17 octobre 2018

Jean-Luc Mélenchon, un leader maximo à la Française ?


Je ne parviens pas à détester Jean-Luc Mélenchon…ni à lui porter estime. Cet homme politique a de la bouteille et une expérience extraordinaire des débats et des combats. Ce qui s’est passé hier, à la permanence de la France Insoumise est pourtant la preuve que malgré les ans, malgré les responsabilités (parfois ministérielles) malgré les différentes alertes anciennes ou récentes, rien ni personne ne peut empêcher le « leader maximo »(1) français de déclencher le bruit et la fureur.

L’enquête judiciaire en cours dira qui a dépassé les limites. Qui des députés insoumis ou des policiers en service sous la tutelle d’un procureur représentant le parquet après une enquête préliminaire ouverte dans les formes, a semé le désordre et une forme de violence absolument inadmissible ? Des images circulent abondamment sur les chaînes d’information en continu. On y voit Jean-Luc Mélenchon, hors de lui, se targuer de son titre de député (« Je suis un élu de la nation, ma personne est inviolable etc. etc. » pour empêcher la poursuite d’une perquisition dont tout démontre qu’elle s’opérait en toute légalité après l’avis des juges compétents.
Capture d'écran.

JLM y voit la main d’une police politique et d’une agression ciblée. Il a tort. D’autres partis (le RPR, le PS, le FN, le MODEM…la gauche et la droite) ont été dans la tourmente judiciaire sans pour autant attenter physiquement aux policiers ou aux magistrats enquêteurs. La perquisition d’hier n’avait pas pour but de saisir les fichiers de la France Insoumise ni le contenu des ordinateurs sauf, bien sûr, ce qui a trait au financement de la dernière campagne présidentielle dont on sait qu’un redressement a été ordonné après que la Commission des comptes de campagne a alerté le procureur de la République. Cette perquisition a été interrompue suite aux incidents créés par les députés LFI. Peut-être était-ce l’objectif ? Pour justifier son ire, JLM affirme que ses comptes ont été validés ! La Belle affaire. Les comptes de Sarkozy aussi avaient été validés. Il n’empêche qu’existe un soupçon de financement libyen lors de la campagne 2007 sans oublier l’affaire Bygmalion en 2012 (20 millions d’euros de dépassement). La Commission des comptes de campagne n’a pas les moyens d’enquêter sur des sommes suspectes et encore moins de s’ériger en juge. Elle constate, accepte, déplore ou signale. C’est son rôle, point barre. La validation des comptes ne prouve rien.

L’image de Jean-Luc Mélenchon va évidemment être écornée après la vision des images qui le montrent vociférant, éructant, appelant à la rescousse ses camarades élus et militants. Je suis d’ailleurs surpris qu’ils aient suivi JLM comme un seul homme et qu’il ne se soit pas trouvé un Coquerel, un Bompard, un Corbières ou une Clémentine Autain pour dire à JLM : « Jean-Luc, tu déconnes. Tu perds ton sang froid. Tu as tort ». Le sang froid est une qualité essentielle pour un dirigeant politique. Imaginons que le préfet Maurice Grimaud (2) en 1968 ait perdu son sang froid. Sans lui, il y aurait eu des morts et des blessés. C’est une chose de protester (légitimement) ou de se révolter. C’en est une autre de devenir dirigeant…et homme d’Etat.

(1) Nom donné à Fidel Castro par les anticastristes. 
(2) M. Grimaud a agi contre l'avis de son ministre qui n'aurait pas hésité à faire tirer contre la foule.

16 octobre 2018

Rendez vous à Blois avec l'œuvre de Pierre Mendès France, « un homme d'avenir »

Les Rendez-vous de l’Histoire sont organisés à Blois depuis plus de vingt ans. Il s’agit d’un grand moment pour les historiens, bien sûr, mais aussi, et surtout, pour le public anonyme désireux de rencontrer des auteurs et des éditeurs. 
Les amateurs de savoir et de connaissance, venus très nombreux, sont à la fête. Grâce au livre d’Hélène Hatzfeld (1) et également grâce à Françoise Chapron, secrétaire générale de l’Institut Pierre Mendès France qui n’a pas ménagé ses efforts, j’ai passé deux jours enrichissants à Blois.

