30 août 2014

L'appel au rassemblement des 207 députés socialistes (« trouillards ») suivistes (1)


Benoit Hamon à Val-de-Reuil. (photo JCH)
Faut-il qu’ils aient la trouille de perdre leur mandat (les élections n’auront pourtant lieu qu’en 2017 sauf dissolution avant) pour que 207 députés socialistes acceptent de faire allégeance à Manuel Valls, François Hollande et le socialo-libéralisme incarné par le jeune et brillant énarque Emmanuel Macron. Ces 200 députés ont en effet apposé leur signature au bas d’un parchemin dans lequel ils appellent leurs camarades «frondeurs» à l’unité et au rassemblement derrière le panache blanc du Premier ministre. Même si l’appel date un peu (des députés sont même devenus ministres !) son objectif reste actuel.
Ce pied de nez à Arnaud Montebourg, Benoit Hamon et quelques autres est quand même la marque d’une certaine fébrilité. Si les majoritaires étaient sûrs de leur fait, auraient-ils besoin de témoigner publiquement de leur soutien à l’égard du nouveau gouvernement ? Il est vrai que ceux qui prendront le temps (comme je l’ai fait) de lire la liste des 207 députés (hommes et femmes) signataires seront peut-être étonnés de découvrir les noms de parlementaires aussi différents que d’anciens mitterrandiens, des ex-rocardiens, d’autres plus jospiniens qu’Hollandais, d’autres encore plus Fabiusiens qu’Aubrystes. Sans oublier les vallsiens, nouvelle race de socialistes ayant atteint le score de 5,7 % des voix lors de la primaire socialiste.
A cette époque, tout était dit par Manuel Valls. Il n’avait pas encore fait sa déclaration d’amour au MEDEF mais il affirmait déjà la nécessité de détricoter le code du travail, de mettre de la flexibilité dans l’emploi, d’adapter les 35 heures par branche et par entreprise, de revoir certains droits sociaux, de modifier les régimes de retraite…le Valls ministre de l’Intérieur tenant discours ensuite sur les Roms aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Car cet homme-là ne murmure pas à celle des chevaux, il parle aux entrepreneurs, aux artisans, aux PME-PMI, au MEDEF, qui demain se targueront de voter à gauche pour un homme de droite.
Je blague. Car les électeurs de droite ne se trompent jamais de bulletin. Et les élus de droite jamais de politique. J’ai le souvenir, en particulier, d’un Edouard Balladur (très urbain et très courtois voire onctueux) faisant table rase de bien des mesures sociales acquises sous la gauche au pouvoir.
Les électeurs de gauche sont naïfs. Ils pensent même que des gouvernants de gauche vont faire une politique de gauche. Foin que de tout cela. Soyons modernes : tout cela, c’était billevesées et promesses de campagne. La mondialisation, le marché ouvert, les OGM, les gaz de schiste, voilà le nouvel ordre économique, l’ordre des destructeurs de la planète et de l’avenir de nos enfants ! La filière nucléaire, voilà le bonheur de l‘humanité ! Emmanuel Macron, dans un entretien au journal le Point affirme même que les vieilles idées de la gauche « sont des étoiles mortes ». Franchement, il aurait été dommage de se priver d’un tel ministre féru d’astronomie. J’ai ouï dire, pourtant, que les supernovae explosaient plus vite et plus fort que les bonnes vieilles étoiles de notre bon vieux système…
(1) Trouillard est excessif. Suiviste convient mieux.

28 août 2014

Christine Lagarde mise en examen pour « négligence » dans l'affaire de l'arbitrage Tapie


Christine Lagarde, directrice générale du FMI, à la tête d’une institution importante pour la stabilité financière des états, a été mise en examen, hier, par la chambre d’instruction de la Cour de justice de la République. Après quatre auditions de plusieurs heures s’échelonnant sur plusieurs semaines, les magistrats professionnels issus de la Cour de Cassation, de la Cour des Comptes, notamment, sont arrivés à la conclusion que Mme Lagarde s’était montrée « négligente » dans l’affaire de l’arbitrage dont a bénéficié Bernard Tapie.
L’ancien homme d’affaires (dans tous les sens du terme) ancien ministre de François Mitterrand, ancien président de l’OM, ancien soutien de Nicolas Sarkozy, ancien taulard pour match truqué, devenu patron de presse, s’est vu attribuer par un collège privé d’arbitres (1) une somme d’argent supérieure à 400 millions d’euros dans l’affaire de la revente d’Adidas au Crédit Lyonnais. L’arbitrage, très utilisé dans les affaires privées, l’est plus rarement quand il s’agit d’argent public.
Il s’agit d’une pratique ancienne, dont Christine Lagarde, ex-responsable d’un grand cabinet d’avocats américain, en connaissait les avantages mais peut-être moins les inconvénients. Les magistrats instructeurs lui reprochent essentiellement de ne pas avoir contesté la décision des arbitres visant à attribuer à Bernard Tapie la somme rondelette déjà citée et surtout de l’avoir fait bénéficier d’un préjudice moral de plus de 40 millions d’euros, somme extravagante aux yeux des experts et bons connaisseurs du dossier.
J’avoue que le terme de « négligence » prête à confusion. Il peut, en effet, s’agir d’une peccadille, d’une absence d’action ou, au sens juridique du terme, d’un acte non accompli alors que tout penchait pour sa réalisation. Il s'agirait en quelque sorte d'une faute professionnelle. Mais si Mme Lagarde n’a pas contesté l’arbitrage dans les délais impartis, c’est tout simplement parce qu’elle a obéi à Nicolas Sarkozy lequel voulait clore le dossier Tapie-Crédit Lyonnais à l’avantage de celui qui avait appelé à voter pour lui…mais sur le dos des contribuables français.
Dans l’affaire Tapie, d’autres intervenants, non ministres, seront comptables de leur comportement devant la justice ordinaire. Mme Lagarde bénéficie, elle, d’un privilège de juridiction comme ancienne ministre et la sanction qu’elle encourt (un an de prison, 15 000 euros d’amende) ne lui sera évidemment jamais opposée puisque les juges de la Cour de justice de la République sont majoritairement des parlementaires et qu’une solidarité non écrite jouera en sa faveur si, un jour, procès il y a.
En attendant, Mme Lagarde continue d’occuper sa fonction à Washington, où le conseil d’administration du FMI ne tardera pas à lui renouveler sa confiance.
(1) les arbitres : Pierre Estoup, Pierre Mazeaux, Jean-Denis Bredin. Pierre Estoup semble être l’auteur de la sentence arbitrale.

26 août 2014

Donner la parole au peuple ? Même (et surtout) quand il est en colère ?


N’est pas de Gaulle qui veut. Et encore moins Mendès France ! Le premier, mis en minorité par le suffrage universel a démissionné de toutes ses fonctions « à midi » et le second est allé le plus loin possible dans l’application des promesses faites lors de son investiture avant d’être balayé par une majorité de circonstance trop heureuse de se débarrasser de l’homme du calendrier et de la vérité. On va donc voir, dans l’épreuve, comment notre actuel président réagit face à l’adversité.
La crise politique qui frappe François Hollande et le Premier ministre n’est pas une anecdote. Elle va déboucher sur une crise de la majorité de gauche. Après avoir perdu (provisoirement ?) des ministres écologistes et le soutien des communistes, être menacé par le refus du PRG de voter la réforme territoriale, François Hollande devient de plus en plus nu. Et cela va se voir à l’Assemblée nationale où nombre de députés socialistes s’opposent ouvertement à la ligne politique choisie par le couple à la tête de l’exécutif.
Y a-t-il aujourd’hui une majorité absolue — ou relative — à gauche pour voter le pacte de responsabilité et ses conséquences budgétaires ? Telle est la question que pose la nomination d’un gouvernement Valls 2. On saura très bientôt si la majorité de gauche existe encore.
Si elle n’existe pas, quels sont les choix possibles pour François Hollande ?
Changer de politique ? Ce serait l’aveu absolu de l’échec de ses orientations. Changer de majorité ? Aucun centriste n’acceptera d’entrer dans un gouvernement Hollande. Dissoudre l’Assemblée nationale ? Ce serait l’assurance d’une défaite encore plus historique que celle de 1993 où une soixantaine seulement de rescapés PS étaient revenus au Palais Bourbon. Démissionner de la présidence ? Ce serait couler la gauche pour des décennies.
Bientôt à mi-mandat, François Hollande va peut-être se voir obligé de consulter, d’une manière ou d’une autre les Français. Les municipales et les européennes ont été des indicateurs redoutables pour la gauche. Elle est devenue faible, émiettée, et tout cela au bénéfice du Front national ! Les sénatoriales étant perdues d’avance, seule une consultation directe des électeurs(trices) pourrait offrir au président l’occasion de durer. S’il fait comme de Gaulle et imagine un référendum institutionnel, il prendra une pâtée. Reste à gagner du temps et c’est ce que François Hollande sait le mieux faire. Attendre que les événements s’arrangent et que la pluie cesse de tomber. Cela nous éviterait l’image ridicule de ce discours sur l’île de Sein par un homme trempé jusqu’aux os, les lunettes embuées…à moins que le président ait un côté maso à découvrir.

25 août 2014

Tristesse et colère après la mort d'un expulsé algérien


« La Ligue des droits de l'Homme tient à exprimer sa plus vive indignation et sa colère suite au décès, intervenu le 21 août dernier, de M. Abdelhak Goradia, « par asphyxie et régurgitation gastrique » d'après les conclusions de l'autopsie, sur le trajet du centre de rétention de Vincennes vers l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en vue de son expulsion vers l'Algérie.
Jamais une mesure d’expulsion ne devrait se conclure par la mort d’un homme et ceci engage la responsabilité des policiers mais aussi la responsabilité d’une autorité politique qui, de gouvernement en gouvernement, finit par considérer la mort d’un étranger comme une inévitable bavure collatérale.
La Ligue des droits de l'Homme rappelle son opposition à cette politique et aux centres de rétention administrative. Elle appelle à l’organisation d’un grand débat national sur la question de l’immigration et des lois qui l’encadrent, dont celles sur le droit au séjour.
La Ligue des droits de l'Homme demande la vérité quant aux causes et responsabilités de ce décès et s'associera aux initiatives qui pourront être prises en hommage à M. Goradia. »
(Communiqué de la LDH)

Qui remplacera Arnaud Montebourg au ministère de l'économie ?


Benoit Hamon est plus à l'aise avec les syndicalistes qu'au gouvernement. (photo Jean-Charles Houel)
Arnaud Montebourg joue sur les mots et fait preuve d’une belle hypocrisie. En affirmant, ce matin, que les choix économiques du gouvernement ne sont pas figés et que par conséquent on est encore au stade du débat, le ministre de l’économie sait bien qu’il abuse du pouvoir de la parole et qu’il ne dit pas la vérité.
Vérité de gouvernement s’entend puisque le pacte de solidarité et de responsabilité démontre s’il en était besoin après le satisfecit public de M. Gattaz, chef du MEDEF, que la politique de l’offre défendu par le couple Hollande-Valls est inscrite dans le marbre pour les trois ans qui viennent. Arnaud Montebourg et Benoit Hamon, sauf à baisser pavillon et à renoncer à leurs convictions, ne peuvent demeurer plus longtemps dans une équipe dont la stratégie ne répond plus à leur vision de la situation économique et dont la politique n’est plus conforme aux solutions qu’ils préconisent.
A quoi peut bien servir la fronde du couple Montebourg-Hamon dont Manuel Valls assure que l’ancien ministre du redressement productif a franchi la ligne jaune ? Arnaud Montebourg est suffisamment fin et intelligent pour savoir qu’il ne pourra demeurer à la place qu’il occupe en maintenant le discours qu’il tient sur les tribunes. Ce défi à l’autorité du Premier ministre et aux orientations de François Hollande va aboutir à un clash (1) dont l’issue ne fait aucun doute. Arnaud Montebourg va retrouver sa circonscription où il pourra organiser son mouvement en vue du prochain congrès du PS et des futures échéances. Arnaud Montebourg a compris que le départ de l’avant scène de Jean-Luc Mélenchon et la cacophonie des Verts lui donnaient une ouverture pour récupérer des électeurs(trices) en déshérence. Il ne veut plus attendre. Pour lui le moment d’agir est venu.
Comme l’Allemagne, d’après nombre de spécialistes économiques, n’est pas disposée à relancer l’économie européenne, tournée qu’elle serait vers l’Asie et l’Amérique, Arnaud Montebourg a beau jeu de contester la position de force d’Angela Merkel et de refuser les sacrifices engendrés par la politique monétaire de la BCE et celle des déficits publics interdits. Depuis plus de deux ans, en effet, on ne voit pas bien quels résultats positifs pour la France, cette austérité a suscités. Que ce soit en Grèce, en Espagne, en Italie ou en France. Le chômage continue de grossir, la croissance y est nulle, l’investissement productif à l’arrêt…et politiquement le bilan est ravageur.
Une fois acté (quand ?) le départ d’Arnaud Montebourg posera plus de questions qu’il n’apportera de solutions. Il était un poids lourd du gouvernement. Un pilier. Par qui le remplacer ?
(1) Selon la formule célèbre : « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne. »

