3 mars 2016

Sarkozy et le coup d'état permanent…


« Il y a urgence à changer de président » a déclaré l’ancien président Sarkozy lors de sa visite au salon de l’agriculture. Souvenons-nous. C’est dans ce même salon qu’il avait décoché un « casse toi pôv con » à un visiteur qui avait refusé de lui serrer la main : « touche moi pas tu vas me salir » (en Français dans le texte). Le propos de Sarkozy m’inquiète. Comme tout un chacun, il connaît le calendrier et donc la date des prochaines élections présidentielles…en 2017. Il lui faudra donc attendre un an et quelques mois pour calmer son impatience comme celle des Français qui, depuis 2012, pestent, protestent contre cette gauche forcément incompétente et illégitime. Cette phrase m’inquiète parce qu’elle appelle à bouleverser les échéances constitutionnelles…sans qu’on sache très bien ce qui se cache derrière des propos d’autocrate plus habitué à se faire obéir (par le peuple éventuellement) qu’à respecter les règles de la démocratie.

A moins que Sarkozy n'ait d’autres idées en tête et souhaite accélérer le processus. Quelles idées ? Un coup d’état ? Avec qui, avec quelle armée ? L’armée française est légaliste et légitimiste. Pas forcément républicaine mais obéissante au pouvoir civil issu d’élections régulières, pas comme ces présidentielles de 2012 qui ont vu Sarkozy dépasser les plafonds de dépenses créant une inégalité évidente entre les candidats. Excluons donc le coup d’état. 

Alors quoi d’autre ? Une révolte dans la rue à l’occasion des prochaines manifestations contre la loi El Khomri, révolte ouvrant ensuite la voie à une révolution et enfin à une vacance du pouvoir genre voyage à Baden Baden en 1968 ? Sarkozy rêve tout haut. Si la révolte n’est pas exclue, la révolution ne semble pas encore inscrite à l’ordre du jour. Je sais bien que Sarkozy est un immense provocateur mais tout de même…

Sarkozy n’est pas seul. Il doit compter avec Juppé, Le Maire, Fillon, NKM et tous les autres. Depuis l’affaire des écoutes Azibert-Paul Bismuth, je me méfie pourtant de cet homme comme de la peste. La peste a disparu mais pas Nicolas Sarkozy et ses mises en examen. Il est vrai qu’il voulait faire disparaître les juges d’instruction, ces petits pois indigestes capables de mettre au pas les politiques sûrs d’eux-mêmes et dominateurs. Au final, la justice triomphera…du coup d'état permanent.

2 mars 2016

Pierre Jacquemain, ancien conseiller de Myriam El Khomri, condamne le projet de loi « travail »


