29 mars 2019

Bruno Putzulu a joué Cavanna au Moulin de Louviers. On est toujours le Rital ou l'Arabe de quelqu'un


Bruno Putzulu interprète fidèle et drôle de Cavanna. ©Jean-Charles Houel
Le père ? Une chemise bleue. La mère ? Une table recouverte d'une nappe en plastique et quelques  chaises de cuisine. L’histoire ? Celle de l'enfance de François Cavanna, narrée dans son beau livre « les Ritals », mise en scène par Mario Putzulu et jouée par Bruno, son frère, comédien français qui n’oublie rien de son origine sarde. C’est toujours grand bonheur d’entendre la langue italienne, de voir mimer les gestes, de ressentir les colères ou les amours de nos  amis transalpins à condition que les sons ne sortent pas de la bouche d’un Salvini dont je me demanderai toujours comment cet homme-là, avec cette vulgarité-là, ces idées-là a pu arriver au pouvoir dans un pays si beau, si cultivé, si civilisé.

Pour regarder, entendre, apprécier « Les Ritals » la salle du Moulin à Louviers était pleine hier soir d’un public pas trop jeune, avide de se souvenir qu’être Italien en France, dans les années quarante n’était pas forcément une sinécure. A cette époque là aussi, l’arrivée de l’étranger dérangeait. Qu’il soit « macaroni » ou « espingouin » qu’il fuie le fascisme à la mode Mussolini ou à la mode Franco, l’immigré des années quarante s’installe en France pour fuir une misère absolue, travailler dur, bâtir des maisons et des vies durables.

Les enfants ! François Cavanna est un enfant unique. Il habite dans la rue Sainte-Anne à Nogent-sur-Marne. C’est là qu’il connaît la vie la plus merveilleuse qu’un enfant puisse connaître auprès de parents attentifs. Choyé, adulé, adoré, François Cavanna a raconté cette aventure de « Ritals » en pays de France. Ses camarades, ritals comme lui, sa scolarité à l’école primaire ou l’école primaire supérieure. Il y excellait. Ses visites régulières à la bibliothèque municipale de Nogent où sa culture s’étend et se vivifie. Cavanna raconte avec force détails, tantôt comiques, tantôt sensibles sa première aventure sexuelle au Bordel avec un numéro exceptionnel de Bruno Putzulu : le comédien exprime si bien la timidité, le désir ardent, les maladresses de « puceau » qui le font devenir « un homme » grâce aux soins d’une « dame » compréhensive.

L’accordéon. N’oublions pas l’accordéon. Plus qu’un bruit de fond. Grégory Daltin (de Trévise) le second personnage de la pièce, sort des sons magnifiques de son instrument. Quand on connaît Nino Rotta ou Enio Morricone, on mesure bien l’importance de la musique pour les familles italiennes et pour Cavanna en particulier. D’ailleurs, ce dernier demeure un des rares auteurs à sublimer le rôle d’un instrument dans l’accompagnement d’une vie heureuse, complète, la tête tournée vers les étoiles.

Comment oublier enfin d’évoquer le noyau de pêche, ce symbole de grandeur et d’avenir pour le père de Cavanna ! Quand surgiront les passions tristes et la xénophobie ordinaire, les arbres, assure-t-il, se dresseront devant les totalitaires pour défendre les droits de l’homme, l’écologie, le féminisme et aujourd’hui, la planète terre. « Les Ritals veut être, dans une période brumeuse comme celle que nous vivons, le geste fraternel d’un grand écrivain à l’égard de ceux que la misère des temps condamne à chercher leur pain dans l’exil » (Rocco Femia, producteur).

26 mars 2019

Le président Emmanuel Macron, un donneur de leçon arrogant et méprisant


La manifestation était interdite à cet endroit-là, soit. Les sommations d’usage des forces de police ont été faites dans les règles, soit encore. Mais à Nice, samedi, qui hissait les drapeaux et pour quels mots d’ordre ? Ni black blocks, ni gilets jaunes radicaux. Seulement des militants d’ATTAC et de groupes humanitaires et solidaires. Alors, c’est clair : la charge des CRS était totalement inadaptée à la situation. Aucun bien, aucun bâtiment public n'allait être endommagé, aucune personne ne courrait de danger. 

Une militante d’ATTC, âgée de 73 ans, filmée en bonne forme avant d’être bousculée (1) s’est retrouvée à terre après une charge des CRS victime de plusieurs fractures dont une du crâne. Le procureur de la République de Nice a ouvert une enquête préliminaire, fait saisir les bandes de la vidéosurveillance, et la famille de la septuagénaire a porté plainte contre le préfet et contre X pour violences volontaires et surbornation de témoins. Des policiers, selon la fille de la blessée, auraient insisté auprès d’elle pour qu’elle accuse un cadreur parti prenante de la bousculade. Le procureur a d’ores et déjà déclaré que la lecture des bandes exonéraient les policiers…

Affirmation reprise par le Président de la République qui, fidèle à sa parole « libérée » s’est distingué en souhaitant un prompt rétablissement à la blessée et en lui administrant une leçon de prudence et de sagesse sur le thème : « A cet âge là, on reste à la maison pour ne pas être prise dans une bousculade sur une place interdite. » Primo, les manifestations de rues ne font l’objet d’aucune limite d’âge. Secundo, les militant(e)s d’ATTAC ont l’habitude de distribuer leurs tracts d’information dans les rues des villes et de manifester quand l’actualité le commande. Toujours avec pacifisme. Mme Geneviève Legay avait l’expérience de ces appels citoyens. Elle n’ignorait pas, sans doute, l’interdiction de manifester mais avait décidé de braver ce qui lui paraît être une atteinte aux droits fondamentaux. A Nice, j’aurais pu être à ses côtés sans pourtant vouloir casser du flic ou m’en prendre aux vitrines des commerces. La démocratie c’est aussi la possibilité de faire connaître ses opinions et ses points de vue sur la place publique. Il semble que les temps changent mais pas trop car, comme disait Pascal « comme on a pu faire que ce qui fut juste fut fort, on a fait que ce qui fut fort fut juste ! »

Je condamne sans hésitation les propos du président de la République. Il peut avoir raison juridiquement et tort politiquement et moralement. En contraignant ses soutiens à pédaler dans la choucroute visant à justifier l’injustifiable, Emmanuel Macron fait une nouvelle fois preuve d’arrogance, de mépris. Son rôle n’est pourtant pas celui-là. Là où il est, il se doit de calmer les excès, de chercher des compromis et des accords avec ceux qui tiennent la rue depuis le 17 novembre. Le grand débat a été un grand déballage. Il est plus que temps que le président remette de l’ordre dans ses idées et ses choix politiques.

(1) D'après les déclarations du procureur de la République, trois personnes sont susceptibles d'être celle ou celui à l'origine de la chute de Mme Legay. Et pas des policiers.

25 mars 2019

La mort de Christian Lafenêtre, ancien conseiller municipal de Louviers, nous rend très triste

