Les élus sont bien installés, tant mieux. Mais il n'y a pas de sièges pour le public. Tant pis. (photo JCH) |
« Ce n’est pas à 63 ans que
je vais commencer une carrière de démolisseur ». Cette affirmation de Bernard
Leroy, avant d’être élu président de l’agglomération Seine-Eure, hier soir au
nouveau siège de Louviers (1) destinée à rassurer les élus inquiets du
changement de l’exécutif, tiendra-t-elle sur le long terme ? Quand il déclare
vouloir rééquilibrer le pacte financier rédigé par l’ancienne équipe au
pouvoir, quand il annonce que les fonds de concours attribués aux différentes
communes seront intégralement pris en charge par la CASE, quand il poursuit sa
démonstration en annonçant qu’il n’y aura pas de plan d’urbanisme intercommunal
« chacun devant être maître chez soi » et surtout quand il précise qu’il forme
un ticket avec François-Xavier Priollaud, nouveau maire de Louviers, on est
loin « de la joie et de la bonne humeur » lui servant d’une conclusion quelque
peu sadique pour l’équipe sortante. Les habitants de Louviers et de
Val-de-Reuil doivent s’attendre à ce que les rentrées fiscales générées par l’activité
industrielle et commerciale soient pompées en partie au bénéfice des petites
communes forcément moins riches…Dans ces cas-là, la redistribution des
richesses n’est plus un gros mot pour la droite. A toi la voirie, à toi « l’embellissement
de ton village », premier mot prononcé par le nouveau président. Quelle
ambition !
En fait, Bernard Leroy a
savouré sa victoire, acquise de peu mais acquise tout de même et avec la légitimité
d’un vote clair après les changements intervenus lors du second tour des
municipales. La défaite des sortants à Léry, Acquigny, et évidemment à
Louviers, a ouvert un boulevard à une droite revancharde qui piaffait depuis
1997, année de la dissolution de l’Assemblée nationale et du retour aux
affaires de la gauche socialiste.
L’élection de Bernard Leroy est un pied de nez dont notre histoire est friande. Voilà un maire, élu d’une belle commune, bien dotée et bénéficiaire des retombées positives de Val-de-Reuil qu’il a pourtant combattue avec assiduité, qui a lutté pied à pied contre son intégration dans l’intercommunalité au point même qu’il a fallu qu’un préfet place le Vaudreuil de force dans les frontières de la communauté d’alors. Bernard Leroy ne fut pas le seul dans ce cas. Le maire d’Andé, Jean-Marc Moglia, à la manœuvre cette semaine, fut dans la même situation. Avec le temps, ils ont mesuré les avantages de la création de l’agglomération. La pensée de Bernard Leroy après son élection à la présidence, pour Franck Martin, Nicole Cornier et Bernard Amsalem (2) fondateurs de la communauté de communes, n’était-elle que de pure forme quand on se rappelle le bras de fer sans pitié qui les opposa ?
L’élection de Bernard Leroy est un pied de nez dont notre histoire est friande. Voilà un maire, élu d’une belle commune, bien dotée et bénéficiaire des retombées positives de Val-de-Reuil qu’il a pourtant combattue avec assiduité, qui a lutté pied à pied contre son intégration dans l’intercommunalité au point même qu’il a fallu qu’un préfet place le Vaudreuil de force dans les frontières de la communauté d’alors. Bernard Leroy ne fut pas le seul dans ce cas. Le maire d’Andé, Jean-Marc Moglia, à la manœuvre cette semaine, fut dans la même situation. Avec le temps, ils ont mesuré les avantages de la création de l’agglomération. La pensée de Bernard Leroy après son élection à la présidence, pour Franck Martin, Nicole Cornier et Bernard Amsalem (2) fondateurs de la communauté de communes, n’était-elle que de pure forme quand on se rappelle le bras de fer sans pitié qui les opposa ?
le ticket Leroy-Priollaud. (photo JCH) |
Mais du passé, faisons table
rase. Ecoutons les mots du nouveau président qui font la joie et la bonne
humeur : gestion rigoureuse des finances, mutualisation des services,
volontariat des maires, rééquilibrage, gouvernance plus collégiale, plus
respectueuse de tous, tandem fidèle
aux résultats des urnes » binôme gagnant, alliance de la jeunesse et de la
sagesse, pas d’arène politique…
On attendait Bernard Leroy
au virage des accords passés avec la CREA (3) dans le cadre du pôle métropolitain.
A Louviers, FX Priollaud a fait campagne contre le Grand Louviers devenant une cité
dortoir après son absorption (imaginaire) par la future métropole rouennaise.
Bernard Leroy l’a rassuré : il construira un rempart contre « l’absorption
» pourtant simple fantasme. La coopération, oui, mais il n’en a pas précisé les
limites.
Mon idée est que, par
pragmatisme, Bernard Leroy sera tôt ou tard contraint de se plier aux exigences
du temps et de l’évolution, même pour le conservateur-réactionnaire qu’il est.
Tout comme Nicolas Meyer-Rossignol, président de la région haut-normande, qui
propose la fusion des Normandie avec la Picardie, viendra le jour où la petite
agglo Seine-Eure (70 000 habitants) devra trouver des partenaires disposant d’une
masse critique importante pour des projets de grande dimension : la vallée
de la Seine, de Vernon au Havre dispose de cet atout. Qu’il s’agisse d’industries,
de services, de tourisme, d’infrastructures, comment refuser le progrès sinon
au prix de retards et de combats d’arrière garde genre village d’Astérix forcément
rétrogrades.
Bernard Leroy s’est battu contre la ville nouvelle de Val-de-Reuil, il a perdu. Il s’est battu contre l’intercommunalité, il a perdu. Perdra-t-il — et nous avec lui — le combat de l’évolution et de la modernité ?
Bernard Leroy s’est battu contre la ville nouvelle de Val-de-Reuil, il a perdu. Il s’est battu contre l’intercommunalité, il a perdu. Perdra-t-il — et nous avec lui — le combat de l’évolution et de la modernité ?
Patrice Yung, candidat de
rattrapage, avec 18 voix, ne pouvait guère faire plus. Il est du côté des
vaincus et c’est difficile à vendre surtout dans l’euphorie générale de la
droite. Richard Jacquet, maire de Pont-de-l’Arche a lu un texte au ton juste,
exprimant clairement les enjeux de la politique à conduire. Sa jeunesse, son
esprit d’ouverture, auraient mieux convenu aux nécessités mais le suffrage
commande et il s’impose évidemment à tous.
Souhaitons que le choix des 15
vice-présidents (élus mardi prochain) permette quand même de marquer quelque
respect pour les villes-centres et pour la diversité, celle des communes, des sexes,
des situations géographiques au sein du bassin de vie. Au fait, quinze vice-présidents ?
N’est-ce pas trop ? Ne fallait-il pas donner un signe de réduction de
train de vie de la CASE ? Les promesses d’avant l’élection du président et
les deals échangés devront donc être assumés.
Mardi prochain aura lieu l’élection
des vice-présidents. On saura concrètement quel sens veut donner le couple
Leroy-Priollaud à une intercommunalité qui a fait ses preuves. Franck Martin
avait, certes, des défauts, mais jamais il ne s’est trompé sur le sens de l’histoire
de notre région et de son développement. Il suffit, notamment, de visiter les
parcs industriels, d’apprécier le système de transports, de constater les
bienfaits des stations d’épuration modernes et performantes et aussi de
parcourir la voie verte propice aux promenades familiales. N’oublions pas, non
plus, qu’il fabriqua du consensus — sauf avec Val-de-Reuil et ce fut une erreur
— gage d’une certaine harmonie collective. Bernard Leroy ne veut pas démolir
mais s’il projetait de déconstruire ?
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, étonné par le ton très politique de Bernard Leroy, a promis une vigilance appliquée à l'égard du « ticket », surprise institutionnelle de la soirée. Il a lui aussi compris que la politisation des débats faisait son entrée dans une assemblée plus habituée à fonctionner au consensus. Val-de-Reuil en fera-t-il les frais ?
(1)
Marc-Antoine
Jamet a regretté le peu d’espace réservé au public dans
la nouvelle salle de réunion de la CASE. Les dizaines de citoyens présents au
vote d’hier sont restés debout pendant deux heures, faute d’avoir pensé que le
public finirait pas s’intéresser activités de l’agglomération. Ratage absolu.
(2)
Franck Martin,
maire de Louviers, Nicole Cornier, maire d’Incarville, Bernard Amsalem, maire
de Val-de-Reuil, ont été les initiateurs visionnaires de la communauté de
communes donnant naissance à une agglomération comprenant les « quatre »
cantons de Louviers, Val-de-Reuil et Pont-de-l’Arche.
(3)
La CREA,
communauté d’agglomération Rouen-Austreberte, est le second membre, avec l’agglo
Seine-Eure du pôle métropolitain. Les projets communs de plateforme
multimodale, de cartes de transports régionales, d’action touristique commune
seront-ils mis à mal par les nouveaux dirigeants de la CASE ?
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