24 novembre 2017

Entendre les maires se plaindre et larmoyer est insupportable


Entendre les maires (ruraux le plus souvent) se plaindre et larmoyer m’est insupportable. Dans leurs récriminations répétées, ils mettent en avant leur dévouement, leur bénévolat, leur disponibilité et j’en passe, ce qui justifierait pleinement leurs plaintes constantes contre l’Etat et ceux qui le représentent. Que le maire de Saint-Etienne raconte sa rencontre avec Emmanuel Macron sous la forme d’un dîner de cons démontre bien qu’il s’agit là d'une posture politicienne conforme au conservatisme inhérent à l’engagement politique d’un nombre incalculable d’élus de petites ou de grandes communes. Tout est bon pour mener le combat idéologique contre un pouvoir qu'il ne respecte pas (1).

C’est si vrai qu’il suffit de regarder de près les résultats obtenus par Marine Le Pen et François Fillon, ou lors des sénatoriales par les candidats de la droite, pour comprendre que ces maires, soi-disant victimes, sont des relais efficaces pour un Wauquiez par exemple, ou d’autres élus d’une espèce non en voie de disparition. Les maires dits ruraux et « apolitiques » sont, pour la plupart d’entre eux, de fieffés militants de droite (ils en on le droit évidemment). Ceux que j’ai connus pendant ma carrière (sauf exception) cultivaient un relationnel étroit et efficace avec les associations qu’ils finançaient ou flattaient d’une manière ou d’une autre. Il a fallu, par exemple, des efforts considérables de la part des élus de Louviers et Val-de-Reuil (avec Incarville) pour construire une intercommunalité qui, depuis, a fait toutes ses preuves. Dieu sait s’ils s’y sont opposés pendant des années !

Pendant les dernières décennies, les maires des 36 000 communes de France (une exception européenne !) ont été bercés, encouragés par des parlementaires sous influence, aux petits soins pour ces relais d’opinions. La réserve parlementaire jouait alors à plein ! Quand j’entends, donc, leurs gémissements devant les micros qu’on leur tend avec facilité, je me dis : rien ni personne n’oblige qui que ce soit à se présenter à une élection ! Rien ni personne ne contraint qui que ce soit à accepter d’être le représentant d’une population et d’agir en son nom ! Si les élus des communes se sentent humiliés, qu’ils démissionnent (comme le groupe d’opposition à Val-de-Reuil) ! Si les élus locaux n’ont pas compris que les temps changent, que leurs investissements ne sont pas tous utiles ou nécessaires — je pense à la halle couverte de Louviers à un million d’euros ! (2) — Ils doivent changer leur logiciel et ne pas se plaindre de la volonté de l’exécutif actuel de modérer les dépenses.

« Nous sommes là pour rendre service », voilà le leitmotiv permanent entendu au congrès des maires. Mais l’élection ne survient jamais par hasard. Pourquoi des citoyens ordinaires acceptent-ils d’inscrire leur nom sur une liste ? Par goût du pouvoir, parfois. Par souci de reconnaissance, aussi. Par narcissisme ou comme moyen de gagner sa vie, et donc par profession, souvent. L’expérience nous impose de ne jamais être dupe. Il n’est qu’à voir le nombre d’élus battus (avec les dépressions) tellement addictifs au pouvoir qu’ils sont constamment obsédés par leur retour. Même si, heureusement, il existe bien des élus désintéressés qui ont compris que l’exercice du pouvoir permet de partager des richesses locales, d’accroître les services publics, de résoudre des problèmes collectifs ou individuels. La construction d’équipements sociaux, culturels, sportifs, des logements ou des voiries, le fonctionnement de ces équipements avec des moyens souvent coûteux prouvent que la gestion d’une ville, d’un département, d’une région peut améliorer la vie. Il n’en demeure pas moins que le niveau d’impositions locales peut être tel qu’il nuit au développement d’une ville et le maire actuel de Louviers, par exemple, a compris qu’il ne pouvait plus accroître l’endettement sous peine de chasser un peu plus les foyers soumis à l’impôt.

Des maires ? Il en faut. Leur rendre justice c’est ne pas s’apitoyer sur leur sort et réserver la meilleure part au jeu politicien. Le diner de cons dont parle le maire de Saint-Etienne n’est, au fond, qu’une amertume et un désamour face à un pouvoir qu’il aimerait autre.

(1)  Le maire LR de Saint-Etienne est bien mal placé pour reprocher à Emmanuel Macron sa volonté d’économies (13 milliards sur le quinquennat) quand Fillon proposait de réduire de 20 milliards d’euros les dépenses ! Il avait même projeté de supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires dont plusieurs dizaines de milliers dans la fonction publique territoriale. Un peu de cohérence SVP.
(2)  Cette halle fait beaucoup jaser dans les chaumières. J’avoue que j’entends tout et son contraire sur cet équipement censé favoriser le commerce local. Est-ce bien le cas ?

