1 juillet 2019

Sophie Ozanne (NPA) conteste mon point de vue sur le rôle de l'extrême gauche dans la politique municipale lovérienne


Sophie Ozanne interviewée par un journaliste régional. ©JCH
Suite à mon article sur les élections municipales de Louviers qui se préparent à gauche, j’ai développé un argument pas vraiment sympathique pour le NPA lovérien. Sophie Ozanne, que j’apprécie pour son courage moral et son obstination militante, n’est pas d’accord avec mon argumentation. Elle considère que les combats que nous avons menés ensemble justifieraient plus de compréhension voire de mansuétude à l’égard du courant d’extrême gauche auquel elle se voue corps et âme. Pendant longtemps, j’ai, professionnellement (au sein de la Dépêche) d’abord et en citoyen ensuite, cheminé de conserve avec le NPA. Bien des amis m’avaient mis en garde contre une forme de naïveté voire de candeur dans l’attitude que j’adoptais à l’égard de ses militants. Je la trouvais pourtant légitime et conforme au militantisme ordinaire d’un homme de gauche susceptible, un jour, de coopérer au pouvoir avec toutes les bonnes volontés. L’occasion s’est produite lors d’élections municipales à Louviers mais le NPA s’est empressé de rejeter toute forme de coopération municipale avec les socialistes si honnis (lire ci-dessous) si dangereux pour la classe ouvrière, si suppôts du libéralisme. La révolution, oui, le réformisme, non ! J’ai alors compris que les appels du NPA aux combats communs ne servaient qu’une cause : une forme de gauchisme vain n’acceptant ni le pouvoir ni les compromis nécessaires pour l’exercer sans aucune forme de dictature de la pensée. Il ne suffit pas de rejeter le capitalisme dans une économie mondialisée et une Europe intégrée pour se satisfaire d’une pureté idéologique. Avec ses 3000 militants encartés le NPA est un courant de pensée historique (Trostky) qui a eu son heure de gloire avec Alain Krivine et Olivier Besancenot. Mais l’un et l’autre, fermes sur leur intransigeance, n’ont jamais franchi le seuil du succès d’estime. La politique, c’est l’action pas le commentaire. Je n’ignore pas que les militants lovériens ont occupé les ronds points bien avant les gilets jaunes et  qu'au conseil municipal, ils ont posé de bonnes questions. Mais pour quels résultats ? Pour quelles politiques concrètes? Pour quel avenir commun ? Je pense avoir jaugé le comportement du NPA lovérien à des actes et non sous la forme de procès d'intentions comme le laisse entendre Sophie Ozanne.
Cela ne m’empêche pas de l'estimer (elle et Gérard Prévost). Et je publie volontiers sans aucune modification un point de vue dont les lecteurs seront les juges.

- Tu écris, Jean Charles : "on sait qu’il (le NPA) parvient (grâce à la famille et aux amis) à  monter une liste apte à capter les voix de l’extrême gauche". Je laisse de côté la petite vacherie glissée entre parenthèses, je soulignerai juste que, oui, c'est plus difficile pour nous de constituer une liste pour la bonne raison qu'il est plus difficile de s'afficher sur une liste du NPA quand on cherche du travail, qu'on a signé un CDD, qu'on travaille dans un secteur "sensible" (nucléaire...). Alors, oui, nous ne l'avons jamais caché, nous sollicitons les ami.e.s et la famille. Cela ne nous a jamais empêché d'avoir des candidats qui "tenaient la route". Rien qu'au conseil municipal, nous avons, Gérard, Philippe et moi, assuré un travail sérieux et constant. D'autre part, tu m'accorderas que les autres listes n'affichaient pas que des experts et des talents.

- Tu écris encore : "on sait bien que les sympathisants NPA ne votent pas aisément pour ceux qu’ils appellent les « social-traîtres »" Cela fait plus de 40 ans que je milite avec mes camarades de la LCR hier, du NPA aujourd'hui, et jamais je n'ai lu ou entendu l'expression "social-traitre". Elle est datée de l'après mai 68 où les groupes d'extrême gauche foisonnaient et rivalisaient en sectarisme et anathèmes. Alors, de grâce, adresse-nous des reproches actualisés.

