31 janvier 2015

La loi Macron : une loi fourre-tout semée de pièges


L'amendement (retiré) «secret des affaires » est dû à Manuel Valls.
« La future loi au titre ronflant : « Pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » dite plus simplement « loi Macron », sensée débloquer la société, simplifier la vie économique et favoriser l’emploi est ce qu’on appelle une loi fourre-tout. C’est en fait un catalogue de prescriptions diverses et variées dont il apparaît de plus en plus à mesure que le contenu en est dévoilé qu’il s’agit avant tout de mesures dictées par un grand nombre de lobbies : financiers, économiques, patronaux, européens, et pour la plupart d’essence néolibérale. C’est une loi profondément réactionnaire présentée par un gouvernement prétendument de gauche.

C’est une sorte d’inventaire à la Prévert. Mais cet inventaire est parsemé d’embûches. Et comme toujours en pareil cas, sous le couvert touffu d’un texte ne comportant pas moins de 106 articles, le diable se cache dans les détails. De sorte que semble-t-il, même une lecture attentive ne suffit pas et qu’il faut souvent faire appel à des spécialistes pour débusquer les pièges très habilement cachés que renferment certaines mesures semblant de bon sens ou anodines, mais véritablement antisociales, antisyndicales, anti écologiques.

Et pour dissimuler ces pièges, la première des stratégies utilisées est celle de l’affichage. Elle consiste à fixer l’attention des médias sur quelques mesures phares telles que le travail du dimanche ou l’ouverture de lignes d’autobus pour concurrencer le rail, en tentant d’accréditer la thèse selon laquelle elles seraient favorables à l’emploi donc aux Françaises et aux Français. Le débat, qui s’installe alors sur ces sujets, sature l’espace médiatique et empêche de traiter du reste. L’ex président Sarkozy excellait dans cet exercice dont il a constamment usé et abusé durant son quinquennat.

Mais, quoiqu’on en dise, notre démocratie se porte encore bien et la vigilance ne faiblit pas. C’est ainsi qu’une première tentative de manipulation tout droit issue des lobbies économiques a pu être déjouée. Nous voulons parler de la mesure qui devait traiter du secret des affaires. Mesure qui mettait gravement en péril la liberté d’investiguer et d’informer les citoyens sur un grand nombre de sujets de société les concernant de près ou de loin. La levée de boucliers des journalistes, associations de défense des consommateurs et associations citoyennes a eu raison de cette mesure attentatoire aux libertés et le gouvernement a reculé en la retirant du projet de loi.

Ce n’est pas la seule. Le Canard enchaîné du 29 janvier révèle une autre mesure soi-disant destinée à favoriser l’émergence des start-up et jusque-là passée inaperçue, « cadeau de Macron aux riches ennemis de Hollande » ainsi que titre l’article. Il s’agit ni plus ni moins que de « simplifier et alléger les modalités d’imposition du gain d’acquisition des actions gratuites ». Et de proposer une mesure simple et de bon sens « Actuellement imposable à l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun applicables aux traitements et salaires, la valeur de ces actions sera désormais imposée selon les principales modalités applicables aux plus-values mobilières ». La seule différence explique le Palmipède, c’est que dans le premier cas, c’est la totalité de la rémunération qui est soumise à l’impôt, tandis que dans le second, un abattement de 50% réduit déjà de moitié le revenu imposable. Ce que se sont bien gardés d’expliquer aux députés les fonctionnaires de Bercy. Une brèche dans laquelle ne manqueraient pas de s’engouffrer toutes les multinationales du CAC 40 et leurs actionnaires.

Cependant, les mesures les plus dangereuses sont incontestablement celles attentatoires au droit du travail. Elles devraient faire bondir les syndicats et mettre des millions de salariés dans la rue. Car la fin annoncée des élections prudhommales n’est rien par rapport à la dépénalisation proposée du droit du travail. Si cette dernière passait telle quelle, fini la chasse aux patrons voyous qui ne répondraient plus de leurs actes devant les tribunaux pénaux. Serait, par la même occasion, dépénalisé le délit d’entrave aux instances représentatives du personnel ; en d’autres termes légalisée l’impunité patronale vis-à-vis des salariés. Avec la loi Macron, l’entreprise pourrait devenir une zone de non droit.

Gageons que nous ne sommes pas au bout de nos surprises et que d’autres trouvailles tout aussi intéressantes vont apparaître dans les prochains jours. C’est pourquoi il est grand temps de se ressaisir et de se mobiliser pour que soit dénoncée, comme le fait Gérard Filoche (www.la-bas.org), cette loi de régression à nulle autre pareille. Loi scélérate comme il ne s’en est pas connu depuis fort longtemps, peut-être même depuis les jours sombres du régime de Vichy. »

Reynald Harlaut

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