Retrouver l'esprit de la campagne présidentielle et ne pas baisser les bras. (photo JCH) |
La lettre adressée par
Harlem Désir aux militants socialistes m’inspire plusieurs commentaires. A l’heure
où nombre de camarades déchirent leur carte ou s’indignent fort légitimement qu’un parti de
gauche recèle tricheurs ou malfaiteurs, elle m’invite à rappeler
comment et pourquoi j’ai adhéré au PS en 2006.
Je n’étais pas un homme de
parti. Jusqu’à cette époque, le seul parti qui me convenait était celui du camp
de la gauche représenté par différents mouvements et courants. Et depuis 1965. Co-fondateur du
Comité d’action de gauche de Louviers aux côtés d’Ernest Martin, Serge Bove, et
quelques autres amis, je ne connaissais que trop les défenseurs des chapelles
sans âme plus acharnés à défendre le contenant que le contenu. Pendant des décennies,
mon slogan a été : « Votez à gauche pour des candidats de gauche » !
Ceux que Pierre Mendès France appelait les candidats de progrès pour les
opposer aux conservateurs.
La politique initiée par le
Docteur Martin — rédacteur d’une charte toujours valable aujourd’hui —
politique humaniste, redistributive, juste et avant-gardiste, prouvait qu’on
pouvait mettre ses paroles en actes. Le minimum qu’on puisse demander à un
homme de gauche cohérent. Son fils, Franck, a été élu sur cette plateforme
programmatique et a prospéré sur le terreau du CAG mais au fil des ans, il en a
oublié l’essentiel. Lors de sa seconde élection cantonale puis lors de l’élection
municipale de 2001, il s’est engagé et ses amis avec, au Parti radical de
gauche. Un acte en contradiction avec les fondements du CAG. Mais c’était pour
lui le moyen d’éviter le trop plein au PS et la certitude de pouvoir peser lors
de négociations locales et départementales. Un moyen d’exister, quoi. Le PRG ne
correspond ni à mes options ni à mes envies. Le radicalisme Baylet n’a que peu à
voir avec les radicaux d’hier. Il ne m’est donc pas venu à l’idée de rejoindre ce
parti présidé par un homme de petite dimension.
Ayant soutenu dès 1978 François
Loncle et plusieurs autres candidats socialistes à Louviers et autour de
Louviers, ayant à mon tour compris que l’esprit du CAG n’était plus, localement,
qu’un souvenir mais souhaitant m’investir dans un combat collectif global , j’ai
choisi le Parti socialiste tout en en connaissant ses limites et ses
imperfections. Le socialisme authentique répond cependant aux aspirations de
nombreux Français. C’est pourquoi j’ai accepté d’être candidat aux élections
cantonales et municipales sous cette étiquette PS signifiante aux yeux des électeurs
de la gauche de gouvernement en opposition à la gauche protestataire réfugiée…dans
la seule contestation.
J’ai participé activement
depuis (comme avant d’ailleurs) à toutes les campagnes électorales. J’ai collé
des affiches, distribué des tracts, écrit des textes, milité pour que les
socialistes deviennent ce qu’ils sont : majoritaires au Parlement et
responsables au gouvernement. Lors de la campagne des primaires internes, j’avais
choisi la candidature de Martine Aubry. La maire de Lille a fait preuve, tout
au long de sa vie politique, de rigueur, de cohérence, d’engagement et de
volonté. Elle aurait fait, j’en suis certain, une très bonne présidente et en aurait
remontré à Angela Merkel car il n’y a pas plus européenne que Martine Aubry. La
majorité des électeurs-citoyens ayant choisi François Hollande, j’ai soutenu
loyalement sa campagne et ai été heureux de sa victoire.
A l’heure où tous les
clignoteurs sont au rouge, il faut raison garder. L’affaire Cahuzac et les
placements aux îles Caïman d’un ami de François Hollande démontrent une fois de
plus que se charger du combat contre ses ennemis n’exonère pas de faire preuve
de prudence à l’égard de ses amis. Je sais depuis belle lurette la fascination de certains pour le pouvoir et l'argent. Les attaques des dirigeants de l’UMP ?
Elles n’ont pas cessé depuis le mois de mai. Copé, Fillon, Sarkozy, ne se sont
pas résignés à la défaite. Ils jouent la revanche tous les jours. Les
agressions de Marine Le Pen ? Elles sont constantes contre « l’UMPS » et la présidente
du FN attend son heure. Les reproches véhéments de Jean-Luc Mélenchon ? Il
déteste la sociale-démocratie et fait de son combat contre François Hollande
une affaire personnelle. Il abhorre tout ce qu’il a un jour adoré chez les
socialistes dont il a été camarade pendant trente ans.
Faut-il quitter le navire
quand il tangue, quand la tempête de déchaîne ? Certainement pas. Mais le
président, le gouvernement, la majorité doivent se souvenir des larmes de Gérard
Filoche, membre du conseil national du PS, sidéré par les aveux de Jérôme
Cahuzac. Ils doivent donc en tirer toutes les conséquences : politiques,
institutionnelles, éthiques. Les deux minutes de mise au point du président de
la République ne suffisent pas. Il doit très rapidement envoyer des signes
forts aux militants de gauche et à tous les Français. Il ne faut plus louvoyer.
Alors que les policiers perquisitionnent le bureau et le domicile de Patrick
Buisson (1) il faut placer l’UMP devant ses contradictions et renvoyer ses
leaders à leurs turpitudes. Elles n’exonèreront pas certains socialistes de
leurs erreurs et de leurs fautes. Elles ne conduiront sans doute pas à des attitudes
plus modestes voire plus humbles car les dénégations de Cahuzac pendant quatre
mois en disent long sur le sentiment d’impunité qui l’animait et sur la
certitude qu’il avait de parvenir à se faire oublier. Nous ne sommes plus en
1960. En 2013, il existe des journalistes — des vrais — pour rappeler les règles
élémentaires de l’engagement collectif : probité, désintéressement,
responsabilité. On en voit tant accrochés au pouvoir, aux mandats, aux indemnités…
Remaniement, serrage de
boulons, employons l’expression qu’on veut. François Hollande est le patron. A
lui de démontrer qu’il tient les rênes et qu’il sait où il va. Il ne doit rien
céder : ni sur le vote des étrangers, ni sur la PMA, ni sur la nécessité
de la croissance, ni sur les 75 %. Il doit prendre très rapidement des
initiatives s’il veut éviter ce que je crains : le coup dur avec violence,
suivi d’un retour de la droite aux affaires dans tous les sens du terme.
(1) Patrick Buisson, éminence
grise de Sarkozy, est le dirigeant d’une société de conseils et de sondages qui
a passé des marchés sans appel d’offres avec l’Elysée. Son domicile et ses bureaux
ont été perquisitionnés, hier, dans le cadre d’une information judiciaire pour
détournement de fonds publics, notamment.
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