Le journal « Le Monde » publie aujourd'hui, un texte de Pierre Jacquemain, conseiller auprès de la ministre Myriam El Khomri depuis plusieurs mois. En total désaccord avec l'esprit et la lettre du projet de loi Travail, il vient de démissionner de ses fonctions. Il explique pourquoi il s'oppose au texte.
« Pour faire de la politique, il faut rêver. Peut-être ai-je été trop naïf sur la capacité de la ministre du travail, Myriam El Khomri, à faire rêver et progresser les travailleurs de notre pays ? A incarner une parole de gauche, une parole libre, une parole utile, une parole forte. Une parole juste. Celle qui dénonce la paupérisation de la société, celle qui s’insurge devant la précarisation du monde du travail qui conduit des millions de Français à vivre au jour le jour – avec toujours cette peur du lendemain.
La réforme de Myriam El Khomri devait porter l’exigence d’un nouveau modèle de société. C’était, je le crois, l’ambition de la huitième ministre du gouvernement. Une place de choix dans la hiérarchie gouvernementale. Un porte-voix exceptionnel pour donner le la à une réforme majeure du quinquennat dans un gouvernement au parti pris libéral assumé. Le président de la République lui-même avait fait de cette réforme l’un des tournants de son quinquennat. Ce devait être une réforme de progrès, ce sera au mieux une réforme de compromis – voire de compromission. Au pire, cela restera comme une trahison historique – et destructrice – d’une gauche en mal de repères.
Pourtant, Myriam El Khomri a gagné des batailles. C’est une militante qui n’a peur de tenir tête ni au premier ministre ni au président de la République. Son parcours, ses engagements, son action à la Ville de Paris et au secrétariat d’Etat à la politique de la ville auraient pu – auraient dû – la conduire à porter haut et fort les revendications des travailleurs.
A défendre les salariés d’Air France quand 3 000 postes sont menacés. A s’opposer fermement au travail du dimanche. Ou encore à ne rien céder sur les commandes patronales, notamment en matière de licenciement. J’y ai cru. Et nous avons échoué. Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Myriam El Khomri y croit encore. Je n’étais donc plus utile à ses côtés. J’ai quitté son équipe sur un désaccord politique et stratégique majeur. D’ordinaire, un conseiller ministériel, petite main de l’ombre, ça ferme sa gueule.
Autoritarisme de Matignon et poids de la technostructure
Mais, parce que je suis profondément convaincu que cette réforme nous entraîne collectivement dans le mur, parce que j’ai la conviction qu’elle sert les intérêts politiques de quelques-uns et les intérêts économiques de quelques autres (privilégiés), enfin parce que je suis déterminé à ce qu’une autre voix pèse à gauche, j’ai assumé publiquement le désaccord qui m’opposait à la ministre. C’est déloyal diront certains. Je ne le pense pas. Il ne s’agit aucunement de remettre en cause une ministre en exercice, qui m’a fait confiance au cours de ces dix derniers mois et que je respecte pour ses qualités humaines.
Il s’agit d’attaquer sur le fond un texte droitier, une réforme libérale qui déshonore la gauche – pis, l’atomise, alors que cette gauche-là est en responsabilité. Et quelle responsabilité ! Comment peut-on avoir raison contre tous ? A quel moment et de quel droit pense-t-on avoir raison contre ses propres alliés ? Pour qui parlent-ils ? D’où parlent-ils ? Ils ont tué la gauche.
Aujourd’hui, le malaise est partout. Dans les cabinets ministériels, sur les bancs de l’Hémicycle, à droite, à gauche, sur Internet. Et bientôt dans la rue. L’histoire se répète. Prenez Villepin, mettez Valls. Dix ans plus tard, même remède, même combat. Souhaitons à cette réforme le même sort que le CPE. Parce qu’il faut tout réécrire. Tout. Qui peut croire par exemple que favoriser les licenciements va permettre de lutter contre le chômage ? Qui pense sérieusement que la dématérialisation des fiches de paye est une révolution sociale ? Qui peut décemment parler de démocratie sociale, au plus près de l’entreprise, quand on sait le rapport de force qui se joue, au quotidien, entre employeur et employé ?
Ce texte est un non-sens économique. Une aberration politique. Il résulte d’une équation terrifiante : d’une part, l’autoritarisme matignonnesque et, d’autre part, l’invasion, à tous les étages, de la technostructure. La technocratie aura-t-elle raison de la politique ? Le renouvellement générationnel de nos dirigeants n’est en vérité qu’une façade, une illusion. Un faux-semblant. Et je veux croire qu’une autre voie est possible. Elle est possible, souhaitable, et nécessaire. Dehors à présent. Pour construire l’alternative à gauche. La politique est une affaire de conviction, de colonne vertébrale, de vision, de transformation, et de rêve, disais-je. Parce que, pour faire de la politique, il faut rêver. »
Pierre Jacquemain
Ancien conseiller de Myriam El Khomri

1 mars 2016

Manuel Valls recule…avant d'aller dans le mur ?


Myriam El Khomri en visite à Val-de-Reuil. (photo JCH)
Les centaines de milliers de signatures apposées au bas de la pétition sur change.org contre le projet de loi El Khomri, le coup de gueule de Martine Aubry, les réticences de Jean-Christophe Cambadélis, nombre de députés rétifs et les critiques acerbes de la CFDT sont venus à bout de la morgue du Premier ministre Manuel Valls. 
Sans doute sous la pression du Président de la République, le chef du gouvernement a préféré prendre le temps d’une utile réflexion avant de présenter le projet de loi devant l’Assemblée nationale. C’était bien le moins qu’il pouvait faire, assuré qu’il était d’aller dans le mur et de se faire applaudir par une droite moqueuse trop heureuse de mettre le fer dans la plaie ouverte à gauche. 
Je ne vais pas entrer dans les détails du projet de loi mais la flexisécurité dont se repaît M. Le Guen, secrétaire d’état aux relations avec le parlement, est surtout caractérisée par beaucoup de flexibilité sur le temps de travail ou sur les indemnités de licenciements « sans cause réelle ni sérieuse » et peu de sécurité professionnelle si l’on en juge par les désobligeantes remarques de l’ensemble du monde syndical des salariés.
Le président de la République assure qu’il réformera jusqu’au bout de son mandat de cinq ans. Soit. Si ses réformes destinées, affirme-t-il, « à améliorer la compétitivité des entreprises » ne sont pas équilibrées par des mesures en faveur du pouvoir d’achat ou du salaire minimum, il ne sera pas surpris que le salariat manifeste une colère au moins égale à celle des éleveurs et des agriculteurs. D’ailleurs, quand ces derniers saccagent un stand ministériel ou insultent copieusement le président et son Premier ministre, je ne sache pas que les auteurs des violences soient poursuivis et condamnés comme le furent les syndicalistes auteurs de violences matérielles et sévèrement punis par les tribunaux correctionnels. Il faut croire que dans la France de 2016, il existe les violences légitimes …et les autres !

