Un outil de travail ne doit pas devenir un appareil d'espionnage |
Que l’affaire Buisson mette
Sarkozy en colère, ça se comprend. Mais en réfléchissant bien et en consultant
le CV de Patrick Buisson, et contrairement à ma conclusion d’hier, ce type-là n’est
pas malade. Il est seulement obsédé par ses démons et a fini par croire qu’il
pouvait être calife à la place du calife. Pas par la voie électorale, bien sûr,
mais par un chemin bien plus exaltant, bien plus jouissif pour un homme de l’ombre qui
désire le rester : devenir le conseiller du prince.
Sarkozy l’avait d’ailleurs
affirmé très tôt : « pour ma gauche j’ai Guaino, pour ma droite, j’ai
Buisson. » Même si le rôle joué par ce dernier dans la victoire de Sarkozy en
2007 est survalorisé, il ne fait pas de doute que l’objectif révélé par Buisson
a été atteint et par les électeurs en plus : réconcilier l’extrême-droite
et la droite. En asséchant le Front national, Buisson a réalisé son rêve :
faire passer ses idées par l’élu choisi à la majorité des suffrages, ce qui
semblait impossible à réaliser par le Front national.
La campagne de 2007 ne lui a
pas suffi. Buisson a continué d’avancer ses pions, de théoriser la fracture
politico-religieuse, de convaincre Sarkozy de s’attaquer aux Roms, aux
Musulmans, à « l’étranger », l’ incarnation de tous nos maux. Ce furent les
discours xénophobes de Grenoble, de Chaillot…et Sarkozy finit sa course à 48,5%
des voix, un rien quoi. Preuve que Buisson avait eu raison de modifier le
logiciel de l’UMP, oubliant le Gaullisme et le Jaurès de 2007 !
Patrick Buisson, assure
Raphaëlle Bacqué du journal Le Monde est «
doué, intelligent, manœuvrier ». Il faut l’être pour se permettre de
planquer un dictaphone dans sa poche, de l’amener dans le saint des saints à l’Elysée,
de le faire tourner avant d’entrer dans le bureau du président, de transférer
les bandes sur ordinateur, de passer des centaines d’heures à écouter les uns
et les autres et à éprouver cette autorité surdimensionnée de celui qui sait,
possède, menace, tient ceux qu’il écoute. Cette volonté de puissance, Buisson
la possédait enfin. Lui, si supérieur, était enfin au-dessus du lot et de la
populace que ses idées maurassiennes méprisent au plus haut point. Enfin il
tenait sa revanche, lui l’ancien membre de l’OAS, lui qui accompagnait Sarko
chez le Pape, lui qui facturait ses sondages sans appels d’offres ni concurrence.
Car n’oublions pas que les
bandes de Buisson ont été découvertes à son domicile lors d’une perquisition de
la police judiciaire. Que la plainte à l’origine de l’enquête émane de l’association
Anticor (pour anticorruption) suite à des factures de sondages passés par l’Elysée
auprès de la société Publifact de Buisson. Que ces sondages n’avaient fait l’objet
d’aucun marché en bonne et due forme.
Le résultat de tout cela :
un profond dégoût évidemment. Se mêlent la tromperie, la trahison, l’absence de
confiance mais aussi la naïveté des politiques. Sarkozy le flambeur a trouvé
plus flambeur que lui. Philippe Bilger, ancien procureur aujourd’hui en
retraite résume la chose ainsi : jamais l’état de droit n’a autant reculé que pendant le quinquennat de Sarkozy.
Quant au contenu des bandes…lire la suite la semaine prochaine dans le Canard
enchaîné.
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