France Culture, partenaire des rendez-vous de l'Histoire 
Je retiens, naturellement, la soirée consacrée aux livres dédiés à la vie ou à l’influence de Pierre Mendès France. 
Avec la biographie « économique » de Michel Beck (2) par exemple, on comprend mieux pourquoi, ni le général de Gaulle, ni François Mitterrand, n’ont voulu tenir compte des avis de l’ancien président du Conseil. Ses préconisations, animées d’une certaine rigueur, contrastaient avec la facilité d’un Pleven ou d’un Mauroy bien vite rattrapés par le réel. Il est vrai, comme l’a écrit Georges Kiejman, qu’« on peut avoir tort économiquement et raison politiquement.

Les « Ecrits de Résistance » (3) réédités à l’initiative de Vincent Duclert et Joan Mendès France (après le décès de Michel, fils de PMF) nous installent de plain pied, dans l’intimité d’un homme exceptionnel dont la vie fut marquée à jamais par l’accusation inique et révoltante de désertion lors du fameux procès de Clermont-Ferrand.  L’histoire de l’ancien maire de Louviers fut, dès lors, comme une longue course contre l’humiliation et pour la justice en laquelle l’avocat mais aussi le politique croyait comme un absolu. PMF n’eut de cesse d’obtenir l’annulation du jugement le condamnant à l’infamie parce qu’il était juif, de gauche et franc-maçon (tout comme son ami Jean Zay) ce qu’il obtint quelques années après la fin de la guerre. Jamais, donc,  son patriotisme ne fut pris en défaut, surtout pas quand il a rejoint le général De Gaulle et la France Libre à Londres. Là, il passa plusieurs mois à guider les pilotes des bombardiers Boston ainsi qu’à réfléchir à la situation de la France d’après-guerre sans oublier les liens indéfectibles avec son épouse et ses fils réfugiés aux Etats-Unis.

Hélène Hatzfeld, en forme de conclusion et pour répondre à l’impératif de « la puissance des images » thème de ces Rendez-vous de l’histoire 2018, avait choisi sept photos de la série présentée en mai dernier aux Lovériens dans la salle du Moulin. Il s’agissait pour elle de mettre en exergue les conséquences politiques qui suivirent la démission de PMF de tous ses mandats électifs en 1958, après sa défaite face à Rémy Montagne. D’un ton juste et précis, elle rappela l’élection en 1965 d’une équipe dite d’Union des Gauches puis de la liste d’Action de Gauche en 1976-77, le tout en conjuguant la nécessité du lien direct entre l’élu et l’électeur et l’originalité des propositions et projets d’Ernest Martin, ancien maire de Louviers. Il se trouve que tous deux furent battus aux élections après la défaillance lovérienne des élus PC ou l’abstention volontaire grenobloise des électeurs communistes avec lesquels il fallait alors compter.

Cette soirée m’a permis de rencontrer deux personnalités éclatantes : Hélène Mouchard Zay, la fille du grand ministre de l’Education nationale (assassiné par la milice en juin 1944) toujours à l’œuvre pour entretenir sa mémoire et d’Alain Chatriot, professeur d’histoire à Sciences Po Paris. Tous deux, à leur manière, témoignent d’une véritable passion pour un passé qui, si, parfois, il ne passe pas, comme l’écrivent Henry Rousso et Eric Connan s’agissant de Vichy, permet de comprendre le présent et de construire l'avenir.

( 1 - Hélène Hatzfeld : La politique à la ville, inventions citoyennes à Louviers 1965-1983, Ed. PUR
( 2- Michel Beck : Pierre Mendès France, un homme d’avenir. Ed. Société des écrivains
( 3 - Pierre Mendès France, Ecrits de Résistance, édition établie par Vincent Duclert avec la collaboration de Joan Mendès France, CNRS éditions