20 novembre 2017

Cachez cette cibiche que je ne saurais voir

Brassens sans sa pipe ?©Jean-Charles Houel

Une sénatrice propose, le plus sérieusement du monde, de modifier les images de films anciens dans lesquels on voit des acteurs fumer un clope. Pour lutter contre le tabagisme, affirme-t-elle, il est nécessaire que les jeunes n’apprennent pas que, hier encore, des hommes et des femmes fumaient…sur les écrans à une époque où ni la littérature, ni la science ne trouvaient à redire.

Je suis favorable aux campagnes conduites pour réduire la consommation de tabac voire pour l’interdire aux mineurs sous une forme ou sous une autre. Ayant été un « petit » fumeur durant ma jeunesse, j’ai arrêté très tôt, non pas parce que j’avais peur d’une quelconque maladie mais parce que je n'y trouvais pas beaucoup de plaisir. Je comprends bien qu’on soit addictif et qu’il soit difficile d’en sortir.

Est-ce une raison suffisante pour ignorer ce que furent notre histoire et notre lien au tabac ? Est-ce une raison suffisante pour altérer les œuvres de grands cinéastes qui, qu’on le veuille ou non, verraient aujourd'hui Jean Gabin ou Jean-Paul Belmondo se mettre les mains dans les poches alors qu’ils en allumaient une ? Devra-t-on caviarder les enregistrements de Serge Gainsbourg, accro au tabac (mais pas seulement) sous prétexte qu’il n’est pas bien de donner un exemple fâcheux ?

Ne vaudrait-il pas mieux éduquer, prévenir, informer, alerter, plutôt que de proposer des mesurettes coercitives dont on sait qu’elles n’auront aucun effet réel. J’ai même entendu dire que certains proposent une interdiction aux moins de 18 ans pour des films dont certains personnages ont le cigare ou la cigarette au bec ! On marche sur la tête. Décidément, les Tartuffe ont encore et toujours de beaux jours devant eux.

19 novembre 2017

Devant le public de la SED, France Poulain donne à l'Eure ses brevets de Renaissance


France Poulain est passionnée.©Jean-Charles Houel
Quand on dit Renaissance dans l’Eure on pense inévitablement : Château de Gaillon, cathédrale d’Evreux, église de Louviers. Ce serait trop simple. France Poulain, architecte en chef des bâtiments de France, directrice du patrimoine dans notre département, a démontré, ce samedi devant les auditeurs de la SED (société d’études diverses) de Louviers que les églises (surtout) du Vexin, du pays d’Ouche et de maints endroits bien dissimulés dans l’Eure recelaient des preuves évidentes de la présence d’artistes (Italiens notamment) ou d’artisans en tout cas, inspirés par la Renaissance. 

Certes, son propos pointu, illustré de 200 photographies, en a submergé plus d’un ou plus d’une. Un propos original, historiquement fort et artistiquement étayé, de quoi épater le profane et de donner envie d’aller visiter ces trésors inconnus…ou mal identifiés. Il faut la science et le savoir d’une France Poulain pour dénicher tel dragon, reconnaître tel ange, décrire tel médaillon où les profils d’hommes et de femmes inconnus le disputent à des créations en séries de la part de sculpteurs sur pierre ou sur bois. Les thèmes et les sujets gréco-latins la passionnent !

L’Eure compte plus de 600 communes. Elles possèdent toutes un monument religieux où les catholiques, depuis des siècles pratiquent leur culte. Ces monuments souffrent de l’air du temps (pollué souvent) ou du manque d’attention de l’Etat ou des communes. En plus, quand la Révolution française passe par là, elle outrage la merveille qu’était le château de Gaillon, l’un des plus beaux châteaux de notre pays…aujourd’hui reconstitué à 80 % ! J’ai souvenir d’une visite qu’y firent François Mitterrand et Jack Lang dans les années quatre-vingt, démontrant l’intérêt qu’y portent nos princes d’aujourd’hui. France Poulain a même annoncé (mais quand ?) que des salles affectées permettraient d’exposer des objets d’origine afin que la pédagogie s’exerce en ces lieux au bénéfice des générations actuelles. Ce n'est pas le moindre des mérites de la conférencière que d'attirer l'attention sur ces boiseries intérieures ou ces pierres soumises aux pluies et au vent appelées irrémédiablement à disparaître…

En décembre prochain, un conférencier évoquera l’art roman dans la région de Louviers. La SED poursuit donc son œuvre au bénéfice du plus grand nombre…surtout des retraités ayant du temps à consacrer aux choses de l’esprit et au savoir.