6 août 2015

Coup de Mistral sur les relations franco-russes


Il faut être cohérent. Si, comme cela a été maintes fois affirmé et prouvé, des soldats russes ont pénétré en Crimée pour aider les séparatistes à rejoindre la «grande» Russie, il s’agit bien d’un cas d’agression reconnu par l’ONU et sanctionné comme tel par des mesures économiques et financières. La Crimée, suite à un référendum suspect, a été rattachée à la Russie au prétexte que ses habitants sont russophones en majorité (ce qui est vrai) et que Sébastopol est le port militaire russe sur la mer noire où pendant longtemps des sous-marins nucléaires y étaient attachés.

Les Mistral sont en mer…
Parmi les sanctions internationales prises contre la Russie, il en est une qui intéresse la France au premier chef. Suite à un contrat signé par Nicolas Sarkozy en 2011, notre pays s’était engagé à livrer deux navires porte-hélicoptères de type Mistral au pays dirigé par Vladimir Poutine. François Hollande, après mûre réflexion et fortes pressions occidentales a décidé que ces deux navires ne pouvaient décemment pas être fournis à un pays qui se moque du tiers comme du quart des frontières pourtant reconnues par la communauté mondiale. Logiquement, il a engagé des négociations avec les autorités russes pour leur rembourser les avances faites dans le cadre du contrat d’origine et obtenir le droit d’en disposer librement. Les négociations ont duré des mois et l’épilogue a été officiellement connu hier.

Cette décision de François Hollande de ne pas livrer les deux Mistrals a été saluée par les défenseurs des droits de l’Homme et par le gouvernement ukrainien. Ce dernier considère que la Crimée est toujours partie prenante du territoire ukrainien. Mais la droite et l’extrême droite françaises ont publiquement protesté contre l’oukase du président de la République. Marine Le Pen étant la plus engagée dans la dénonciation de la décision de François Hollande, elle, présidente du FN, dont on connaît les attaches singulières avec Poutine et ses liens avec certaines banques russes lesquelles lui prêtent de l’argent. Que les Mariani, Myard et d’autres (Ex-UMP) soient sur les mêmes positions n’a rien d’étonnant. Leur récent voyage « honteux » en Crimée connaît une suite politique logique de la part de ces députés montrés du doigt par nombre de démocrates.

Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, affirme que plusieurs acquéreurs intéressés par ces deux navires ont avancé des propositions. Il faut savoir que ces porte-hélicoptères ont d’autres usages : navire-hôpital, centre de commandement, le tout bénéficiant des plus récentes avancées en matière informatique et de communication. Le fait que 400 marins russes aient été formés pendant plusieurs mois sur ces navires sera passé par profits et pertes. Le prix à payer pour une certaine idée des relations internationales et un retour à une forme de guerre froide…


4 août 2015

Chaque jour des journalistes risquent leur vie


Il est de bon ton de railler les journalistes. Dans certains milieux intellectuels et politiques, les professionnels de l’information passent pour des êtres superficiels voire dépourvus de culture générale. Ce n’est pas toujours faux malheureusement mais ces détracteurs d’une profession honnie majoritairement par le public oublient qu’il existe plusieurs sortes de journalistes et plusieurs façons d’exercer ce métier. Le plus difficile, comme disait Jaurès, c'est de chercher la vérité et de la dire.

Si j’en juge par le bilan dressé chaque année par Reporters sans frontières, il est des pays plus dangereux que d’autres pour y pratiquer la liberté d’informer. Sans insister trop «corporativement» sur les cent et quelques morts annuels dans la profession, on ne peut manquer de mettre en exergue certaines contrées du monde où écrire, raconter, dénoncer, crée un risque majeur (la mort !) pour les hommes et les femmes qui s’y risquent. Avec les réseaux sociaux, de nombreux membres d’organisations humanitaires prompts à dénoncer les excès et les bavures des dictatures religieuses ou politiques courent les même dangers que les professionnels. Le monde ouvert l'est également aux pires extrémités.

Le Mexique est un exemple frappant (si j’ose dire) de ces pays où la liberté d’information se paie dans le sang. On a appris ces derniers jours qu’un journaliste menacé dans sa région avait dû s’exiler à Mexico pour tenter de se dissimuler et échapper aux recherches de clans et de bandes ayant promis de le tuer. Deux mois après son arrivée dans la capitale, il a été retrouvé par les chasseurs et massacré avec trois femmes présentes dans son appartement. Au Mexique les témoins sont toujours gênants.

Ce pays est un des pays les plus dangereux au monde. Les trafiquants et les cartels de la drogue y sévissent en masse et se livrent une guerre sans merci pour conserver ou conquérir des territoires. On est toujours sans nouvelles des quarante étudiants sans doute massacrés dont les corps auraient, d'après quelques témoignages de policiers véreux, été brûlés…Au Pakistan, dans certains pays Africains, en Italie avec la mafia, en Libye, en Syrie, des journalistes craignent pour leur vie. On les kidnappe, on les prend en otage, on les échange ou on les assassine. C’est bien autre chose que de la prose acerbe ou des reproches verbeux. 

2 août 2015

Sondages de l'Elysée : les juges battent les buissons


Patrick Buisson responsable d'Artefact.
L’affaire des sondages de l’Elysée sous l’ère Sarkozy revient au premier plan de l’actualité. Pendant que les Français bronzent ou se livrent au farniente, les juges d’instruction continuent de faire avancer leurs dossiers. Les sondages de l’Elysée c’est le fruit des obsessions de Sarkozy quand il était président. Il voulait prendre en permanence le pouls de l’opinion, persuadé qu’il était qu’on peut diriger un pays en fonction des humeurs des citoyens. Mais un sondage n’est rien d’autre qu’une photographie à l’instant T et les humeurs sont changeantes.

Toujours est-il que deux hommes proches du président avaient pour tâche de poser les «bonnes» questions et surtout étaient attributaires des marchés sans appel d’offres. Ainsi Patrick Buisson et Pierre Giacometti, responsables de sociétés de communication, ont bénéficié de 9 millions d’euros pour des sondages dont les thèmes étaient aussi importants que l’image de DSK dans l’opinion ! La Cour des comptes avait donc constaté des dérapages d’une importance telle qu’elle avait sommé l’Elysée d’y mettre bon ordre. Il a fallu la plainte d’une association de lutte contre la corruption pour que la justice de saisisse du dossier après la défaite de Sarkozy en 2012 et après que la Cour de Cassation a décidé que les membres du cabinet présidentiel ne bénéficiaient pas de l’immunité présidentielle.

Patrick Buisson, président d'Artefact, a été mis en examen. Giacometti a été gardé à vue et entendu et doit s’attendre à une décision des juges dans les semaines qui viennent. Il est tout de même extravagant de constater que Sarkozy est mêlé de près (très) ou de loin à nombre d’affaires mêlant politique, argent et justice. Alain Juppé et François Fillon (cf. l’affaire Jouyet) comptent d'ailleurs sur le discrédit de Sarkozy voire sur son incapacité à être le candidat de l’ex-UMP lors de la prochaine présidentielle. Ils espèrent tous deux que des juges seront assez prompts et efficaces pour trouver la faille dans la tunique protectrice ayant bénéficié, jusqu’à maintenant, aux Woerth et compagnie. La justice est lente, dit-on. L’importance est qu’elle avance. Même à son rythme.