MAJ et François Hollande à Louviers. (photo JCH) |
« Le Président de la République, en
renonçant à briguer un second mandat à la tête de l’Etat, a pris une décision
politique lucide et courageuse, une décision personnelle difficile et
douloureuse. Peu auraient été capables, face aux mêmes situations, d’en tirer
la même conclusion. Dignité de la fonction, respect des citoyens, responsabilité
de l’homme d’Etat, François Hollande, a tout pesé avant de se résoudre à cette
solution. Continuer aurait été naturel ou normal. Renoncer exigeait de la force
d’âme. Il appartient désormais à chacun, s’il a du cœur et de l’esprit, de la
lui reconnaître. Revenons à sa motivation essentielle. François Hollande est un
homme juste, honnête et sincère. A la différence de ses deux prédécesseurs, il
ne termine pas son mandat sous le coup de multiples mises en examen. Il a donc
jugé en conscience que, contrairement à d’autres, il ne méritait pas d’être désavoué
par son pays et rejeté par son parti. Oui, il a préféré l’humilité à l’humiliation
et il a eu raison.
Pourtant ce geste, si je le
comprends, je le regrette. Au-delà des mots, le Président de la République a
gouverné notre pays en cohérence avec les valeurs qui l’animaient, les
engagements qui le guidaient, les promesses qui le tenaient : la justice
sociale et l’égalité des chances, la solidarité, la liberté et la laïcité. Nous
les partageons avec lui. La vie politique ne s’est pas arrêtée, par un petit
matin glacial, au Bourget. François Hollande a un bilan qui, étrangement,
commence à apparaître : sécurité sociale préservée, priorités — l’école, le
logement, la santé — financées, société modernisée et nouveaux droits créés, sécurité
renforcée, finances assainies, démocratie préservée, défense de l’environnement
renforcée.
Sans doute se souviendra-t-on
bientôt, alors que débute la prochaine campagne électorale, que le quinquennat
qui s’achève devait être celui de « l’enfer ». C’est ainsi, avec réalisme,
qu’un des candidats à la primaire de la Gauche, en 2012, peu de temps avant d’être
« empêché » d’y participer, avait qualifié la période qui s’ouvrait.
Il s’en était clairement expliqué. Crise de la dette, crise de l’Euro, crise du
déficit, crise de l’Europe, rien ne serait facile pour celui, de Gauche ou de Droite, qui serait élu. Sans dynamique de croissance et sans création d’emplois,
le pays était en miettes. L’Etat en faillite. C’est ainsi qu’il avait été laissé
par la majorité précédente, son président et son « collaborateur ».
François Hollande, sans doute, ne l’a-t-il pas dit et rappelé. A cela, qui
suffisait, se sont ajoutés la guerre et le terrorisme. On reconnaîtra un jour
le temps, la volonté et l’énergie que ces deux combats ont nécessité. Il a
fallu faire face à la mort et à la souffrance. Il a fallu lutter contre la
barbarie. Au Mali, en Irak, en Syrie, François Hollande a été ce rempart.
Mais notre démocratie n’était
plus armée pour faire face à la multiplicité des problèmes intérieurs ou extérieurs
qu’elle doit encore affronter. Passage au quinquennat, fin du cumul des
mandats, émergence des primaires, décentralisation sans responsabilité et Europe
sans âme, ont profondément changé, altéré, banalisé et dénaturé nos
institutions. Au fil de réformes éparses et désordonnées, nous sommes arrivés à
la fin d’un cycle. Notre pays n’a plus de constance, de cohérence, de cohésion.
Il a perdu sa singularité. François Hollande en a payé le prix. Le manque de
repères et la dilution de notre identité ont condamné le peuple au désarroi et
c’est également une des causes qui a conduit son expérience au charnier.
Ce constat objectif ne peut
cependant tenir lieu d’explication unique aux événements que nous vivons. Le
sens commun, la foi en l’intérêt général, le dévouement au service public ont déserté.
Les erreurs individuelles existent et ne se limitent pas à l’incompatibilité évidente
entre la déchéance de nationalité et la France des lumières. La coexistence de
deux politiques au sein d’un même Gouvernement s’est révélée - comment
aurait-il pu en être autrement - mortifère. La fiscalité a laminé les classes
moyennes, les salariés, ceux qui ont des revenus et pas de fortune, bien
davantage que les plus favorisés. L’inversion de la courbe du chômage, exigence
légitime de Florange, obligation face à une France qui n’en peut plus, est
devenue le piège de l’Elysée. Tout n’a pas été fait. Tout n’a pas été essayé.
Pour autant, précisément face à
ce drame qui dure depuis 1974, l’irresponsabilité collective, la préférence
pour la polémique, la superficialité médiatique de la Gauche sont devenues
tragiques. De certains de ses ministres, de ses collaborateurs et de ses
camarades, le Président de la République — c’est une part de son humanité — aura tout supporté : traitrises, ingratitudes, aventures personnelles,
ambitions démesurées. Il n’aura été protégé que de deux choses : leur
travail et leur loyauté. Une supposée déception, artificiellement proclamée, ne
peut être la justification universelle de comportements infantiles et
inadmissibles. Une partie de la classe politique, parce qu’elle est perpétuellement
moquée, vilipendée et dévalorisée, n’est plus composée que d’ombres, d’apparatchiks
ou de caricatures. Il n’y a rien à en attendre de grand ou de sublime. Il reste
de la Vème République une démocratie divisée entre national-populisme, régression
conservatrice et Gauche éclatée. A cette dernière, il appartient de se
rassembler autour de l’idée de progrès et de la notion d’avenir. De se
projeter, pas de reculer.
A François Hollande, alors que, souvent
à droite et parfois à Gauche, hélas, résonnent des propos qui, au lieu de
saluer celui qui va s’en aller, hésitent entre vulgarité et médiocrité, je veux
simplement dire ma fidélité et mon amitié construites depuis notre première
rencontre, entre fonctionnaires, voici trente ans exactement, mes remerciements
pour la bienveillance dont il a continuellement fait preuve pour la commune
populaire dont je suis le maire, ma reconnaissance pour l’attention qu’il a
toujours manifestée pour la fédération du parti socialiste de l’Eure dont il
suivait personnellement l’actualité, mon respect pour le travail qu’il a
accompli pour notre pays. Je pense à son authenticité et à sa résistance, à sa
fierté et à son élégance. Je pense, sans arrières pensées, à la joie éclatante
qui fût la sienne et qui, voici cinq ans, devînt la nôtre, à la peine, dont, dépourvu
d’amertume, mais avec une émotion réelle, il a fait preuve jeudi soir, et qui est
encore, qui est aussi, aujourd’hui la
mienne. »
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