Maria Dumer est décédée, la semaine dernière à la MAPA de Louviers où elle résidait. Cette femme, pas forcément connue du grand public, était un exemple de ce que doit être un (ou une) fonctionnaire : compétent, rigoureux, ardent défenseur du service public, ce service public que les Français apprécient tant et dont ils demandent le maintien dans tous les domaines régaliens. Elle avait été responsable du service comptabilité de la ville de Louviers mais également une compagne de route du Comité d'Action de Gauche dont son mari, Claude, était un pilier. Elle a été inhumée, hier, au cimetière de Louviers et les enfants de Maria ont tenu à lire un texte dont ils m'avaient proposé la rédaction. Je le publie ci-dessous.
« Dès que Franck m’a demandé d’écrire
quelques mots en mémoire de sa maman — notre amie à tous et toutes ici présents
— je me suis interrogé : étais-je le mieux placé pour évoquer la vie de Maria, si remplie depuis le
jour, où venue d’Espagne, elle devint une femme de France. Car de son quotidien
familial je sais peu de choses sinon qu’elle avait une affection maternelle inépuisable
pour son fils et sa fille, qu’elle aima pendant toute son existence, un réel
attachement à son mari, Claude, avec lequel elle entreprit de consacrer leurs
efforts communs au bien collectif. J’ai appris que les derniers mois de la vie
de Maria furent difficiles compte tenu des suites de son accident vasculaire
mais elle fit face, en toute conscience, et jusqu’au bout, à cet accident de la
vie. Qui s’en étonnera ?
Professionnellement, Maria fut,
très tôt le pilier du service comptable de la ville de Louviers à une époque où
Excel n’existait pas, pas plus que les ordinateurs si pratiques et si rapides aujourd’hui.
Elle veillait avec une attention rigoureuse à la politique de paiements et d’engagements
décidés par le pouvoir municipal que le maire de Louviers s’appelle André
Vincelot, Ernest Martin, Rémy Montagne, Odile Proust ou Franck Martin. Je la
vois encore utiliser une machine comptable mécanique qui ferait la joie des
antiquaires. Jamais elle ne fit preuve d’un manque de loyauté, en interne comme
en externe, soucieuse du bien commun et du respect d’une subordination acceptée.
Elle n’était pas la seule à la mairie. Avec ses collègues, Josiane Farceau,
Andrée Batrel, Nelly Langlois, toutes disparues, elle incarnait ce que la
fonction publique territoriale incarne de meilleur : la confiance et la
compétence.
Neutre (pas toujours) à l’hôtel
de ville, clairement engagée dans sa vie privée, Maria défendit avec zèle, en
nombre d’occasions, la politique municipale qu’elle préférait. Sympathisante du
Comité d’Action de Gauche, dès sa formation dans les années soixante-dix, après
la triste défaite de la municipalité d’Union des Gauches, elle fut un atout maître
des choix économiques, politiques, culturels aussi, qui animaient le groupe dit
« autogestionnaire ». Elle rendait ainsi possible l’impossible. Aux côtés de
Paul Astégiani, le secrétaire général de la mairie, elle appliquait toutes les
leçons que Pierre Mendès France enseignait en haut et en bas de la société :
la vérité, la pédagogie des choix, la recherche du compromis sans jamais céder sur
l’essentiel : les progrès individuel et collectif. En Ernest Martin, et
plus tard, Henri Fromentin, elle retrouvait cette passion du citoyen et de la démocratie
participative, une expression quelque peu galvaudée aujourd’hui, qui fit de
Louviers la ville que l’on cite. Et que les historiens contemporains prennent
en exemple de gestions bien en avance sur leur temps.
C’est là que ses grandes qualités
surgissaient : courage moral, abnégation, conseils avisés et
professionnels. Je me souviens des discussions interminables mettant en scène
Maria et Christian Lafenêtre qui nous a quittés lui aussi il y a quelques
jours. Il fallait entendre leurs arguments, l’une veillant à modérer les impôts,
l’autre affirmant que la justice sociale nécessitait des efforts de la part des
plus riches ! Ils avaient
raison tous les deux.
Mme Dumer ? On l’appelait
tous Maria. Elle savait mettre la distance suffisante pour être crédible. Comme
jeune rédacteur municipal, elle m’a appris la patience et communiqué la passion
d’un travail au bénéfice du service public qu’elle chérissait pleinement. C’est
pourquoi elle est de ces personnes qui marquent les rencontres. Une amie fidèle
aux engagements et aux liens tissés au fil du temps et des chaos de la vie. Une
amie que nous n’oublierons pas parce qu’elle a été aussi une part de nous-mêmes. »
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