Serge Dassaut (photo JDD) |
Corbeil-Essonnes est une drôle
de commune. Le maire, Jean-Pierre Bechter est un protégé de Serge Dassault et l’opposition
de gauche doit faire face à des pratiques qu’on espérait d’un autre âge en démocratie.
Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, les méthodes pour gagner sont les mêmes.
L’une est d’une simplicité enfantine : on paie les électeurs et en
remerciement, ils choisissent le bulletin de vote du généreux donateur.
Évidemment, pour aller sonner chez les gens, il faut des exécutants et les
choisir ne relève pas d’une équation simple. Leur moralité laisse à désirer et
il arrive que des bavures se produisent. On en vient aux mains et aux armes. C’est
ainsi qu’un tireur a tenté de dézinguer un collègue chipeur de voix pour des «
notes » de frais mal réparties ou mal équilibrées.
Dans un enregistrement
maintenant célèbre et publié sur le site Médiapart, Serge Dassault avoue ces
pratiques…inavouables. Il évoque même les centaines de milliers d’euros qu’il a
investis pour gagner lui-même ou faire gagner les élections par ses amis. Comme
toute bonne chose a une fin, Il annonce qu’il ne versera plus un sou. Depuis la
justice a été saisie et des juges d’instruction désignés. Ils collectent des témoignages
permettant de rassembler des indices graves ou concordants permettant d’envoyer
les protagonistes devant le tribunal correctionnel.
Mais il y a un hic. Serge
Dassault est sénateur. Du temps de l’ancien président Gérard Larcher (UMP) M. Dassault,
avionneur et grand patron de presse, avait même un bureau personnel et
permanent au sénat. Avec l’arrivée d’une majorité (théorique) de gauche, ces
avantages ont pris fin. Pour interroger Serge Dassault, ce que les juges ont déjà
fait, et utiliser les moyens coercitifs qu’on oppose à tout un chacun, les
magistrats instructeurs ont sollicité du bureau du Sénat la levée de son
immunité parlementaire. Le bureau comprend une majorité de sénateurs de gauche
et cette levée d’immunité aurait dû passer comme une lettre à la poste. Mais
les votes à bulletins secrets possèdent une part de mystère qu’il appartient
aux exégètes d’interpréter : vous me croirez si vous voulez, mais Serge Dassaut
a échappé aujourd’hui même à cette levée d’immunité si bien que les juges ne
pourront pas le placer en garde à vue !
Le signal envoyé par les
honorables parlementaires est ravageur. Les citoyens sont en droit de se
demander pourquoi Serge Dassault a bénéficié de cette mesure et ils doivent s’interroger
sur l’amitié, sincère ou pas, l’activation des réseaux, connus ou inconnus, le
réflexe corporatiste de ces élus de la nation qui en prennent vraiment à leur
aise. Comme on ignore qui, à gauche, a refusé de lever cette immunité refusée
par la droite, on soupçonne tout le monde et c’est dramatique. Marie-Noëlle
Lienemann, sénatrice socialiste s’est déclarée scandalisée et époustouflée. Jean-Pierre
Bel, président du Sénat, avoue son impuissance. Une fois de plus, comme Lionel
Jospin jadis, il serait temps de se poser la question : le séant est-il réellement
une anomalie démocratique ? Je réponds oui.
Il est ainsi assez aisé au Syndicat de la magistrature de dénoncer après cette décision du Sénat une « justice d’exception où les parlementaires se protègent entre eux du déroulement normal d’investigations pénales. Il est inadmissible, dans un État de droit fondé sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance de l’autorité judiciaire, que perdure ainsi un régime permettant au pouvoir législatif de faire obstruction au fonctionnement de la justice ». De son côté, Anticor « s’élève contre cette décision qui jette le discrédit sur l’ensemble de la classe politique et porte atteinte au fonctionnement de la justice »
Il est ainsi assez aisé au Syndicat de la magistrature de dénoncer après cette décision du Sénat une « justice d’exception où les parlementaires se protègent entre eux du déroulement normal d’investigations pénales. Il est inadmissible, dans un État de droit fondé sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance de l’autorité judiciaire, que perdure ainsi un régime permettant au pouvoir législatif de faire obstruction au fonctionnement de la justice ». De son côté, Anticor « s’élève contre cette décision qui jette le discrédit sur l’ensemble de la classe politique et porte atteinte au fonctionnement de la justice »
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