Je ne sais si je dois être
heureux de l’interdiction du spectacle-meeting politique de Dieudonné à Nantes
ou être mécontent de l’attaque flagrante contre la liberté d’expression suite à
la décision du Conseil d’Etat de ce soir. A l’évidence, Dieudonné est
antisémite. Tout chez lui respire la haine du juif…parce qu’il est juif, c’est
la définition même de l’antisémitisme. Mais comme l’expression de cet
antisémitisme est un délit, Dieudonné se cache derrière l’antisionisme. Il ne
trompe donc plus personne sur ses véritables motivations et sur le caractère
correctionnalisable de ses propos.
Condamné
définitivement à maintes reprises pour injures raciales, négationnisme et
autres délits financiers, Dieudonné est dans la ligne de mire (symbolique) du
ministre de l’Intérieur. Manuel Valls a pris l’énorme risque politique et
juridique de demander aux préfets d’interdire les représentations du « Mur » en
amont des soirées projetées dans de nombreuses villes de France. Le tribunal
administratif, d’abord, a annulé la décision du préfet de Loire-Atlantique mais
le Conseil d’Etat — la plus haute instance administrative de France — a rétabli
la décision d’interdiction. Le Conseil d’état écrit : «
Les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de
nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du
spectacle Le Mur tenues à Paris
ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque
sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des
valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés
par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition
républicaine. »
Autrement dit, il était plus que probable que Dieudonné allait réitérer
ses propos antisémites, parties intégrantes de son spectacle, ce que les juges
suprêmes ne pouvaient tolérer. La morale est donc sauve.
Mais le droit, lui ? La République et la démocratie tiennent la
liberté d’expression comme un droit inaliénable et quasi mystique. Depuis la
disparition de la censure en 1906, l’usage voulait que les tribunaux ne
sévissent qu’après que les faits ont été commis et constatés. C’est ainsi que
Dieudonné a été condamné (légèrement c’est vrai) pour des actes de récidive
répréhensibles. La Ligue des droits de l’homme a considéré qu’une interdiction
en amont serait un très mauvais précédent et pourrait donner des idées (sottes)
à des extrémistes de tous bords, homophobes, racistes, intégristes, j’en passe
et des pires pour nuire à cette liberté d’expression inscrite dans les gènes de
la République.
Pour Jack Lang « il
va de soi que je suis révolté contre M Dieudonné, de ce point de vue j’approuve
pleinement Manuel Valls. Il a tout à fait raison d’engager une bataille idéologique,
philosophique, politique contre ce personnage et contre ce qu’il représente. Si
on se situe sur le plan du droit, les avis sont différents. Notre jurisprudence
est très protectrice de la liberté de manifestation ou d’expression. Par conséquent,
il ne peut y avoir d’interdiction d’une manifestation que s’il y a une menace
irrésistible, puissante à l’ordre public qui ne peut pas être combattue ou prévenue
par les pouvoirs publics ». Je suis sur la même ligne.
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