« Les attaques du président rwandais contre la France
sont révoltantes et ignominieuses. En accusant notre pays d’avoir pris part à « la
préparation et à l’exécution du génocide », Paul Kagamé ne cherche qu’à
exploiter cette horrible tragédie à des fins de vile politique intérieure et à
se disculper de ses propres fautes. C’est odieux et obscène. Se recueillir
devant les 800 000 victimes de ce drame n’autorise pas le président du
Rwanda à relancer bassement la polémique.
Comme les Etats-Unis, la Belgique, la Grande-Bretagne
et surtout l’ONU, la France n’a pas réussi à empêcher le génocide. C’est évidemment
déplorable. Mais les responsables français de l’époque, de gauche comme de
droite, n’ont cessé d’entreprendre des efforts pour prévenir la spirale d’une
guerre ethnique. Cette stratégie s’est malheureusement révélée inopérante.
La mission d’information parlementaire de 1998, présidée
par Paul Quilès et à laquelle je participais, relevait déjà certaines erreurs d’appréciation
et des dysfonctionnements dans la politique française. Hubert Védrine, secrétaire
général de l’Elysée à l’époque, et Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères,
reconnaissaient eux-mêmes ces manquements. Pour autant, la France n’est pas
coupable de ce génocide. Elle a au contraire tout fait pour l’éviter. De 1990 à
1994, notre diplomatie a constamment privilégié une solution négociée à la
crise rwandaise. Le président François Mitterrand a exercé une pression
continue sur son homologue rwandais pour qu’il favorise la réconciliation
nationale, engage une négociation avec le FPR de Paul Kagamé et établisse un
Etat de droit.
Sans soutenir en aucune façon le régime de Juvénal
Habyarimana, la France a obtenu, en 1993, à Arusha, un accord de partage du
pouvoir politique entre Hutus et Tutsis. Elle avait pour objectif de créer les
conditions d’une paix durable entre Kigali et le FPR. La médiation française
visait à stabiliser le Rwanda, à se désengager militairement de ce pays dont la
sécurité était censée être assurer par une force d’interposition de l’ONU. C’est
pourquoi les 700 soldats français avaient quitté le Rwanda en décembre 1993. Or,
le dispositif international mis en place s’est avéré totalement impuissant,
notamment en raison des réticences manifestées par les Américains, traumatisés
par le récent désastre somalien, et par le mandat restrictif de l’opération
onusienne.
Après l’attentat contre l’avion présidentiel
rwandais, la priorité française a consisté à faire cesser les combats et les
tueries, d’autant que la force onusienne avait entre-temps été réduite. Non
seulement la France a imposé dès le 8 avril 1994 un embargo au Rwanda, mais c’est
Alain Juppé qui fut le premier, le 15 mai, à qualifier de « génocide »
les massacres de masse perpétrés contre les Tutsis et les Hutus modérés. Quant à
l’opération Turquoise, lancée par la France le 22 juin, elle a répondu à une
demande urgente de l’ONU qui, devant l’obstruction américaine, avait été
incapable de dépêcher sur place 5 000 casques bleus. L’opération
Turquoise, qui avait pour but de protéger les populations menacées mais pas d’arrêter
les génocidaires, est parvenue à sauver des milliers de vie.
Le génocide rwandais nous interpelle tous. Il a mis
en évidence les graves défaillances du système international, certaines illusions
françaises, l’aveuglement américain, mais aussi l’extrémisme du pouvoir hutu, l’intransigeance
du FPR, l’activisme dangereux de l’Ouganda.
Plutôt que de stigmatiser la France, le président
Kagamé devrait donner la priorité absolue à une réconciliation nationale et à
une plus grande ouverture internationale en faveur du développement. »
François Loncle
Député de l’Eure
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire