3 octobre 2020

Le Manoir de Bigards risque de tomber dans les mains du secteur privé

Philippe Brun et Diego Ortega, avec leurs collègues conseillers municipaux de l’opposition, viennent d’expérimenter le rôle ô combien difficile qui est le leur. Car l’atout maître de la majorité, c’est l’information et la connaissance des dossiers. Et surtout le choix de rendre publiques, ou non, les raisons qui aboutissent aux propositions soumises à l’approbation des conseillers municipaux. François-Xavier Priollaud, le maire, a compris qu’il avait face à lui des hommes et des femmes ayant jeté le passé et la rancune à la rivière et décidé à mener les combats qu’ils et elles jugent légitimes avec une méthode nouvelle : présenter des projets alternatifs à ceux de la majorité. Pour être efficace et comprise, l’opposition ne peut argumenter sur du sable. En la privant d’informations, M. Priollaud compte désamorcer un pétard qu’il voudrait mouillé.
Il en est ainsi du dossier Manoir de Bigards. Ce manoir, acheté par la municipalité d’Ernest Martin, est donc entré dans le domaine communal il y a plusieurs décennies. Il a servi à maints usages. Ateliers d’expression libre, salles de réunions accordées aux groupes politiques, Maison de la justice et du droit…et un jardin (dont on pense ce que l’on veut) a été réalisé sous une municipalité antérieure. Il reste que de l’argent public a été dépensé pour l’entretien et la sauvegarde des bâtiments. Le maire et sa majorité veulent vendre à un privé ce manoir et les terrains annexes. Comme elle a vendu l’espace Condorcet (ancienne banque de France) la municipalité actuelle propose la cession du Manoir de Bigards avec l’objectif d’en faire un hôtel de prestige. Dans le contexte économique actuel — il risque de durer longtemps — je souhaite bien du plaisir au repreneur sauf, bien évidemment, s’il acquiert pour une bouchée de pain cette propriété communale admirablement située en centre-ville. Lors de la dernière séance du conseil municipal, Philippe Brun et ses collègues ont demandé au maire la possibilité de consulter les cinq études financières réalisées dans le cadre d’une restauration sous l’égide de la municipalité. Le maire a refusé de leur communiquer ces études. Au-delà du geste lui-même qui entraînera sans doute une réaction de ses opposants, M. Priollaud, par son refus, fait acte de faiblesse. En quoi la consultation par l’opposition des études réalisées serait-elle un danger pour lui ? Si son choix est judicieux, il n’aura rien à craindre. De même, l’opposition, si elle est correctement informée, pourra argumenter à armes égales et les Lovériens seront juges des qualités et des défauts des différents projets. Je sais, pour avoir été un soutien de majorités et d’oppositions combien les rôles sont différents. N’est-ce pas l’occasion justement de réinventer la fonction des uns et des autres ? La démocratie et la transparence y gagneraient. La qualité du débat également.

2 octobre 2020

Au Sénat la gauche est condamnée à l'opposition pour toujours

Durant toute ma vie d’électeur, je n’ai pas eu de remords dans les votes qui ont été les miens jusqu’à aujourd’hui. Certes, il m’a fallu souvent faire un choix « contre » plutôt que « pour » mais comme j’ai toujours privilégié mes principes à ceux et celles qui étaient sensés les incarner, je n’ai pas à rougir de mes votes. J’ai quand même un regret. En 1969, le général de Gaulle a proposé un référendum visant à supprimer le Sénat dans sa forme actuelle. On sortait de mai 68, le général incarnait une forme désuète de la pratique du pouvoir mais avait largement triomphé aux élections législatives et une majorité pléthorique le soutenait. La Gauche était encore à la recherche d’une union, le parti communiste dominait de la tête et des épaules la gauche socialiste et radicale. A droite, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Du moins apparemment. La proposition de référendum devait permettre au général de reprendre la main. Nenni. Ce fut l’occasion pour les centristes de se singulariser et de dire non au général comme le proposaient tous les opposants, dont Jean Lecanuet et Valéry Giscard d’Estaing. Un tremblement de terre politique allait s’en suivre. Fidèle à lui-même, le général avait prévenu. Si le non l’emporte avait-il affirmé, « je cesserais à midi (lundi) d’exercer mes fonctions. » Alain Poher, devenait ainsi président de la République par intérim. J’ai voté « non » comme beaucoup à gauche dont les représentants préconisaient de voter contre le général. Mais avait-on assez réfléchi ? Avait-on mesuré que la seconde chambre du Parlement allait être dominée ad vitam aeternam par la droite et qu’ainsi, quelle que soit la majorité dans le pays « réel » comme disent les populistes, ce sénat allait donner du fil à retordre à tous les gouvernements même quand ils étaient de couleur bleu…la couleur préférée de la droite française. En disant non au général, nous n’avons pas répondu à la question posée. N’avons-nous pas raté une belle occasion de remettre en cause ce bicamérisme et donc l’existence du sénat où l’alternance (sauf exception de 2014 à 2017) est quasi impossible ? Le Sénat, sur le papier, est le représentant des territoires. Ces territoires où les villes, les agglomérations et les métropoles sont sous-représentées au bénéfice des territoires ruraux puisque l’immense majorité des électeurs et des électrices sont des élu(e)s des campagnes. Ce sont ceux et celles qui ont voté dimanche dernier. Et ces élu(e)s n’appartiennent pas souvent au camp que Pierre Mendès France appelait « le camp du progrès. » Ainsi, eu égard au système, la gauche a vocation à demeurer éternellement minoritaire au sénat — les résultats récents en sont encore la preuve — rendant compliquées voire impossibles les modifications constitutionnelles quand il ne s’agit pas des lois ordinaires. Pour échapper à la majorité des 2/3 des parlementaires, seul un référendum populaire peut pallier cet obstacle. Il est mal vu, encore aujourd’hui, de proposer la suppression du Sénat comme il est mal vu de remettre en cause l’existence des départements. Aucune majorité ne prendra le risque de proposer l’une ou l’autre. Et pourtant. Sans sous-estimer le rôle de contrôle des actes du gouvernement par les deux chambres, je crois avoir eu tort, en 1969, d’avoir répondu non à la question posée par le général de Gaulle. Le Sénat, tel que proposé par le chef de l’Etat d’alors, aurait été profondément modifié et les régions auraient vu le jour dès cette époque puisque la régionalisation était le second volet du référendum. Que de temps perdu et quelle occasion ratée ! L’élection de M. Gérard Larcher à la présidence du Sénat, sans opposant, ne fait que confirmer la domination d’un courant de pensée qui, sous des noms différents (LR, UDI, MODEM, RDSE, Nouveau centre etc…) défend peu ou prou la même politique. A l’Assemblée nationale, les clés du pouvoir sont dans les mains des représentants du peuple. Même si on n’apprécie pas toujours les résultats des législatives, ils s’imposent à tous et à toutes. Et l’alternance y est possible. Le Sénat, lui, demeurera encore longtemps une forteresse pour une droite indétronable.