Christian Lafenêtre en 1977. ©JCH
La mort de Christian Lafenêtre, à l’âge de 77 ans, nous rend triste. Très triste. Christian, au delà des responsabilités éminentes qu’il remplit avec compétence et sérieux au sein  du groupe La Poste pendant toute sa vie, fut le symbole même de l’homme au courage moral et aux convictions inébranlables. Chacun se souvient de sa bonhomie, de son goût pour la blague mi-chou mi-chèvre, de ses élans tempétueux lors des mémorables campagnes électorales municipales des années soixante dix et quatre-vingt. Pendant toutes ces années, il accompagna le Dr Ernest Martin, maire de 1965 à 1969 puis adjoint d’Henri Fromentin, de 1976 à 1983.
Christian était un pilier du CAG (Comité d’action de gauche) où il étalait sans modération son talent pour la polémique, la défense de ses idées « anar » (et sans violence) son aversion pour les partis politiques — fussent ils de gauche — dans lesquels il voyait toujours la voie de la trahison. Son rôle dans les campagnes électorales fut essentiel pour analyser les documents budgétaires et financiers. Et aussi pour préparer les budgets de l’exécutif local à une époque où la tutelle préfectorale ne laissait rien passer contraignant les communes à présenter des propositions sincères et véritables.
Christian, et c’était sans doute dû à son attachement originel à la Poste, était un ardent défenseur du service public. A louviers on était servi puisque la politique municipale reposait justement sur le développement de ces services au bénéfice des plus jeunes mais également des travailleurs que la mairie aida en maintes occasions et notamment en mai 1968 ou lors de conflits sociaux plus tard chez Wonder par exemple.
J’ai le souvenir qu’en 1976, pendant l’été, il fallut compléter le conseil municipal d’un siège pour pouvoir élire le maire. Au sein du CAG, deux candidats postulèrent : Patrice Yung, qui fit le chemin que l’on sait, et Christian Lafenêtre. Battu par la majorité des militants malgré de très bons arguments techniques et surtout politiques, Christian n’en continua pas moins à agir et à devenir conseiller municipal lors des élections générales de 1977. Pendant les six ans du mandat de la municipalité dite « autogestionnaire », Christian Lafenêtre soutint sans relâche les choix du maire, Henri Fromentin, et des adjoints dont Ernest Martin. Bienveillant, attentif à la situation financière de la ville, ses conseils avisés furent souvent suivis. 
Sur le plan privé, il était ce qu’on appelle un bon père de famille, aimant et indulgent. Il mettait en pratique ce que Courbet nous avait enseigné : « Les enfants n’appartiennent à personne. Ils n’appartiennent qu’à leur future liberté. »
Les obsèques de notre ami et camarade Christian auront lieu le jeudi 28 mars à 14 heures à l’église Notre Dame de Louviers. J’invite ses amis du CAG et ceux qui l’ont apprécié à y saluer une dernière fois celui qui avait érigé en dogme un mot d’ordre aussi charnel que provocateur (1) que la bienséance m’interdit de reproduire ici. Et tout le monde éclatait de rire !
(1) Mot d’ordre reproduit dans le livre d’Hélène Hatzfeld : « La politique à la ville, inventions citoyennes à Louviers (1965-1983). Editions Presses universitaires de Rennes.

Fausses nouvelles et « vérités alternatives » risquent de polluer la campagne électorale des Européennes


Ariane Chemin, du « Monde » en passeuse passionnée de savoirs. ©JCH
Le débat organisé à Val-de-Reuil après le forum sur l’éducation et la formation aux médias a, une fois de plus, tourné autour des gilets jaunes et de leur propension à rejeter journaux et journalistes à l’image des Français qui, de plus en plus, font de moins confiance à la presse écrite ou autre. Il est vrai que les jeunes, notamment, utilisent leurs réseaux facebook ou leurs applications personnelles pour savoir ce qu’il se passe en France et dans le monde. Mais les informations qu’ils lisent sont souvent biaisées par les affinités ou préférences des groupes qui les composent. Si on s’attend à lire ce qu’on attend de lire, on ne risque pas d’être confronté à des contradictions, des incohérences ou pire, des fausses nouvelles ou des thèses complotistes sans être capables de les remettre en cause.

L’éducation aux médias — et on peut faire confiance aux enseignants du service public pour cela — passe par un accès aux divers canaux d’informations et un pluralisme de titres et d’opinions. Il faut, par exemple, lire « Le Monde » et « le Figaro », un journal de centre-gauche et un journal de droite pour prendre connaissance de commentaires sur des faits qui devraient être incontestables dans leur réalité. C’est là que le bât blesse. Car l’invention des vérités alternatives met à mal la vérité des faits, base indispensable à une discussion contradictoire cohérente. Voilà pourquoi un grand nombre de journaux et de chaînes, au delà des sites spécialisés, ont créé des services de décodage et de vérification permettant de corriger les erreurs involontaires ou les affirmations mensongères de la part des politiques, notamment, ou des « intellectuels » engagés à droite…ou à gauche. Trump, Bolsonaro, Poutine, Orban, Marine Le Pen, et tant d’autres, sont des spécialistes des vérités alternatives. Dans leur bouche, elles ne sont rien d’autres que des opinions et des élucubrations idéologiques, visant à convaincre les auditeurs les plus influençables les moins éduqués. Il va de soi que plus vous êtes cultivés, plus vous possédez de savoirs, plus vos connaissances sont larges, moins vous aurez de chances de croire le premier bobard énoncé comme une vérité.

Chez les gilets jaunes, pour revenir à eux, le célèbre Maxime Nicolle est une caricature d’émetteur de fausses nouvelles. Il n’y a pas si longtemps, il a relayé des doutes sur l’attentat de Strasbourg (!) des contre-vérités sur le pacte de Marrakech tandis que le RN (ex-FN) divaguait sur le siège permanent de la France au conseil dé sécurité de l’ONU.

A la veille de la campagne électorale européenne, la vigilance s’impose. J’ai souvenir du débat d’entre deux tours de la présidentielle au cours duquel la candidate du FN avait perdu les pédales et raconté n’importe quoi sur bien des sujets. A l’époque elle voulait sortir de l’Euro et de l’union européenne ! Elle soutenait ardemment le Brexit ! Face aux énormes difficultés que rencontre Theresa May, on ne l’entend plus. Elle préfère faire coller des affiches sur « l’immigration massive », la tarte à la crème de l’extrême droite depuis que son père a inventé la recette. Sans oublier les interventions des Russes et des algorithmes américains…alors prudence.
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24 mars 2019

Plus d'un million de remainers (anti-Brexit) dans les rues de Londres pour un nouveau référendum


Et si Nelson manifestait lui aussi…©GH
Hier à Londres, une manifestation gigantesque s’est déroulée avec un seul thème : On veut revoter ! On veut un second référendum ». Plus d’un million de citoyens britanniques ont battu le pavé pour signifier à Theresa May, la première ministre, qu’ils n’étaient pas d’accord avec le projet élaboré pendant de longs et pénibles mois avec l’Union européenne. Cet accord, d’ailleurs rejeté à deux reprises par la chambre des Communes, est le seul susceptible de permettre une sortie ordonnée de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Mais les remainers (maintien dans l’Union) ne l’entendent pas de cette oreille.

Un sondage récent indique que 56 % des Britanniques (de 54 à 58 %) selon la marge d’erreur veulent rester dans l’Union européenne. Nombre d’entre eux insistent sur le fait que la campagne de 2016 a été mensongère (Farage et Johnson les ont trompés) et que par conséquent les résultats du vote ont été faussés. J’ai toujours dit et écrit que le référendum portait en lui une réponse trop simpliste pour être honnête. La démocratie directe engageant un pays entier et par voie de conséquence une Union entière ne peut satisfaire une pédagogie complexe, lente à expliquer, que la démocratie représentative remplit tant bien que mal. Et mieux en tout cas qu'une réponse par Oui ou par Non.

La date de sortie est fixée au 12 avril. Comment en un laps de temps aussi court, Theresa May va-t-elle pouvoir se sortir du pétrin dans lequel elle a plongé le pays. La pétition mise en ligne sur le site du Parlement britannique a recueilli en quelques jours plusieurs millions de signatures. Les signataires veulent un nouveau vote et bien malin qui connait le sort réservé aux Britanniques dont la monnaie, la Livre, a chuté depuis des mois et dont l’économie s’essouffle avant peut-être de collapser.
 J’ai la chance d’avoir un membre de famille domicilié à Londres. Il a suivi avec attention la manifestation d’hier et m’a fait parvenir quelques clichés dont je le remercie. 

https://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-47678763
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