l’emploi des conjoints ou conjointes de parlementaires, Dominique Bussereau, député, a eu cette phrase magnifique, hier : « va-t-on devoir empêcher les femmes de bouchers et de boulangers de travailler aux côtés de leurs maris ? » Sauf que les femmes d’artisans et de commerçants sont souvent bénévoles et quand elles sont payées, elles le méritent bien car leur emploi à elles n’est pas fictif.

Je reviens sur ce que j’écrivais sur ce blog il y a quelques jours. Dans le bilan positif de Hollande, figure sans conteste la création de ce parquet financier indépendant chargé de chasser les dérives et les fraudes. Les lois votées sous ce quinquennat et visant à plus de transparence sont de bonnes lois. Il faudra y ajouter un nouveau texte, celui interdisant les emplois familiaux, directement ou indirectement. De même et sans s’immiscer en quoi que ce soit dans l’utilisation des indemnités parlementaires pour frais de représentation (plus de 5000 euros tout de même) peut-être le Sénat et l’Assemblée pourraient-ils organiser un contrôle a posteriori et exiger des justificatifs permettant de comprendre l’utilisation des fonds. Des fonds qui, je le rappelle, sont des fonds publics collectés par Bercy sur les sociétés, les ménages, la consommation, les transactions…l’impôt de tous et toutes en un mot.

29 janvier 2017

François Loncle ne soutiendra pas les propositions de Benoît Hamon s'il gagne la finale ce soir


« Nous avons lutté contre les frondeurs, nous avons soutenu le gouvernement de Manuel Valls, nous nous situons tous dans une optique de progrès, de social-démocratie et de réformes, et non pas dans une optique d'illusions et de rêves pour 2050", explique le député François Loncle. « Je ne soutiendrai pas le revenu universel, je ne soutiendrai pas le 49.3 citoyen, je ne soutiendrai pas le discours ambigu sur la laïcité de Benoît Hamon. » (référence France Info)

C’est clair et net. François Loncle et un certain nombre de députés PS annoncent, en ce jour de vote du second tour de la primaire citoyenne, qu’ils ne rejoindront pas Benoît Hamon si celui-ci gagne ce soir. Donc qu’ils ne le soutiendront pas lors de la prochaine campagne présidentielle. Cette déclaration entre en contradiction avec la charte signée par les candidats à la primaire citoyenne mais les politiques ne sont pas à un renoncement près. Certains d’entre eux seraient même disposés à signer un texte appelant à rejoindre le mouvement « en Marche » d’Emmanuel Macron. Ils accompagneront ainsi Alain Minc, Jean-Marie Cavada, Corinne Lepage, Bernard Kouchner, j’en passe et des meilleurs.

Soutien de Martine Aubry
On verra, dès ce soir, si cette menace n’a qu’un objectif : effrayer les électeurs d’Hamon invités à rallier Valls, ou si ces affirmations sont plus sérieuses. Certes, François Loncle ne s’est jamais présenté comme un apparatchik du PS si bien que sa longue mandature depuis 1981 (avec interruption de 1993 à 1997) impliqua forcément des mises à distance parfois judicieuses. Il appela à voter Aubry au premier tour de la primaire de 2011 par exemple. Pour justifier ce choix, il énuméra la liste des erreurs du premier secrétaire d’alors du nom de François Hollande. Mais au second tour, il joua le jeu et soutint le président actuel…comme de nombreux Français.

Soutien de Jérôme Cahuzac et DSK
A dire vrai, je ne suis pas surpris de cette prise position du député de Louviers. Depuis plusieurs années, François Loncle se situe dans cette frange de parlementaires « loyalistes » à tout crin, ceux qui ont voté comme un seul homme la déchéance de nationalité ou le CICE sans contreparties. Lors des affaires qui ont pourtant ruiné la confiance des Français à l’égard du pouvoir socialiste, François Loncle a longtemps soutenu Jérôme Cahuzac ainsi que Dominique Strauss-Kahn, voyant dans le premier cas une cabale organisée par Médiapart (1) et dans le second un complot ourdi par les Sarkozystes. On sait que la vérité était bien différente.


Un cheminement cohérent ?
Sa prise de position d’aujourd’hui n’est finalement que l’aboutissement d’un cheminement cohérent depuis 1978 quand François Mitterrand imposa son parachutage à Louviers contre les socialistes locaux. Logique avec lui-même le député de Louviers qui se représentera peut-être aux prochaines législatives, a donc décidé de taper fort sur le programme de Benoît Hamon même si certaines de ses critiques sont injustes. Constater, comme le fait le favori du second tour de la primaire, que l’interdiction d’entrée des femmes dans des cafés est un fait ancien en France —­ que Benoît Hamon considère par ailleurs comme inadmissible (2) ­ — et le rend donc ambigu à l’égard de la laïcité est un procès indécent. Benoît Hamon a eu l’occasion depuis de faire litière de cette accusation et de montrer un attachement indéfectible à la loi de 1905. Quant au revenu universel, les débats en cours et à venir démontreront qu’il ne s’agit pas pour Benoît Hamon de faire l’éloge de la paresse mais de tenir compte d’un réel bien tenace et d’une raréfaction du travail humain dû aux technologies avancées. Après tout, si Valls et Hamon sont finalistes c’est bien qu’ils ne sont pas d’accord sur tout, non ? Les démêlés de François Fillon avec la justice, les emplois fictifs du FN à Strasbourg, tous ces événements immoraux voire illégaux concourent à faire de la prochaine présidentielle, une élection mystère. Qui sera le ou la candidat(e) préféré(e) des Français ? Un candidat de gauche a-t-il encore une chance de l’emporter ? Comme dirait Manuel Valls : « rien n’est écrit »

(1) Mediapart est une très belle entreprise de presse qui compte 130 000 abonnés. Indépendante des puissances d’argent et de la publicité, elle comptera bientôt plus de 80 salariés en CDI.
(2) Malek Boutih a osé assurer que Benoît Hamon était un ami des « frères musulmans ». Le finaliste de la primaire a préféré se moquer de cette affirmation polémique totalement infondée.