30 septembre 2020

Biden OK, Trump KO

Les sondages effectués une heure après le débat de la nuit passée donnent Joe Biden nettement vainqueur de Trump par 60 % contre 28 % ! Alors que certains attendaient que le président sortant ne fasse qu’une bouchée du Démocrate, l’ancien vice-président de Barack Obama, malgré les insultes et les interruptions, est parvenu à exprimer ce qu’il veut pour l’Amérique. Trump est apparu fidèle à lui-même : fanfaron, hâbleur, menteur, peu enclin à entrer dans les détails de son projet encore très nébuleux. Il avait promis à ses troupes et aux mouvements intégristes d’extrême-droite une victoire par KO. Peine perdue ; Trump, à aucun moment, n’a été à la hauteur de sa fonction. Joe Biden a fait mieux que résister. Il a même promis de participer aux deux prochains débats télévisés alors que son entourage s’interrogeait sur sa présence. Des débats comme celui-là ne le feront peut-être pas gagner, en tout cas, ils ne le feront pas perdre. Il faut espérer, pour les habitants des Etats-Unis, d’abord et pour le monde entier ensuite, que Biden sortira vainqueur de son duel final le 3 novembre prochain. Son élection permettrait le retour des USA dans le concert des nations, à l’ONU et dans les instances internationales que Trump a torpillées constamment. Prenons un exemple : l’accord de Paris sur le climat. Trump nie le réchauffement climatique. Il va jusqu’à assurer aux élus de Californie que le froid va bientôt arriver pour mettre fin aux incendies qui, depuis des semaines, ravagent cet état et font de nombreuses victimes. Cette affirmation rejoint les bêtises du président américain actuel quand il proposait il y a encore peu de temps aux malades de la COVID-19 de se soigner à l’eau de javel. Que 40 % des électeurs (trices) américain(e)s soutiennent encore ce psychopathe pervers narcissique, cela les regarde. Ils ne devraient pourtant pas oublier que l’homme aux 750 dollars d’impôts par an a tiré toutes les ficelles fiscales possibles pour passer au travers des gouttes imposables. 70 000 dollars de coiffeur, des dizaines de milliers de dollars pour l’argenterie et le linge de la résidence de Mar el lago en Floride… le New York Times a sorti fort à propos les frasques du contribuable Trump. Ce dernier ne contribue pas beaucoup au pot commun. Biden a bien fait de faire imprimer ce slogan valable pour la quasi totalité des contribuables américains : « je paie plus d’impôts que Trump ». Vous me direz, c’est normal. Un homme qui ne vit que pour « dealer » pense, agit, se comporte en dealer. Interpellé par Hillary Clinton sur sa feuille d’impôt supposée, Trump avait répondu « qu’il était malin. » Plus malin que les autres, voulait-il signifier. Qu’importe. Ses tweets provocateurs n’auront jamais le même poids qu’une enquête journalistique de plusieurs années à laquelle il ne peut répondre que « fake news. (1) » Sauf que les preuves sont publiées, étayées, visibles par tous. Trump est nu. Pour ne pas dire nul. La leçon de ce débat est valable en France. Quand ils ont face à eux des hommes et des femmes préparées, les populistes ne font pas le poids. Ces derniers marchent au simplisme, au « bon sens » comme dirait Dupont-Aignan qu’on a vu plus souvent couché que debout. Marine Le Pen voulait même en faire son premier ministre. J’ose à peine imaginer l’état d’une France façonnée par ces histrions trumpistes. (1) Fausses nouvelles. A ce propos le Washington poste a recensé les mensonges de Trump. Ses journalistes en ont comptabilisé plus de 20 000 en quatre ans !

29 septembre 2020

Pour Hervé Morin, président de la région Normandie, l'information des citoyens ne compte pas

Je suis actuellement dans une région de France autre que la Normandie. J’ai sous les yeux le journal mensuel du conseil régional. Les responsables de la publication (des élus de droite) veillent à permettre à tous les groupes politiques de s’exprimer — ils sont six — mais le plus important est que ce journal fourmille d’informations dans tous les domaines de compétences de l’assemblée régionale. Ces compétences, depuis l’adoption de la loi sur les territoires, sont évidemment très importantes pour la vie quotidienne des habitants. Elles concernent aussi bien les lycées que le développement économique et l’emploi, les transports (routiers et ferroviaires) la transition écologique et les contrats de plans passés avec les métropoles et les communautés d’agglomérations, sans oublier toutes les actions entreprises pour protéger la population de la Covid-19. En période de crise sanitaire, l’intérêt des efforts de toutes les collectivités réside dans une mutualisation des actions. Le soutien à l’emploi et aux entreprises, en plus des programmes de l’état, doit se traduire par des aides massives en faveur de la relocalisation des activités et la protection des PME-PMI les plus sévèrement touchées par la crise. Les articles du journal que je lis expliquent aux habitants de la région le pourquoi du comment des sommes engagées et justifient les choix opérés. En Normandie, nous n’avons pas cette chance. Le président de la région (cinq départements) M. Hervé Morin, a décidé, dès sa prise de fonction, que les habitants seraient privés d’un journal qui avait, lors des gestions précédentes, « imprimé » sa marque auprès des habitants. Depuis cinq ans, donc, nous ne disposons d’aucune information relative aux décisions et investissements décidés à Caen ou à Rouen, les deux capitales régionales. La presse (quotidiens et hebdomadaires) assez riche en Normandie, ne suffit pas. Les réseaux sociaux non plus. On voit bien avec Trump combien ces canaux véhiculent de fausses nouvelles et de mensonges. Je considère donc qu’il est du devoir élémentaire des élus d’informer la population des actions engagées en son nom en utilisant des vecteurs responsables. L’élection d’une majorité ne lui donne pas tous les droits. C’est d’ailleurs à sa manière de traiter l’opposition qu’on juge sa capacité à faire vivre le contradictoire, le fondement même d’une vie démocratique transparente. En 2020, il existe des collectivités : la Région Normandie ou le département de l’Eure dont l’exécutif ne rend aucun compte de ses actions ou de ses projets. Hervé Morin trouve pourtant le temps de venir au Neubourg vanter les qualités littéraires d’un ouvrage sous son nom édité en 2019. Il devrait également se soucier des besoins d’informations de ceux et celles qui, l’an prochain, seront appelés à désigner leurs nouveaux (nouvelles) conseillers régionaux. Il est absolument inadmissible que pendant les cinq années de son mandat, M. Morin n’ait pas jugé utile de délivrer une seule information écrite et publique concernant la vie de notre région. M. Morin n’est pas seul. Il a autour de lui des vice-président(e)s doté(e)s de délégations. Ils (et elles) aimeraient peut-être défendre leurs propositions devant des citoyen(nes) dont le jugement sera décisif lors du vote. J’invite les élus de l’opposition (toutes tendances confondues) à interpeller sur ce sujet le président Morin lors d’une prochaine réunion du conseil régional. Sa réponse nous éclairerait.

28 septembre 2020

La République en marche trébuche aux sénatoriales dans l'Eure

La victoire de la droite, toutes tendances confondues aux sénatoriales dans l’Eure n’est pas une surprise. Le score de Sébastien Lecornu (LREM) est sans doute une déception pour une personnalité montante et qui espérait bien décrocher deux élus ! Comme M. Lecornu va conserver son poste de ministre, Mme Duranton se succédera à la elle-même sans assurance d’occuper son siège pour la durée légale du mandat. Hervé Maurey (LR), rusé et persévérant, est donc récompensé en gagnant l’élection pour lui-même et pour la fille du sénateur Pluchet, arrivée là plus sur son nom que pour son action locale. L’Eure est en effet un drôle de département. Les dynasties s’y développent depuis des décennies. On a eu les de Broglie, les Tomasini, n’en jetez plus ! Mairies, Parlement, on trouve un fils là, une fille là-bas, parfois le seul nom suffit pour tout brevet de civisme et d’engagement. Timour Veyri (PS) le candidat de la gauche unie (sans les écologistes) devra donc attendre des jours meilleurs pour décrocher un mandat sénatorial. Compte tenu du mode d’élection (second degré) et de l’origine essentiellement rurale des électeurs (trices) il faudrait un miracle pour que la gauche y retrouve ses petits. L’alternance sénatoriale n’a joué qu’une seule fois — nationalement — au cours des cinq décennies écoulées et ce n’est pas demain que la Haute Assemblée, comme on dit, acceptera de modifier un mode de scrutin qui bénéficie à la droite en permanence. Hier, Marie -Noëlle Lienemann, sénatrice non renouvelable, évoquait sur Public Sénat la nécessité de mieux représenter les villes et les métropoles pour atteindre un équilibre des territoires. Qui osera proposer une réforme nécessitant l’accord des deux chambres du Parlement ? On ne connaît pas de sénateur ayant envie de se faire hara kiri. Le bilan de ces sénatoriales est un signe inquiétant pour la République en Marche. Sur les 1900 et quelques inscrits, M. Lecornu ne recueille que le tiers des voix. C’est peu pour l’ancien président du conseil général, ancien maire de Vernon, dont la marche en avant devait permettre à LREM de gagner deux sièges de sénateur. Dans la jeune carrière de M. Lecornu, le faux pas de ce dimanche sera vite oublié. Lors des vents contraires qui ne manqueront pas de se lever, tôt ou tard, il retrouvera son siège de sénateur puisque la loi permet aux ministres mis en congé de ne plus passer par des partielles et de retrouver leur siège de parlementaire. Mme Nicole Duranton aurait-elle choisi le mauvais cheval ? Les résultats en chiffres : Liste Maurey (LR), 953 voix, Liste Lecornu (LREM) : 589 voix, Liste Véry (PS,PC,Génération S, Place publique): 306 voix, liste Sanchez (EELV) : 45 voix.