23 octobre 2020

Un Parisien faisant la leçon à un Lovérien, on aura tout vu !

Dans un article du journal « La Dépêche » titré « Ce sont des mensonges » de ce vendredi 23 octobre, je lis la phrase suivante mettant en cause Philippe Brun, conseiller municipal d’opposition, sous la dictée de François-Xavier Priollaud, maire de Louviers « …il fait signer des gens qui ne sont pas de Louviers et d’anciens élus de Louviers qui n’ont jamais rien fait pour ce lieu (NDLR : le Manoir de Bigards) c’est à peu près les gens qui sont dans notre opposition, dont beaucoup ne sont pas de Louviers comme…M. Charmot, Mme Sanchez, M. Houel ou M. Taconet…On les connaît ces gens-là…»

J’ignore si les personnes qu’il cite habitent ou non à Louviers. Je n’accepte pas le ton méprisant utilisé par le maire à mon égard (1). Si M. Priollaud s’était mieux renseigné il saurait que j’ai toujours habité à Louviers et que j’y réside encore. Il saurait que j'y ai suivi une grande partie de ma scolarité et participé à la vie de maintes associations sportives, culturelles ou politiques. J’accepte d’autant moins le ton utilisé par le maire que M. Priollaud — à ma connaissance — a surtout découvert Louviers le jour où il a eu des ambitions électorales et s’est présenté aux élections législatives contre François Loncle qui l’avait battu à plates coutures. M. Priollaud avait d’ailleurs conduit une campagne dont la violence des mots en avait étonné plus d’un, même à droite. Il était alors ce qu’on appelle un parachuté. M. Priollaud a eu raison d’insister puisqu’il a été élu en 2014 à la mairie de Louviers alors même que sa résidence habituelle est parisienne. Je lui reconnais donc le mérite d’avoir adopté notre bonne ville mais cela n’en fait pas pour autant un homme du cru. Il reste un horsain si bien décrit par l’abbé Alexandre dans un livre du même nom. Un Parisien faisant la leçon à un Lovérien, on aura tout vu !

(1) Certains élus de la liste Priollaud, et non des moindres, n'habitent pas à Louviers.Ils n'en méritent pas moins toute notre considération.

La sagesse exigerait un report des élections cantonales et régionales

Le premier tour des élections municipales a été pour beaucoup, un cauchemar. Le samedi soir qui précédait l’élection, le Premier ministre, Edouard Philippe, annonçait au pays la mise en place d’un plan destiné à restreindre les déplacements des Français à compter du 17 mars : c’était le confinement. Mais le dimanche 15 mars, jour de vote, bien des électeurs et électrices ont choisi de s’abstenir pressentant un danger de contamination que, malheureusement, les faits allaient confirmer. Jamais élection municipale n’avait connu un si faible taux de participants. D’ailleurs, le second tour, pour les communes où il devait avoir lieu, fut reporté à des jours meilleurs.

Se pose, aujourd’hui, le problème des élections cantonales et régionales de mars 2021. Le gouvernement vient de nommer Jean-Louis Debré à la tête d’une autorité indépendante chargée de faire des propositions au gouvernement avec ce choix cornélien de tenir l’élection aux dates prévues ou de les reporter…à un moment jugé propice. Propice voulant dire que le coronavirus aura été vaincu ou tout au moins jugulé.

Choisir une date d’élection c’est une chose. Organiser une campagne électorale digne de ce nom, c’en est une autre. Lors du premier tour des municipales, la campagne s’était déroulée à peu près convenablement. Réunions publiques et conférences de presse avaient permis de connaître les listes candidates et leur chef de file. Ainsi, pour les cantonales et les régionales, tous les partis et mouvements responsables s’accordent pour souhaiter qu’une campagne soit réellement démocratique et pour l’organiser suffisamment tôt en amont. Mais l’épidémie, telle qu’elle se présente aujourd’hui, ne sera pas vaincue ni même maîtrisée en janvier et en février 2021. Le risque d’une abstention massive est donc grand et le gouvernement a raison de chercher une solution de rechange. Il n’est pas dans mon propos d’imaginer si ces élections doivent se dérouler avant ou après la présidentielle.

