10 janvier 2014

L'interdiction du spectacle de Dieudonné à Nantes : la morale est sauve


Je ne sais si je dois être heureux de l’interdiction du spectacle-meeting politique de Dieudonné à Nantes ou être mécontent de l’attaque flagrante contre la liberté d’expression suite à la décision du Conseil d’Etat de ce soir. A l’évidence, Dieudonné est antisémite. Tout chez lui respire la haine du juif…parce qu’il est juif, c’est la définition même de l’antisémitisme. Mais comme l’expression de cet antisémitisme est un délit, Dieudonné se cache derrière l’antisionisme. Il ne trompe donc plus personne sur ses véritables motivations et sur le caractère correctionnalisable de ses propos.
Condamné définitivement à maintes reprises pour injures raciales, négationnisme et autres délits financiers, Dieudonné est dans la ligne de mire (symbolique) du ministre de l’Intérieur. Manuel Valls a pris l’énorme risque politique et juridique de demander aux préfets d’interdire les représentations du « Mur » en amont des soirées projetées dans de nombreuses villes de France. Le tribunal administratif, d’abord, a annulé la décision du préfet de Loire-Atlantique mais le Conseil d’Etat — la plus haute instance administrative de France — a rétabli la décision d’interdiction. Le Conseil d’état écrit :  « Les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du spectacle Le Mur tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine. »
Autrement dit, il était plus que probable que Dieudonné allait réitérer ses propos antisémites, parties intégrantes de son spectacle, ce que les juges suprêmes ne pouvaient tolérer. La morale est donc sauve.
Mais le droit, lui ? La République et la démocratie tiennent la liberté d’expression comme un droit inaliénable et quasi mystique. Depuis la disparition de la censure en 1906, l’usage voulait que les tribunaux ne sévissent qu’après que les faits ont été commis et constatés. C’est ainsi que Dieudonné a été condamné (légèrement c’est vrai) pour des actes de récidive répréhensibles. La Ligue des droits de l’homme a considéré qu’une interdiction en amont serait un très mauvais précédent et pourrait donner des idées (sottes) à des extrémistes de tous bords, homophobes, racistes, intégristes, j’en passe et des pires pour nuire à cette liberté d’expression inscrite dans les gènes de la République.
Pour Jack Lang  « il va de soi que je suis révolté contre M Dieudonné, de ce point de vue j’approuve pleinement Manuel Valls. Il a tout à fait raison d’engager une bataille idéologique, philosophique, politique contre ce personnage et contre ce qu’il représente. Si on se situe sur le plan du droit, les avis sont différents. Notre jurisprudence est très protectrice de la liberté de manifestation ou d’expression. Par conséquent, il ne peut y avoir d’interdiction d’une manifestation que s’il y a une menace irrésistible, puissante à l’ordre public qui ne peut pas être combattue ou prévenue par les pouvoirs publics ». Je suis sur la même ligne.

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