« Le projet de loi actuellement discuté à
l’Assemblée nationale contient un amendement, glissé en catimini dans le texte,
qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent,
l’information éclairée du citoyen. Sous couvert de lutte contre l’espionnage
industriel, le législateur instaure comme nouvelle arme de dissuasion massive
contre le journalisme un « secret des affaires » dont la définition
autorise ni plus ni moins une censure inédite en France.
Selon le texte, le « secret des
affaires » recouvre « une information non publique, qui fait l’objet
de mesures de protection raisonnables » et qui a « une valeur
économique ». Notre métier consistant a révéler des informations d’intérêt
public, il sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de
la vie économique, sociale et politique du pays.
Le texte, qui a été préparé
sans la moindre concertation, laisse la libre interprétation aux seules
entreprises de ce qui relèverait désormais du « secret des
affaires ». Autrement dit, avec la loi Macron, vous n’auriez jamais
entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire
Luxleaks, UBS ou HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants
du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit Lyonnais, ou de
l’affaire Amésys, du nom de cette société française qui a aidé une dictature à
espionner sa population. Et on en passe…
La simple révélation d’un projet de plan
social pourrait, en l’état, elle aussi, tomber sous le coup de la loi Macron.
Avec
ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en
chef de la Nation qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Une
disposition spéciale prévoit même que la justice puisse empêcher la publication
ou la diffusion d’une enquête. Dans le cas où le journaliste viole ce
« secret des affaires », il encourt 3 ans d’emprisonnement et 375 000
euros d’amende. La mise est doublée en cas d’atteinte à « la souveraineté,
à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Une
triple notion suffisamment vague pour autoriser toutes les dérives
liberticides.
Même tarif pour les lanceurs d’alerte, les
fameuses sources sans lesquelles certaines affaires ne sortiraient pas. Ce
texte inacceptable est mis au vote alors même qu’une loi prévoyant le
renforcement de la protection des sources des journalistes a été discrètement
enterrée l’été passé.
Nous, journalistes, refusons de nous
contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens,
restiez informés. Et comme disait George Orwell : « Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient
pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques ».
C’est pourquoi nous demandons le retrait pur et simple de ce texte. »
Médiapart lance une pétition contre les éléments de
la loi Macron qui menacent d'entraver le travail d'enquête des journalistes, en
défendant le "secret des affaires".
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