30 mai 2015

François Fillon se prend les pieds dans le tapis du tribunal correctionnel de Paris


J’ai affirmé à maintes reprises sur ce blog que les problèmes politiques ne se règlent jamais devant un tribunal. Il faut être bien crédule ou naïf pour croire qu’un jugement peut modifier l’état de l’opinion. Et pourtant, les procès en diffamation font toujours la fortune des avocats et souvent l’infortune des plaignants.

Prenons l’exemple de François Fillon. Mis en cause par deux journalistes du Monde qui l’accusent d’avoir demandé à Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, d’agir pour « taper vite » contre Sarkozy dans l’affaire du financement de la campagne présidentielle de Sarkozy, l’ancien premier ministre n’a rien trouvé d’autre que de se lancer dans une action judiciaire hasardeuse contre Jouyet, contre Davet et Lhomme, les deux journalistes et contre les éditions Stock qui ont publié leur livre et leur récit.

Devant le tribunal correctionnel, François Fillon a été égal à lui-même : raide, rigide, froid. Pendant 10 heures, le futur ( ?) candidat à la primaire UMP (pardon…des Républicains) a dû subir le récit fleuri de son déjeuner avec Jouyet et écouter la bande son dans laquelle le bras droit de François Hollande narre sa version de la conversation entre les deux anciens amis.

L’objectif de Fillon était simple : prouver aux adhérents de l’UMP et accessoirement aux cadres de ce parti (pas dupes du tout d'ailleurs) qu’il n’avait peur de rien et surtout pas de SA vérité. Malheureusement, le procureur de la République conscient que les paroles des uns valent bien les paroles des autres, n’a pas pu trier le bon grain de l’ivraie et aucune vérité…vraie n’est sortie du tribunal. Il a donc normalement demandé la relaxe pure et simple des personnes mises en cause. Le jugement sera rendu dans quelques semaines.

Le résultat de cet épisode ? Fillon n’avait rien à gagner au déballage public puisqu’aucune preuve de quoi que ce soit n’a pu être apportée. Les journalistes ont mis à mal sa version dans la mesure où chacun, dans les cercles politiques, a jugé vraisemblable la version de Jouyet. Le fait que Fillon ait incité les commissaires aux comptes de l’UMP à alerter le parquet sur les comptes de campagne de Sarkozy vaut plus que tous les discours et en dit long sur les buts de l’ancien premier ministre. Une fois encore à vouloir trop gagner, il risque de tout perdre.

28 mai 2015

On voit trop bien ce que cherchent les détracteurs de Marc-Antoine Jamet


Claude Roiron n'est pas responsable de la déroute du PS aux européennes.
Marc-Antoine Jamet est contesté à la tête de la fédération de l’Eure du Parti socialiste. Le principal reproche que lui font ses détracteurs tient en un mot : la défaite des candidats PS (pas partout) aux municipales, aux européennes et aux départementales dont ils le rendent responsable. C’est gonflé. C’est injuste. Disons-le : il s'agit d'une attaque prétexte. On a évidemment le droit de présenter sa candidature et souhaiter changer tel ou tel animateur. Alors, il ne faut pas attaquer les hommes ou les femmes mais exposer un projet, ouvrir de nouveaux chemins.

Je voudrais que ces détracteurs me citent un département normand où le PS a fait belle et bonne figure lors des dernières échéances ! Chaque observateur de la vie politique — et je la suis avec attention depuis 1965 — a constaté l’évolution du corps électoral avec une énorme abstention à gauche, d’une part, au cours des dernières années et la propension qu’ont les électeurs à sanctionner les majorités gouvernementales en place d'autre part. Les élections intermédiaires servent de défouloir et permettent aux citoyens d’exprimer leur mécontentement à moindres frais.

La colère de Martine Aubry, par exemple, après les municipales, n’était pas dirigée contre le premier secrétaire fédéral du département nord mais bien contre la politique conduite au plus haut niveau de l’état. C’est ainsi. Et quand Bruno Questel (l’un des opposants à MAJ) affirme que les candidats du Front national ont été choisis par les électeurs(trices) alors qu’ils sont parfaitement inconnus au bataillon et n’ont fait campagne que sur le nom de Le Pen, il apporte de l’eau au moulin de Marc-Antoine Jamet en prouvant que ce ne sont ni les campagnes électorales ni la notoriété des impétrants qui garantissent le succès. Aujourd’hui les mouvements d’humeur des électeurs sont brutaux et violents. C’est une nouvelle donnée dans le débat public.