28 février 2016

On connaît mieux le domaine de Louis Renault grâce à Yvette Petit-Decroix et la Société d'études diverses


Un public nombreux et attentif aux propos d'Yvette Petit-Decroix. (photo Jean-Charles Houel)
Petite annonce : cherche thésard(e) et (ou) président(e) d’association apte à passer quatre ou cinq années à éplucher les nombreux documents et archives relatifs au domaine de Louis Renault dans la boucle de Seine d’Herqueville-Connelles-Daubeuf-Muids et Andé.
Yvette Petit-Decroix trouvera-t-elle la perle rare ? Après le travail immense engagé par elle-même au titre de la pure connaissance et de la joie de transmettre, il serait bien qu’une âme passionnée s’attachât à poursuivre cette patiente et rigoureuse obsession.

La salle Pierre Mendès France de l'hôtel de ville de Louviers a connu une belle affluence, hier, répondant ainsi avec élégance à l’invitation de la Société d’études diverses à laquelle appartient Yvette Petit-Decroix très à l’aise devant son micro pour narrer une aventure humaine colossale.
Le domaine de Louis Renault, tout le monde en parle mais personne ne sait vraiment de quoi il retourne. Les pires fantaisies circulent : 20 000 hectares…un tunnel jusqu’à Château-Gaillard…Drieu La Rochelle y séjournait…que de rumeurs !

La réalité est plus prosaïque mais non moins surprenante. A son apogée, en 1939, le domaine Renault couvre 2000 hectares, il comprend une dizaine de fermes productives et surtout un ensemble de constructions neuves ou restaurées à usages professionnel et privé. Il est le résultat d’une attention permanente et d’une inlassable série d’acquisitions fruit d’une fortune évidente. Le constructeur automobile a tout compris du système puisqu’il réussira à acquérir des chemins communaux ou des équipements publics allant même jusqu’à rénover l’église d’Herqueville !

Louis Renault, bricoleur de génie, a découvert la boucle de Seine par hasard, il jette sur elle son dévolu au début du 20e siècle imaginant y développer un domaine agricole très varié : céréales, vaches laitières, beurre, porcs, volailles, lapins et même le cidre ! N’en jetez plus la cour est pleine. Situé près de Paris, relié à la capitale par route et voie ferrée, dans un site merveilleux, le domaine exceptionnel de Louis Renault lui permettra d’exprimer tous ses talents d’industriel, d’inventeur, de bâtisseur. 
Yvette Petit-Decroix.

Au fil des années, les hectares s’accumulent, les châteaux et les fermes s’embellissent, les productions se diversifient. Maison de matelots en bord de Seine, château d’habitation sur les hauteurs, architecture anglo-normande, mécanisation des outils de production, ordre et organisation rationnelle, régisseurs, chefs de fermes, à l’évidence sans la seconde guerre mondiale, le domaine Renault se serait encore considérablement épanoui et aurait fait de notre région immédiate l’une des plus enviées de l’ouest parisien.

Yvette Petit-Decroix ne dira mot de la fin de vie de Louis Renault. Comme on le sait, ses usines de Billancourt seront nationalisées quelques mois après sa mort par le gouvernement du général De Gaulle pour faits de collaboration économique. De 1940 à 1944, des chars, des camions et d’autres engins sont sortis des usines de l’île Seguin et ont immédiatement équipé l’armée allemande. Décédé en octobre 1944 (1) dans la cellule qu’il occupait à la prison de Fresne, il n’aura donc jamais été jugé. Certains ont expliqué la mort de Louis Renault par de mauvais traitements qu’on lui aurait infligés. Il semble, en réalité, qu’il soit mort des suites de maladie. Il avait 67 ans. Son fils Jean-Louis a tenté de poursuivre l’œuvre entreprise mais en 1962, le domaine est éclaté et c’est la fin de l’histoire. Fin provisoire, peut-être, si, comme je le crois, une bonne âme accepte de se saisir du flambeau brandi par Mme Petit-Decroix. Parmi les nombreux propriétaires actuels des châteaux, maisons, terrains, il en est qui ignorent l'origine de leur bien. Cette conférence et le livre de Mme Petit-Decroix éveilleront sans doute des vocations d'historien parmi ces successeurs de Louis Renault.

(1) En 2011, sept des petits-enfants de Louis Renault engagent une procédure afin d'obtenir une indemnisation du préjudice causé par la nationalisation. Ils tentent de faire valoir une question prioritaire de constitutionnalité, en arguant du fait que l'ordonnance N° 45-68 du 16 janvier 1945 qui institue la nationalisation serait contraire aux droits fondamentaux, de la propriété notamment. Ils sont déboutés le 11 janvier 2012 : le tribunal de grande instance de Paris se déclare incompétent pour statuer sur leur demande. Leurs avocats annoncent leur décision de faire appel. Le 21 novembre 2012, la cour d'appel de Paris confirme la décision du tribunal de grande instance de Paris et déboute la famille Renault.