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Sophie Ozanne interviewée par un journaliste régional. ©JCH |
Suite à mon article
sur les élections municipales de Louviers qui se préparent à gauche, j’ai
développé un argument pas vraiment sympathique pour le NPA lovérien. Sophie
Ozanne, que j’apprécie pour son courage moral et son obstination militante,
n’est pas d’accord avec mon argumentation. Elle considère que les combats que
nous avons menés ensemble justifieraient plus de compréhension voire de
mansuétude à l’égard du courant d’extrême gauche auquel elle se voue corps et âme. Pendant longtemps, j’ai,
professionnellement (au sein de la Dépêche) d’abord et en citoyen ensuite,
cheminé de conserve avec le NPA. Bien des amis m’avaient mis en garde contre
une forme de naïveté voire de candeur dans l’attitude que j’adoptais à l’égard
de ses militants. Je la trouvais pourtant légitime et conforme au militantisme
ordinaire d’un homme de gauche susceptible, un jour, de coopérer au pouvoir
avec toutes les bonnes volontés. L’occasion s’est produite lors d’élections
municipales à Louviers mais le NPA s’est empressé de rejeter toute forme de
coopération municipale avec les socialistes si honnis (lire ci-dessous) si dangereux pour la classe ouvrière, si suppôts du libéralisme. La révolution, oui, le réformisme, non ! J’ai
alors compris que les appels du NPA aux combats communs ne servaient qu’une
cause : une forme de gauchisme vain n’acceptant ni le pouvoir ni les
compromis nécessaires pour l’exercer sans aucune forme de dictature de la
pensée. Il ne suffit pas de rejeter le capitalisme dans une économie
mondialisée et une Europe intégrée pour se satisfaire d’une pureté idéologique.
Avec ses 3000 militants encartés le NPA est un courant de pensée historique (Trostky)
qui a eu son heure de gloire avec Alain Krivine et Olivier Besancenot. Mais l’un et l’autre, fermes
sur leur intransigeance, n’ont jamais franchi le seuil du succès d’estime. La
politique, c’est l’action pas le commentaire. Je n’ignore pas que les militants
lovériens ont occupé les ronds points bien avant les gilets jaunes et qu'au conseil municipal, ils ont posé de bonnes questions. Mais pour
quels résultats ? Pour quelles politiques concrètes? Pour quel avenir commun ? Je pense avoir jaugé le comportement du NPA lovérien à des actes et non sous la forme de procès d'intentions comme le laisse entendre Sophie Ozanne.
Cela ne m’empêche pas
de l'estimer (elle et Gérard Prévost). Et je publie volontiers sans aucune
modification un point de vue dont les lecteurs seront les juges.
- Tu écris, Jean Charles : "on sait qu’il (le NPA) parvient (grâce à la famille et aux amis)
à monter une liste apte à capter les voix de l’extrême gauche".
Je laisse de côté la petite vacherie glissée entre parenthèses, je soulignerai
juste que, oui, c'est plus difficile pour nous de constituer une liste pour la
bonne raison qu'il est plus difficile de s'afficher sur une liste du NPA quand
on cherche du travail, qu'on a signé un CDD, qu'on travaille dans un secteur
"sensible" (nucléaire...). Alors, oui, nous ne l'avons jamais caché,
nous sollicitons les ami.e.s et la famille. Cela ne nous a jamais empêché d'avoir
des candidats qui "tenaient la route". Rien qu'au conseil municipal,
nous avons, Gérard, Philippe et moi, assuré un travail sérieux et constant.
D'autre part, tu m'accorderas que les autres listes n'affichaient pas que des
experts et des talents.
- Tu écris encore : "on
sait bien que les sympathisants NPA ne votent pas aisément pour ceux qu’ils
appellent les « social-traîtres »" Cela fait plus de 40 ans que je
milite avec mes camarades de la LCR hier, du NPA aujourd'hui, et jamais je n'ai
lu ou entendu l'expression "social-traitre". Elle est datée de l'après
mai 68 où les groupes d'extrême gauche foisonnaient et rivalisaient en
sectarisme et anathèmes. Alors, de grâce, adresse-nous des reproches
actualisés.