- Sur les municipales à Louviers et les élections en général. Nous avons toujours dit que, pour nous, les élections n'étaient d'aucune utilité pour changer le système, objectif que nous défendons : sortir du capitalisme qui mène le monde à la ruine, au chaos, à la destruction de l'humanité. Le meilleur exemple de l'inutilité des élections est fourni par ton ancien parti, Jean Charles, le PS, qui avait réussi à conquérir presque toutes les institutions en 2012 : le gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat, presque toutes les régions (sauf une), la plupart des grandes villes et des conseils généraux. A quoi cela a-t-il servi ?  A creuser encore davantage les écarts entre les très riches et les très pauvres, mais aussi à affaiblir les classes populaires et moyennes, comme le montrent bien Michel et Monique Pinçon Charlot. Hollande a conduit une politique dans la continuité de celle de Sarkozy qui a provoqué l'écœurement et l'abandon des classes populaires et le découragement pour beaucoup. Comme à chaque renoncement de la gauche, on  voit monter le FN : ce parti, comme tout parti fasciste, sait bien se faire passer pour le défenseur des "sans grade", et capter le vote de rejet de la classe politique dans son ensemble ("Sarkozy, Hollande, tous pareils"). Qui a oublié la loi El Khomri, véritable casse du code du travail qui ouvraient la porte aux lois Macron ? Qui a oublié Ennarda et la déchéance de nationalité ? Qui a oublié la loi Touraine sur les hôpitaux ? Qui a oublié la chasse aux migrant.e.s et le refus de traiter l'arrivée des réfugié.e.s de façon globale, européenne ? (l'Italie s'est retrouvée bien seule, et on voit le résultat aujourd'hui, Salvini est au pouvoir). Cette ligne politique désastreuse a été critiquée par certain.e.s au PS qui en sont sortis. Celles et ceux qui sont restés au PS ont choisi d'assumer cette politique. Voilà pourquoi aucun.e. militant.e du NPA ne peut s'allier avec des militant.e.s PS, aux municipales ou ailleurs.

Cela étant dit, nous participons aux élections, et pas que pour témoigner ou avoir une tribune, comme j'ai pu le lire sous ta plume. Les élections sont un temps politique important. Nous serions tout à fait capables d'être à la tête de la municipalité de Louviers. Nous dirions : "Nous sommes la gauche qui lutte, l'écologie qui se bat, mais on ne fera aucun miracle, prenons nos affaires en main, tous et toutes ensemble ! ". La réalité rattrape très vite les élu.e.s qui ont des programmes prometteurs, alléchants, sincères parfois. Les vrais dirigeants du monde, les décideurs, ne sont pas les élu.e.s, ce sont les dirigeants des grandes firmes industrielles et bancaires qui imposent leurs règles. Qui le dit ?
Nous n'affichons jamais : "voter pour nous et la vie sera merveilleuse après, car nous avons le programme qu'il vous faut".
Car, sur le plan municipal, on sait bien que 80% du budget représentent des dépenses incompressibles (salaires des employés, chauffage, électricité, écoles...). Donc les intentions électorales ne portent que sur les 20% restant. Il faut le dire. Ces 20% concentrent les intentions politiques d'une municipalité et ses choix : des maisons des jeunes ou une patinoire par exemple.

J'aurais d'autres remarques à te faire, d'autres réflexions à partager, mais je vais arrêter. Je suis prête à poursuivre la discussion, si tu acceptes de nous faire les reproches qui viennent de nos écrits, nos paroles ou nos actes. On a milité ensemble dans une association pour le retour en régie publique de l'eau, tu nous connais. On a des divergences de fond, c'est respectable, c'est le débat démocratique. A bientôt. » 

Aucun commentaire: