Selon la cour administrative d’appel, le
Conseil général des Landes « défend l’usager » en subventionnant les communes qui optent
pour une gestion publique de l’eau.
Henri Emmanuelli avec Michel Champredon à Evreux. (photo JCH) |
Le vent est en train de tourner dans les Landes.
Après plus de vingt ans de guérilla juridique, le Conseil général, sous la
houlette de son président, Henri Emmanuelli, vient sans doute de remporter la
dernière manche. Dans un arrêt rendu le 3 mars, la cour administrative d'appel
de Bordeaux a validé la stratégie développée par la collectivité. Au grand dam
des opérateurs privés, le Département aide financièrement les communes rurales
qui optent pour une gestion publique de l'eau et met à leur disposition le
savoir-faire du Sydec, un syndicat départemental aux compétences techniques étoffées.
Au fil des ans, les modalités d'intervention du
Conseil général ont évolué, mais l'objectif est resté le même : abaisser le
montant des factures. En novembre 2008, deux délibérations votées par l'assemblée
départementale étaient inspirées par ce souci. Fidèle à son habitude, la Fédération
professionnelle des entreprises de l'eau les avait attaquées en justice en
invoquant leur caractère discriminatoire.
Si le tribunal administratif de Pau lui avait
donné en partie gain de cause, la cour d'appel de Bordeaux l'a déboutée après
avoir estimé qu'aucun des grands principes invoqués n'avait été bafoué. Qu'il
s'agisse de la liberté des usagers devant un service public ou de la libre
administration des collectivités locales. Selon les juges, ces deux délibérations
répondent à l'intérêt général dans la mesure où elles visent à faire bénéficier
les utilisateurs de tarifs moins élevés.
Les majors de l'eau n'ont pas été en mesure de
contester l'étude réalisée à la fin de 2003 par la Direction départementale de
l'agriculture et de la forêt des Landes. Celle-ci montrait que le prix de l'eau
était beaucoup plus élevé lorsque le service était affermé à un privé. « La
différence des prestations accomplies par les régies et par les fermiers n'est
pas de nature à priver de signification la comparaison entre les tarifs pratiqués
», soulignent d'ailleurs les magistrats de la cour administrative.
En 2006, un sénateur UMP du Massif central,
vraisemblablement sous influence, avait subrepticement glissé un amendement
lors du vote de la loi sur l'eau. Cette disposition interdisait aux collectivités
compétentes en la matière de faire varier leurs aides en fonction du mode de
gestion retenu, public ou privé. On aurait voulu faire capoter l'expérience
landaise qu'on ne s'y serait pas pris autrement.
En 2011, le Conseil constitutionnel a estimé que
cet article était inconstitutionnel au motif qu'il portait atteinte à la libre
administration des collectivités territoriales. Sans l'intervention des sages,
saisis dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, il est
probable que la cour administrative d'appel n'aurait pas donné raison au département
des Landes, même si ce dernier a pris le soin de limiter les subventions allouées.
Représentant entre 15 et 25 % des travaux et des études, elles sont en outre
plafonnées et ne peuvent être affectées au financement de tous les
investissements. Aux opérateurs privés qui les contestent, la cour
administrative d'appel répond aujourd'hui que rien ne leur interdit d'en faire
autant !
Après avoir longtemps fait la pluie et le beau
temps, les multinationales de l'eau ne cessent désormais de reculer. Des villes
aussi emblématiques que Paris ou Bordeaux ont opté pour le retour en régie.
Ailleurs, la Lyonnaise, la Saur et Veolia concèdent des ristournes
inimaginables il y a quelques années encore. À l'échelon national, où le privé
gère près de 70 % de la distribution d'eau, le retrait n'est pas aussi
spectaculaire que dans les Landes, où la proportion a été inversée. Mais les
majors craignent manifestement que l'expérience initiée entre Adour et Leyre ne
fasse tache… d'huile !
(Texte de Dominique Richard)
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