24 août 2014

La création durable de « Nouvelle donne » est malheureusement vouée à l'échec


Cynthia Fleury (photo AFP)
En politique aujourd’hui en France, le choix est malheureusement binaire : il y a ceux qui veulent faire carrière, être élus, militer au sein des partis de gouvernement et d’autres dont le principal objectif est de contribuer au débat des idées et de faire des propositions. La gauche marche comme ça depuis longtemps. Un grand pied avec le PS et ses alliés (Verts, PRG et PCF quand le soleil brille) et des petits pieds avec une constellation de groupuscules, micro partis, de think thanks toujours prêts à dénoncer les compromis inévitables en démocratie ou la collaboration de classe destinée à éviter la guerre civile mais disposés à présenter des options programmatiques inventives. Les premiers ont vocation à gouverner, les autres à se contenter de crier dans la rue ou devant les micros ou encore à tenter l’impossible.
Il en ira ainsi avec « Nouvelle donne » qui réunit ses adhérents ce week-end. Créé il y a quelques mois à l’initiative de Pierre Larrouturou, ancien adhérent du PS et de EELV, ce mouvement économiste iconoclaste a incontestablement sa place dans le grand débat actuel : union européenne, euro, austérité, pouvoir d’achat, offre et demande…il a été rejoint par des figures plus médiatiques que politiques tels que Patrick Pelloux, la diva des médecins urgentistes, Bruno Gaccio, l’ancien Guignol de Canal Plus et, ce qui me paraît plus surprenant, Cynthia Fleury, une philosophe présente de temps à autre, sur les plateaux de C dans l’air, l’émission animée par Yves Calvi.
Je dois le confesser, j’ai un faible pour Cynthia Fleury. Elle parle juste, clair, sereinement. Elle n’exprime pas ces jugements à l’emporte-pièce des nombreux habitués du plateau télé de la Cinq. Et surtout, elle ne se répète pas. Sans doute est-ce là la marque d’un esprit ouvert, cultivé, et d’une vive intelligence. Mais franchement, je me demande bien ce que vient faire cette belle personne dans un parti politique forcément ultra minoritaire et appelé à le demeurer.
La tentative dissidente de Jean-Luc Mélenchon et l’aveu de son échec électoral devraient faire réfléchir les amateurs de nouveaux partis à gauche. Non pas qu’il faille béatement accepter tout ce que fait et propose le PS (Montebourg et Hamon en sont la preuve) mais les institutions et le mode de scrutin de la 5e République, tant qu’ils existent, obligent à constituer des coalitions. Juppé a compris que l’union de l’UMP avec le Centre était nécessaire, les Verts, le PRG et le PCF ont été contraints, bien souvent, de s’unir au PS face à la terrible contrainte du scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Tant que la Constitution sera ce qu’elle est, toute velléité de lancement de nouveau parti capotera.