La campagne des élections régionales qui se profilent va-t-elle nous donner l’affligeant spectacle de socialistes en guerre les uns contre les autres ? Les précautions oratoires de Nicolas Mayer-Rossignol, président sortant, affirmant qu’il serait le seul responsable du résultat de décembre prochain devrait mettre à l’aise les têtes de listes départementales et encourager les dissidents éventuels à bien calculer leur coup. Imagine-t-on un premier secrétaire fédéral de l’Eure désavoué par les militants et occuper la tête de liste destinée à empêcher M. Morin de se servir de la région ? Comment convaincre les citoyens si on n’est pas apte, d’abord, à obtenir une majorité parmi les siens ?

Marc Antoine Jamet présente un avantage énorme : il se situe à un très bon niveau et a de l’entregent. « Son » bilan électoral n’est pas bon mais est-ce vraiment le sien ? Ne s'agit-il pas plutôt du bilan de la majorité parlementaire suiviste et aux ordres de Manuel Valls ? J’ai indiqué sur ce blog, il y a deux jours, pourquoi les partis avaient la vie dure. Celle du PS ne l’est pas moins. Raison de plus pour se priver des psychodrames de seconde zone dans un département difficile pour la gauche.

27 mai 2015

La FIFA aux prises avec des fafiots de fieffés coquins


Une banque genevoise.
L’événement de la journée est évidemment l’arrestation en Suisse de personnes soupçonnées d’avoir contribué à un vaste système de corruption au sein de la Fédération internationale de football. Alors que Sepp Blatter (1) va rempiler à la présidence (élection vendredi) sauf «accident», on découvre — la justice américaine notamment — que des administrateurs de la FIFA ont reçu des pots de vin et bénéficié d’avantages matériels en échange de l’octroi de compétitions internationales.

Depuis que la Qatar s’est vu attribuer la coupe du monde 2022 (en plein été d’abord puis en hiver ensuite) des rumeurs insistantes circulent prétendant que des pots de «pétrole» (en espèces) ont été versés sur des comptes n’ayant rien à voir avec les salaires ou les émoluments habituels des titulaires. Le manège aurait vingt ans d’âge comme certains vieux Portos qu’on avale d’un trait.

Et alors ? Rien de nouveau sous le soleil. Là où il y a de l’argent, beaucoup d’argent, il y a souvent beaucoup de magouilles et encore plus de corruption. Pour qu’il y ait corruption, il faut un corrupteur, celui qui paie, et un corrompu, celui qui reçoit. Quand celui qui paie est si riche qu’il peut tout se permettre celui qui reçoit n’hésite pas à tordre le coup aux règles, à l’équité, à la transparence. Car là est le problème de la FIFA : rien n’est transparent et comme tout le monde le sait, beaucoup se servent ou se sont servis impunément. Le montant des droits télévisés est tel que la FIFA possède une trésorerie si opulente qu'elle ne sait plus quoi faire de son argent. Mais comme on est en Suisse, et à Genève, l’imagination ne manque pas de ressources.

Si le monde du football sent mauvais, il n’est pas le seul. Prenez M. Guéant. Il va être traduit devant un tribunal correctionnel pour avoir touché des espèces normalement dévolues à des policiers de terrain en rétribution d’activités clandestines ou dangereuses. L’ancien ministre de l’Intérieur a confondu l’argent à but collectif et son argent propre.

Un mot pour terminer. L’indice des fonctionnaires sera encore gelé cette année. Depuis 2010, les fonctionnaires ne sont plus augmentés sauf ceux et celles qui montent en grade ou changent d’échelon… c’est ce qu’on appelle le glissement vieillissement technicité. Les autres peuvent attendre. Cinq ans sans augmentation du pouvoir d’achat ! Qui dit mieux. Marylise Le Branchu a eu le mot de la fin : « plus que d’argent, les fonctionnaires ont besoin de reconnaissance. » Je propose qu’elle soit nominée par le jury du concours des mots d’humour de l’année 2015. Même si on rit jaune.

(1) Le président de la FIFA ferait actuellement pression sur les délégués pour qu’ils repoussent l’élection, prévue vendredi, à une date ultérieure.

25 mai 2015

Le mariage Gay en Irlande, Podemos en Espagne, le courage et le talent à Cannes


Quelle belle leçon que celle administrée par le peuple irlandais. On le disait soumis au diktat de l’église catholique, on le disait conservateur au point de ne pas sentir les frémissements du monde et les changements de mentalités. Avec plus de 62 % lors d’un référendum populaire, les Irlandais et les Irlandaises ont dit au mariage homosexuel et célébré cet événement dans la joie collective.
Christine Boutin n’osera plus se rendre en Irlande. Elle n’osera plus aller prier dans des églises dont deux fidèles du trois soutiennent la liberté de choix et d’orientation sexuelle que la France n’a toujours pas digérée après le vote sur le mariage pour tous. Nos compatriotes devraient ouvrir les yeux, regarder autour d’eux, constater que les désirs ne sont plus refoulés et que ce qui compte, c’est de réussir sa vie, surtout affectivement. Les nouveaux couples irlandais pourront enfin convoler et régler à la fois des problèmes juridiques, financiers et assumer publiquement leurs choix. Vive l’Irlande !

Je ne sais si les tractations aboutiront à un succès mais d’ores et déjà on peut dire que les mairies de Barcelone et de Madrid ont une petite chance de basculer dans le camp de « Podemos ». Ce mouvement — il ne s’agit pas d’un parti — surgi de nulle part si ce n’est des fameux « indignés » du nom du livre de Stéphane Hessel, est en passe de prendre la troisième place dans la vie politique espagnole derrière la droite et les socialistes.
A Barcelone et Madrid, il leur faudra sans doute construire des coalitions et seuls les socialistes pourraient leur apporter un coup de main. La droite de Mariano Rajoy, empêtrée dans des affaires de corruption, recule mais ne cède pas. Elle conserve même la majorité relative dans douze régions, ce qui n’est pas rien en Espagne où les régions ont d’énormes pouvoirs. Un vent se lève dans la péninsule ibérique…attention de ne pas décevoir en quelques semaines l’espérance naissante.


Ce qui se passe en Grèce, en Espagne, notamment, devrait alerter les responsables politiques des partis de gauche en France. Car ces mouvements, venus du fond de la société et motivés par une colère sociale et économique légitime, expriment à la fois un besoin de changement mais également une défiance à l’égard des partis traditionnels. En France, le Front national et sa démagogie empêchent ces mouvements libertaires, autogestionnaires, d’occuper le devant de la scène politique. Le Parti communiste, le Parti de gauche, le nouveau parti anticapitaliste, les écologistes ne sont pas aptes à attirer ces mécontents et leurs revendications. Le PS paie au prix fort sa présence au pouvoir et ses ambiguïtés.
Il est quand même dommage que le FN apparaisse comme une solution alors que tout son programme est fondé sur l’exclusion, le rejet, et d’abord, paradoxalement, de ceux qui le soutiennent. Les catégories sociales dites défavorisées n’ont en effet rien à attendre d’un parti dont l’unique combat est celui d’un chef pour la conquête du pouvoir. On sait ce qu’il advient après : des souffrances et des larmes.

Le palmarès du festival de Cannes, dont le jury était présidé par les frères Coen, Joël et Ethan, a fait preuve de courage et d’engagement. Attribuer la palme d’or au film de Jacques Audiard sur le parcours de réfugiés sri-lankais dans la France de 2015, donner les prix d’interprétation masculine à Vincent Lindon, chômeur de longue durée en quête de survie et celui d'interprétation féminine à Emmanuelle Bercot, dans le film de Maïwen, c’est reconnaître à la fois la primauté des thèmes sociaux et la qualité du travail artistique. L’acteur, très ému et même émouvant, aura donc dû attendre ses 55 ans pour recevoir un prix. Et quel prix ! Quant à la réalisatrice de 46 ans, elle était épanouie, comme dans un rêve.
Le scénario n’est pas tout car le cinéma comme l’a bien dit une actrice féminine c’est « mettre en geste de l’écrit. » Il faut donc du talent aux réalisateurs(trices) comme Agnès Varda qui a reçu une palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière débutée avec la Nouvelle vague. La compagne de Jacques Demy pourra exposer sa palme à côté de celle de son compagnon primé pour « les parapluies de Cherbourg. »





