6 mars 2014

Philippe Bilger : « Jamais l'état de droit n'a autant reculé que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy »


Un outil de travail ne doit pas devenir un appareil d'espionnage
Que l’affaire Buisson mette Sarkozy en colère, ça se comprend. Mais en réfléchissant bien et en consultant le CV de Patrick Buisson, et contrairement à ma conclusion d’hier, ce type-là n’est pas malade. Il est seulement obsédé par ses démons et a fini par croire qu’il pouvait être calife à la place du calife. Pas par la voie électorale, bien sûr, mais par un chemin bien plus exaltant, bien plus jouissif pour un homme de l’ombre qui désire le rester : devenir le conseiller du prince.
Sarkozy l’avait d’ailleurs affirmé très tôt : « pour ma gauche j’ai Guaino, pour ma droite, j’ai Buisson. » Même si le rôle joué par ce dernier dans la victoire de Sarkozy en 2007 est survalorisé, il ne fait pas de doute que l’objectif révélé par Buisson a été atteint et par les électeurs en plus : réconcilier l’extrême-droite et la droite. En asséchant le Front national, Buisson a réalisé son rêve : faire passer ses idées par l’élu choisi à la majorité des suffrages, ce qui semblait impossible à réaliser par le Front national.
La campagne de 2007 ne lui a pas suffi. Buisson a continué d’avancer ses pions, de théoriser la fracture politico-religieuse, de convaincre Sarkozy de s’attaquer aux Roms, aux Musulmans, à « l’étranger », l’ incarnation de tous nos maux. Ce furent les discours xénophobes de Grenoble, de Chaillot…et Sarkozy finit sa course à 48,5% des voix, un rien quoi. Preuve que Buisson avait eu raison de modifier le logiciel de l’UMP, oubliant le Gaullisme et le Jaurès de 2007 !
Patrick Buisson, assure Raphaëlle Bacqué du journal Le Monde est « doué, intelligent, manœuvrier ». Il faut l’être pour se permettre de planquer un dictaphone dans sa poche, de l’amener dans le saint des saints à l’Elysée, de le faire tourner avant d’entrer dans le bureau du président, de transférer les bandes sur ordinateur, de passer des centaines d’heures à écouter les uns et les autres et à éprouver cette autorité surdimensionnée de celui qui sait, possède, menace, tient ceux qu’il écoute. Cette volonté de puissance, Buisson la possédait enfin. Lui, si supérieur, était enfin au-dessus du lot et de la populace que ses idées maurassiennes méprisent au plus haut point. Enfin il tenait sa revanche, lui l’ancien membre de l’OAS, lui qui accompagnait Sarko chez le Pape, lui qui facturait ses sondages sans appels d’offres ni concurrence.
Car n’oublions pas que les bandes de Buisson ont été découvertes à son domicile lors d’une perquisition de la police judiciaire. Que la plainte à l’origine de l’enquête émane de l’association Anticor (pour anticorruption) suite à des factures de sondages passés par l’Elysée auprès de la société Publifact de Buisson. Que ces sondages n’avaient fait l’objet d’aucun marché en bonne et due forme.
Le résultat de tout cela : un profond dégoût évidemment. Se mêlent la tromperie, la trahison, l’absence de confiance mais aussi la naïveté des politiques. Sarkozy le flambeur a trouvé plus flambeur que lui. Philippe Bilger, ancien procureur aujourd’hui en retraite résume la chose ainsi : jamais l’état de droit n’a autant reculé  que pendant le quinquennat de Sarkozy. Quant au contenu des bandes…lire la suite la semaine prochaine dans le Canard enchaîné.

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