François Loncle avec Michaël Gorbatchev. (photo JCH) |
François Loncle a publié la tribune suivante dans Marianne de la semaine dernière :
« Sarkozy ne tient plus en place.
Atteint à la fois du syndrome du président vaincu et d’une grave rechute de la
danse de saint Guy, l’ex-président se déploie tous azimuts. De remise de décoration
en concert de charité, de meeting municipal – quitte à plomber encore plus la
candidature de son amie NKM – en conférence lucrative, Nicolas Sarkozy a
retrouvé son rôle de prédilection : M. Je suis partout.
Il est temps pour lui de réaliser
que « toutes les situations capitales de la vie sont sans retour »,
comme l’écrit Milan Kundera.
Méthodiquement, Sarkozy développe,
depuis plusieurs mois, une stratégie de communication destinée à faire croire
qu’il revient en politique, ce que relaie avec avidité une certaine presse
complaisante. Or, cette ambition s’avère illusoire.
Au contraire de ce qu’il ne
cesse de seriner, Sarkozy n’a pas changé. Il reste ce personnage impulsif,
outrancier, coléreux, arrogant. Hier comme aujourd’hui, il ignore toute pondération,
toute mesure, toute retenue. Entonnant une ritournelle maréchaliste (« Je me
donne à la France »), il prétend que son retour est « une fatalité »,
alors que ce serait une offense. Même les caciques de l’UMP en sont persuadés,
au point de tout entreprendre pour endiguer ses aspirations revanchardes. En
effet, la cohorte des prétendants de droite — François Fillon, Xavier Bertrand,
Alain Juppé, Bruno Le Maire… — veut soumettre à une primaire Nicolas Sarkozy
qui réfute cette procédure, pourtant approuvée par 90% des militants. Quelle
ingratitude envers un parti qui a généreusement épongé ses énormes dettes de
campagne ! Au demeurant, l’UMP vient d’adopter un projet économique qui
dresse l’inventaire du quinquennat précédent dont il relève implicitement tous
les manquements et les erreurs.
De surcroît, l’éventuel
retour de Sarkozy est gravement hypothéqué par les affaires auxquelles son nom
est mêlé. Certes, il a bénéficié d’un non-lieu dans le scandale Bettencourt,
mais il reste encore impliqué dans quatre autres dossiers sulfureux. D’abord,
dans l’affaire Karachi, il a avalisé, en tant que ministre du Budget, la création
de la société luxembourgeoise Heine par laquelle transitèrent les commissions
des ventes d’armement au Pakistan qui auraient alimenté la caisse noire de la
campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Ensuite, une enquête judiciaire
examine la régularité des juteux contrats conclus, sans appels d’offres, entre
l’Elysée et un cabinet dirigé par le maurassien Patrick Buisson, conseiller
occulte de l’ex-président. Puis Sarkozy est soupçonné d’être intervenu en
faveur de son ami Bernard Tapie contre le Crédit Lyonnais et d’avoir favorisé
une procédure d’arbitrage particulièrement dommageable aux intérêts de l’Etat. Enfin
- sans doute le plus grave -, une information judiciaire investigue les rumeurs
insistantes de financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007, ce qui
soulève des interrogations sur l’intervention militaire contre Kadhafi en 2011,
entraînant le pays dans le chaos. L’honneur de la gauche serait, d’ici à la fin
de l’actuel quinquennat, de diligenter une commission d’enquête parlementaire
faisant toute la lumière sur les relations franco-libyennes entre 2002 et 2012.
Si des sympathisants de
droite espèrent que Sarkozy reviendra, la plupart des Français sont soulagés d’en
être débarrassés. Ils sont même 70% à porter un jugement négatif sur son
quinquennat. Ils n’ont pas oublié le Fouquet’s,
le yacht de Bolloré, le discours paternaliste de Dakar, la remise en cause de
la laïcité, le débat délétère sur l’identité nationale, les 75 milliards d'euros de
cadeaux fiscaux aux grandes fortunes, l’augmentation de 172% de son propre
salaire. Ils connaissent son lourd passif économique qui lui vaut la note
indigne de 3 sur 20 attribuée par Jean Supizet, économiste des Echos : durant sa présidence, la
dette publique a progressé de 50%, la croissance a chuté à 0%, la balance
commerciale s’est détériorée de 56%, 350 000 emplois industriels ont été détruits,
337 000 personnes supplémentaires sont tombées sous le seuil de pauvreté,
un million de chômeurs en plus a été comptabilisé !
Si Sarkozy finit par
revenir, il ne fera qu’une brève apparition. Car il fera face à un rejet
populaire massif. Car il devra justifier son bilan catastrophique. Car il sera encore
plus embourbé dans les scandales. Car il affrontera l’opposition déterminée des
barons de l’UMP. Tout compte fait, il peut
bien reparaître puisque, comme le dit Alfred de Musset, « le retour fait
aimer l’adieu ».
François Loncle, député de l'Eure
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