24 mai 2015

Le monde change. Pas les partis politiques. Ils en mourront peut-être


Les électeurs sont surtout des personnes âgées.
75 000 adhérents du Parti socialiste ont participé au vote sur les quatre motions proposées par les divers « courants » pour préparer le congrès de Poitiers. C’est peu. Alors les commentateurs y vont de leurs articles et de leurs analyses pour expliquer pourquoi, en 2015, au PS, à l’UMP, chez les écologistes, au Front de gauche,  au nouveau parti anticapitaliste l’hémorragie des militants fait pleurer les cadres et les élus. Il n’y a guère qu’au Front national que les cartes rentrent mais cela ne va pas durer. Le Front est devenu le parti ramasse-tout. Jusqu’à la prochaine fois. La grande gagnante demeure l’abstention, le désintérêt, l’indifférence…

Dans l’Eure, la motion présentée par Jean-Christophe Cambadélis et Martine Aubry a recueilli 70 % des suffrages. C’est qu’on est légitimiste dans ce département. Martine Aubry a expliqué que son ralliement à la motion du premier secrétaire sortant (et non à celle des frondeurs) signifiait sa volonté de voir le quinquennat de François Hollande être utile aux Français et surtout aux plus modestes. Je ne sais si Martine Aubry est totalement sincère. Le fait est que ce choix a certainement influencé nombre de militants en faveur d’une majorité éclectique.

Reste la question de l’adhésion à un parti. Pourquoi rejoindre les rangs de tel ou tel parti de droite ou de gauche par les temps qui courent ? Lors du congrès de l’UMP prochain, 100 000 adhérents devraient voter sur 200 000 inscrits sans qu’on puisse vérifier quoi que ce soit. Maigre consolation. Parmi toutes les raisons qui expliquent le recul de l’action militante (faible crédit des politiques, trop de luttes pour le pouvoir, inefficacité des programmes et des projets, professionnalisation des mandats, absence de renouvellement des têtes, individualisme forcené…). Il est évident aussi que l’organisation des primaires citoyennes a vidé l’engagement militant d’une partie de son sens puisque ce sont les citoyens (et c’est très bien) qui désignent le champion appelé à les représenter lors de la campagne présidentielle. Il est une autre raison que personne ne cite et qui me semble pourtant essentielle dans la désaffection des Français à l’égard des partis.

Il s’agit des affaires judiciaires et financières. A droite ou à gauche et même au Front national, les mises en examen se succèdent à un rythme soutenu. D’éminentes personnalités et élus sont rattrapées par des déclarations de patrimoine inexactes, des comptes à l’étranger non déclarés, des actes ou des tentatives de corruption, des financements de campagne malhonnêtes avec des fausses factures, des dépenses d’argent public excessives, des emplois publics captés par des clans ou des familles, des emplois fictifs en-veux-tu-en-voilà, sans oublier les incartades personnelles de tel ou tel candidat à la présidence ou président lui-même. Les Français(e)s sont souvent écœuré(e)s par ces comportements peu vertueux. Ils en arrivent à être dégoûtés de la politique et de ceux qui la servent. Même s’ils ont tort puisque la majorité des élus sont d’honnêtes gens, les citoyens ont bien du mal à croire dans le désintéressement personnel et le service de l’intérêt général.

Comme le dit bien une élue communiste « les gens ont du mal à aller voter. Alors adhérer à un parti, vous imaginez…» Le problème avec les partis c’est qu’ils sont des chapelles et que le contenant est souvent plus important que le contenu. La lutte pour les places y est farouche, les ego tenant souvent lieu de programmes, le népotisme règne en maître quand il faudrait privilégier l’engagement, la compétence, l’efficacité. Et surtout les valeurs et les principes. Fait-on de la politique pour soi-même ou pour les autres ou les deux ce qui, somme toute, est légitime ? Le parti à la papa c’est fini. Avec les réseaux sociaux, chacun peut intervenir dans le débat et apporter sa pierre. Il s’agit d’un changement fondamental que des responsables de partis n’ont pas encore intégré. Il suffit de se rendre sur leur site pour déplorer les retards à l’allumage et les renseignements obsolètes. Le monde change, pas les partis. Ils en mourront peut-être.