Il me parait, en tout état de cause, impossible qu’elles aient lieu en mars 2021 sous peine d’avoir un scrutin totalement dénaturé et donc antidémocratique. Des élus de tous bords ne sont pas d’accord sur cette décision de report. M. Bussereau, président de l’association des départements est favorable aux dates « normales ». D’autres contestent cette position. On se souvient que Gérard Larcher et quelques amis à lui avaient plaidé pour que le premier tour des municipales ait lieu malgré l’épidémie. Emmanuel Macron, personnellement favorable au report avait cédé à ses opposants. Des élus ont été contaminés le jour du vote et lors du dépouillement. Les bulletins allaient de main en main et on sait que c’est un acte facilitant la propagation du virus. La sagesse voudrait un report. Mais la sagesse n’a pas toujours fait bon ménage avec les intérêts politiciens.

20 octobre 2020

Après la mort de Samuel Paty, relisons Albert Camus et son instituteur républicain laïque

Après le drame de Conflans-sainte-Honorine et la mort de Samuel Paty, on mesure l’importance du rôle de l’école de la République dans la formation des esprits libres et la construction du citoyen en devenir. Comment pourrait-on écrire mieux que les lettres échangées par Albert Camus et son instituteur ? Au lendemain de l’attribution du prix Nobel de littérature, l’auteur de « l’Etranger » a trouvé le temps de s’adresser à l’homme qui a vu en lui ses capacités intellectuelles exceptionnelles et deviné le chemin qu’il emprunterait. M.Germain consacre un long passage à son attitude à l’égard des religions. Il le fait avec dignité et respect en insistant sur le rôle de l’école de la République. Celle-ci doit demeurer ce temple de la raison qu’aucun fanatisme d’aucune sorte n’aura la possibilité d’attaquer ! A constater les décisions des gouvernants et à lire les déclarations de certains responsables politiques, il semble bien que l’Etat ait décidé de se protéger de toute influence pernicieuse et de protéger l’éducation nationale des prosélytes de tous poils. Il était grand temps.

 

La lettre d’Albert Camus 19 novembre 1957 Cher Monsieur Germain, J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse, de toutes mes forces. Albert Camus  

