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Gérard Gengembre. (photo JCH) |
Gérard Gengembre, professeur émérite à l’Université
de Caen et spécialiste de la littérature du XIXe siècle l'avoue : il est Hugolâtre. Il a lu les 18 000 pages de
l’œuvre complète de Victor Hugo (correspondances, notes, romans, poèmes,
théâtre, discours etc.) et « en est ressorti vivant » constate-t-il avec
humour. Avis aux amateurs et aux étudiants dont l’un s’est lancé dans une biographie du créateur
appelée à faire autorité. Cela explique évidemment, son savoir encyclopédique,
d’une part, et la facilité qu’il a à le partager avec des auditeurs curieux. Le
public de la Société d’études diverses de Louviers et sa région est de ceux-là.
Il a fait le plein de la salle
Pierre Mendès France (toujours aussi inconfortable) samedi, attiré qu’il était
par le sujet proposé : « Victor Hugo et la Normandie ».
Vaste sujet puisque les
liens du grand écrivain avec la Normandie (1) ont été tissés dans le bonheur mais
aussi et surtout dans le malheur et le deuil. S’il est vrai que les voyages de
la première période hugolienne sont des voyages de découverte, de rêveries et
de tension amoureuse (avec Juliette Drouet) placés sous le signe d’un
romantisme effréné, la mort de Léopoldine va entraîner le grand Hugo dans la
dépression d’abord et dans le culte du souvenir ensuite. Jamais, affirme le
conférencier, Victor Hugo ne s’est totalement remis de la mort de sa fille,
noyée accidentellement à Villequier (2). Il faut lire l’œuvre postérieure à ce
décès à l’aune de cette douleur incommensurable. Gérard Gengembre, grâce à des
détails infimes, explique comment Hugo a réussi, non pas une thérapie par l’écriture
ce qui serait impropre, mais une résurrection à la vie et à la société.
Autre brisure, autre défi
majeur pour Hugo : l’exil. Après avoir accusé Louis Napoléon de Haute
trahison, Victor Hugo quitte la France en 1852. Il ne la reverra que vingt ans plus
tard. A Jersey et Guernesey, les îles anglo-normandes, où il a trouvé refuge à
Hauteville House (3) Victor Hugo écrit ses chefs d’œuvres : les
Contemplations, les Misérables, la Légende des siècles…L’exil est pour le poète
le contexte «idéal» bien qu'obligé pour imaginer, inventer, se sublimer. Cet exil aura été pour
lui la grande période régénératrice, source de ses principales œuvres. En tout cas, Gérard
Gengembre le suggère, Hugo devient le plus grand écrivain français sinon le plus grand écrivain planétaire du 19e
siècle. Il n’avait, selon lui, qu’un
seul rival digne de ce nom : Napoléon !
La dernière Normandie de
Hugo sera celle de la vieillesse et des voyages d’agrément à
Veules-Les-Roses ; Il sera beaucoup moins prolifique sur le plan
littéraire mais cette Normandie-là lui rappellera ses amours avec Juliette
Drouet, sa confrontation avec l’océan et l’infini, sa proximité avec les
travailleurs de la mer. Il retournera à quelques reprises à Guernesey avant de
mourir en 1885. Son nom restera comme celui de l’un des géants de la littérature
mondiale sans oublier son messianisme politique et sa rhétorique incomparable.
Enfin, s’il ne fallait lire qu’une œuvre de Hugo, Gérard Gengembre, très
applaudi après sa conférence, plaiderait pour « les Misérables ». Jean Valjean
n’est-il pas mort d’amour ?
(1) Victor Hugo a dîné au Mouton d'argent avec Juliette Drouet à Louviers en 1834. Il lui a en a coûté 6,70 francs. Une somme rondelette pour l'époque.
(2) Plusieurs membres de la famille Hugo sont enterrés dans le cimetière de Villequier (76).
)
(3) Hauteville House
appartient à la ville de Paris et bénéficie d’un statut d’extra-territorialité.
Les billets du musée sont libellés en Français.
Demain, dès l'aube...
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo en hommage à Léopoldine