- Sur les municipales à Louviers et les élections en général.
Nous avons toujours dit que, pour nous, les élections n'étaient d'aucune
utilité pour changer le système, objectif que nous défendons : sortir du
capitalisme qui mène le monde à la ruine, au chaos, à la destruction de
l'humanité. Le meilleur exemple de l'inutilité des élections est fourni par ton
ancien parti, Jean Charles, le PS, qui avait réussi à conquérir presque toutes
les institutions en 2012 : le gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat,
presque toutes les régions (sauf une), la plupart des grandes villes et des
conseils généraux. A quoi cela a-t-il servi ? A creuser encore davantage
les écarts entre les très riches et les très pauvres, mais aussi à affaiblir
les classes populaires et moyennes, comme le montrent bien Michel et Monique
Pinçon Charlot. Hollande a conduit une politique dans la continuité de celle de
Sarkozy qui a provoqué l'écœurement et l'abandon des classes populaires et le
découragement pour beaucoup. Comme à chaque renoncement de la gauche, on
voit monter le FN : ce parti, comme tout parti fasciste, sait bien se faire
passer pour le défenseur des "sans grade", et capter le vote de rejet
de la classe politique dans son ensemble ("Sarkozy, Hollande, tous
pareils"). Qui a oublié la loi El Khomri, véritable casse du code du
travail qui ouvraient la porte aux lois Macron ? Qui a oublié Ennarda et la
déchéance de nationalité ? Qui a oublié la loi Touraine sur les hôpitaux ? Qui
a oublié la chasse aux migrant.e.s et le refus de traiter l'arrivée des
réfugié.e.s de façon globale, européenne ? (l'Italie s'est retrouvée bien
seule, et on voit le résultat aujourd'hui, Salvini est au pouvoir). Cette ligne
politique désastreuse a été critiquée par certain.e.s au PS qui en sont sortis.
Celles et ceux qui sont restés au PS ont choisi d'assumer cette politique.
Voilà pourquoi aucun.e. militant.e du NPA ne peut s'allier avec des
militant.e.s PS, aux municipales ou ailleurs.
Cela étant dit, nous participons aux élections, et pas que
pour témoigner ou avoir une tribune, comme j'ai pu le lire sous ta plume. Les
élections sont un temps politique important. Nous serions tout à fait capables
d'être à la tête de la municipalité de Louviers. Nous dirions : "Nous sommes la gauche qui lutte,
l'écologie qui se bat, mais on ne fera aucun miracle, prenons nos affaires en
main, tous et toutes ensemble ! ". La réalité rattrape très vite les
élu.e.s qui ont des programmes prometteurs, alléchants, sincères parfois. Les
vrais dirigeants du monde, les décideurs, ne sont pas les élu.e.s, ce sont les
dirigeants des grandes firmes industrielles et bancaires qui imposent leurs
règles. Qui le dit ?
Nous n'affichons jamais : "voter
pour nous et la vie sera merveilleuse après, car nous avons le programme qu'il
vous faut".
Car, sur le plan municipal, on sait bien que 80% du budget
représentent des dépenses incompressibles (salaires des employés, chauffage,
électricité, écoles...). Donc les intentions électorales ne portent que sur les
20% restant. Il faut le dire. Ces 20% concentrent les intentions politiques
d'une municipalité et ses choix : des maisons des jeunes ou une patinoire par
exemple.
J'aurais d'autres remarques à te faire, d'autres réflexions à
partager, mais je vais arrêter. Je suis prête à poursuivre la discussion, si tu
acceptes de nous faire les reproches qui viennent de nos écrits, nos paroles ou
nos actes. On a milité ensemble dans une association pour le retour en régie
publique de l'eau, tu nous connais. On a des divergences de fond, c'est
respectable, c'est le débat démocratique. A bientôt. »