La réponse de Monsieur Germain 30 Avril 1959 Mon cher petit, (…) Je ne sais t’exprimer la joie que tu m’as faite par ton geste gracieux ni la manière de te remercier. Si c’était possible, je serrerais bien fort le grand garçon que tu es devenu et qui restera toujours pour moi « mon petit Camus». (…) Qui est Camus ? J’ai l’impression que ceux qui essayent de percer ta personnalité n’y arrivent pas tout à fait. Tu as toujours montré une pudeur instinctive à déceler ta nature, tes sentiments. Tu y arrives d’autant mieux que tu es simple, direct. Et bon par-dessus le marché ! Ces impressions, tu me les a données en classe. Le pédagogue qui veut faire consciencieusement son métier ne néglige aucune occasion de connaître ses élèves, ses enfants, et il s’en présente sans cesse. Une réponse, un geste, une attitude sont amplement révélateurs. Je crois donc bien connaître le gentil petit bonhomme que tu étais, et l’enfant, bien souvent, contient en germe l’homme qu’il deviendra. Ton plaisir d’être en classe éclatait de toutes parts. Ton visage manifestait l’optimisme. Et à t’étudier, je n’ai jamais soupçonné la vraie situation de ta famille, je n’en ai eu qu’un aperçu au moment où ta maman est venue me voir au sujet de ton inscription sur la liste des candidats aux Bourses. D’ailleurs, cela se passait au moment où tu allais me quitter. Mais jusque-là tu me paraissais dans la même situation que tes camarades. Tu avais toujours ce qu’il te fallait. Comme ton frère, tu étais gentiment habillé. Je crois que je ne puis faire un plus bel éloge de ta maman. J’ai vu la liste sans cesse grandissante des ouvrages qui te sont consacrés ou qui parlent de toi. Et c’est une satisfaction très grande pour moi de constater que ta célébrité (c’est l’exacte vérité) ne t’avait pas tourné la tête. Tu es resté Camus: bravo. J’ai suivi avec intérêt les péripéties multiples de la pièce que tu as adaptée et aussi montée: Les Possédés. Je t’aime trop pour ne pas te souhaiter la plus grande réussite: celle que tu mérites. Malraux veut, aussi, te donner un théâtre. Je sais que c’est une passion chez toi. Mais.., vas-tu arriver à mener à bien et de front toutes ces activités ? Je crains pour toi que tu n’abuses de tes forces. Et, permets à ton vieil ami de le remarquer, tu as une gentille épouse et deux enfants qui ont besoin de leur mari et papa. A ce sujet, je vais te raconter ce que nous disait parfois notre directeur d’Ecole normale. Il était très, très dur pour nous, ce qui nous empêchait de voir, de sentir, qu’il nous aimait réellement. « La nature tient un grand livre où elle inscrit minutieusement tous les excès que vous commettez.» J’avoue que ce sage avis m’a souventes [sic] fois retenu au moment où j’allais l’oublier. Alors dis, essaye de garder blanche la page qui t’est réservée sur le Grand Livre de la nature. Andrée me rappelle que nous t’avons vu et entendu à une émission littéraire de la télévision, émission concernant Les Possédés. C’était émouvant de te voir répondre aux questions posées. Et, malgré moi, je faisais la malicieuse remarque que tu ne te doutais pas que, finalement, je te verrai et t’entendrai. Cela a compensé un peu ton absence d’Alger. Nous ne t’avons pas vu depuis pas mal de temps… Avant de terminer, je veux te dire le mal que j’éprouve en tant qu’instituteur laïc, devant les projets menaçants ourdis contre notre école. Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant: le droit de chercher sa vérité. Je vous ai tous aimés et crois avoir fait tout mon possible pour ne pas manifester mes idées et peser ainsi sur votre jeune intelligence. Lorsqu’il était question de Dieu (c’est dans le programme), je disais que certains y croyaient, d’autres non. Et que dans la plénitude de ses droits, chacun faisait ce qu’il voulait. De même, pour le chapitre des religions, je me bornais à indiquer celles qui existaient, auxquelles appartenaient ceux à qui cela plaisait. Pour être vrai, j’ajoutais qu’il y avait des personnes ne pratiquant aucune religion. Je sais bien que cela ne plaît pas à ceux qui voudraient faire des instituteurs des commis voyageurs en religion et, pour être plus précis, en religion catholique. A l’École normale d’Alger (installée alors au parc de Galland), mon père, comme ses camarades, était obligé d’aller à la messe et de communier chaque dimanche. Un jour, excédé par cette contrainte, il a mis l’hostie « consacrée» dans un livre de messe qu’il a fermé ! Le directeur de l’École a été informé de ce fait et n’a pas hésité à exclure mon père de l’école. Voilà ce que veulent les partisans de « l’École libre » (libre.., de penser comme eux). Avec la composition de la Chambre des députés actuelle, je crains que le mauvais coup n’aboutisse. Le Canard Enchaîné a signalé que, dans un département, une centaine de classes de l’École laïque fonctionnent sous le crucifix accroché au mur. Je vois là un abominable attentat contre la conscience des enfants. Que sera-ce, peut-être, dans quelque temps? Ces pensées m’attristent profondément. Sache que, même lorsque je n’écris pas, je pense souvent à vous tous. Madame Germain et moi vous embrassons tous quatre bien fort. Affectueusement à vous. Germain Louis