Henri Bonnel, ancien maire du Neubourg. |
En septembre 1966, les
hommes et les femmes de gauche préparaient les élections législatives de 1967.
La circonscription de Louviers avait élu Rémy Montagne en 1958 et l’avait réélu
en 1962. Le Gaullisme était alors triomphant. Les législatives de 1967 permirent
aux Gaullistes et aux Républicains indépendants de faire élire 244 députés. Le
Parti communiste eut 73 élus et la FGDS (fédération de la gauche démocrate et
socialiste) compta 116 députés.
A Louviers, Rémy Montagne
fut réélu. Mais Les Mendésistes avaient pensé pouvoir regagner cette
circonscription symbolique. Henri Bonnel, ancien maire du Neubourg, ami de
Pierre Mendès France, fut au cœur du dispositif préparant les candidatures non
communistes. Henri Bonnel et son fils Daniel ont d’ailleurs édité un
recueil d’anecdotes, de souvenirs, de lettres écrites par PMF à ses amis.
Dans ce recueil (1) on trouve
une lettre datée de septembre 1966 adressée à Pierre Bérégovoy, alors à la
recherche d’une circonscription. J’ai ainsi découvert que Le Dr Martin, élu
maire de Louviers en mars 1965, n’avait pas exclu d’être candidat aux législatives
dans une circonscription qui intéressait également le futur maire de Nevers et
futur Premier ministre de François Mitterrand. Pierre Mendès France écrit :
« Mon cher ami, Je dicte rapidement avant mon départ
pour Moscou, ce mot pour deux choses :
—
Après notre conversation à Louviers, j’ai longuement
bavardé avec le Dr. Martin. J’ai tiré de là l’impression qu’il n’excluait pas
absolument d’être candidat à Louviers. Mais il est visible qu’il est hésitant.
Il avait peut-être pensé à cela dans un moment où il espérait que se réaliserait
une candidature unique de toute la gauche. Il est très mécontent que les
communistes aient, d’ores et déjà, fait connaître qu’ils auraient un candidat
en tout cas et qu’ils l’ont désigné. Cela change, évidemment, les perspectives
du Dr Martin, non seulement du point de vue politique (car il est sincèrement
attaché au principe d’une union totale de la gauche) mais, aussi, en ce qui
concerne les chances éventuelles car il risque, peut-être, de se trouver en fin
de compétition, devancé par le candidat communiste au premier tour de scrutin.
Si vos propres idées murissaient, vous pourriez, à mon avis, aller le voir. Une
conversation directe et franche avec lui ne pourrait avoir que des avantages. C’est
un homme loyal, mal préparé à l’activité politique, très sincère. Si vous
deviez vous orienter vers l’acceptation de la candidature à Louviers, une
conversation directe entre vous serait, de toute manière très souhaitable.
—
Gallimard envisage une nouvelle édition de la République
moderne, car la période électorale sera favorable à la vente. La deuxième édition
n’a été tirée qu’à 30 000 exemplaires et sera épuisée d’ici là. Cela m’a
conduit à penser à quelques modifications et mises à jour. Il y a, notamment,
le développement sur les comités d’entreprises qui figure aux pages 244 et
suivantes de la deuxième édition. J’aimerais bien avoir vos suggestions à ce
sujet. Vous m’aviez d’ailleurs dit que vous pensiez à la question des comités d’entreprises
et que vous désiriez me renseigner plus complètement sur ce point. J’aimerais,
en tout état de cause, que vous me suggériez une rédaction plus précise et plus
adaptée aux derniers développements du problème pour les pages visées
ci-dessus.
Bien amicalement à vous.
Pierre Mendès France
« Un homme loyal, très sincère
». Pierre Mendès France avait rapidement perçu certaines des qualités d’Ernest
Martin. Il avait également remarqué que l’ancien animateur de l’association de
la Croix d’or était mal préparé à l’activité politique. C’est le moins que l’on
puisse dire et finalement, Ernest Martin ne se fit jamais aux règles imposées
par les partis. Trop attaché sans doute à sa liberté individuelle et à celle
des autres.
(1) Henri Bonnel, Pierre Mendès France « ses premiers pas dans la carrière politique » Au carrefour de la Normandie (Le Neubourg-Louviers).
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