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L'arrivée de François Hollande au musée de Louviers (photo JCH) |
« La section de Louviers de la
Ligue des droits de l’Homme apprécie particulièrement que vous ayez fait
inscrire sur l’agenda présidentiel une visite en forme d’hommage à la mémoire
de Pierre Mendès France, ancien député-maire de Louviers et Président du
Conseil. Saisissant l’opportunité de votre présence, les militants locaux de
notre association souhaitent vous faire part des réflexions que leur inspirent
certains des évènements politiques survenus dans notre pays depuis le mois de
mai 2012. Nous nous sommes unanimement réjouis, après votre élection, qu’un
nouveau Premier Ministre et un nouveau gouvernement se soient rapidement mis à
la tâche afin de projeter notre pays dans un avenir solidaire en engageant des
orientations en rupture avec celles mises en œuvre sous la précédente législature.
Persuadés que les changements nécessaires ne pouvaient se construire que sur la
base des droits fondamentaux, et restant fidèles à notre conception de la
citoyenneté, nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt les chantiers ouverts par
le gouvernement, en accordant une attention particulière aux domaines relevant
du champ habituel de nos activités.
Le discours de politique générale
prononcé par le Premier Ministre devant l’Assemblée nationale s’inscrivait dans
la droite ligne des propositions que vous aviez précédemment formulées en tant
que candidat. Nous y avons apprécié les références nombreuses et fortes faites
aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice évoquées comme
des facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès. Mais parallèlement aux
signaux positifs envoyés par le nouvel exécutif, que ce soit en termes de
dialogue social, de logement, d’éducation..., d’autres signaux sont rapidement
venus nourrir des interrogations.
—
Situation des migrants
L’attribution au ministère de l’Intérieur
de l’essentiel des pouvoirs en matière d’immigration, d’asile et de
naturalisation s’inscrit, pour nous, dans la droite ligne de la politique antérieure,
qui consistait à aborder la question de l’immigration sous un angle purement
policier. Nous
ne saurions trop vous alerter sur le fait qu’en reproduisant les schémas antérieurs,
le gouvernement semble s’interdire de les remettre en cause, au risque de
reproduire les mêmes errements et d’entretenir les tensions artificiellement créées
sur le sujet, alors qu’il nous paraît essentiel de rompre avec le paradigme de
défiance et de répression.
— Droit de vote des étrangers
Nous nous étions réjouis de
votre engagement en faveur du droit de vote de tous les étrangers aux élections
locales. Nous continuons à penser que ce point doit être une mesure-phare de
votre quinquennat. C’est une réforme de justice et de cohésion sociale, sur
laquelle il nous paraît indispensable de ne pas céder aux pressions de la
droite et de l’extrême droite, en pleine surenchère xénophobe. Bien conscients
des difficultés de mise en œuvre des modifications constitutionnelles requises,
nous persistons à compter sur votre volonté réformatrice en ce domaine.
— Critères de régularisation
Au mois de novembre, le Ministre
de l’Intérieur a fait paraître une
circulaire destinée à fixer des critères stables et pérennes applicables par
toutes les préfectures pour l’examen des demandes de titres de séjour. Comme de
nombreuses autres associations, nous déplorons qu’il n’ait pas été réellement
tenu compte des propositions alternatives que nous opposions à celles que défendait
le ministère dès le départ, alors que la parution du texte avait été longtemps
différée pour permettre justement une véritable concertation. Par ailleurs,
compte tenu des critères retenus, rien ne garantit que l’arbitraire des préfectures
ne puisse perdurer, sachant que l’éloignement du territoire demeure la règle.
Nous n’avons aucune certitude sur la cessation des dérives constatées ces dernières
années, alors que l’attente d’une politique nouvelle était forte. Nous réaffirmons
la nécessité d’un débat sur l’immigration, devant aboutir à une réforme législative
du droit au séjour, du droit d’asile, et du contentieux de l’éloignement qui
soit respectueuse des droits fondamentaux.
— Dérives sécuritaires et
intrusives
Votre proposition de « lutter
contre le délit de faciès » dans les contrôles d’identité « grâce à
une procédure respectueuse des citoyens » nous paraissait une question
essentielle en termes de respect des droits. Elle ne peut selon nous être réglée
par une simple mise à jour du code de déontologie de la police nationale et de
la gendarmerie.
En forme de conclusion, nous n’ignorons
pas que les instances nationales de la Ligue des droits de l’Homme bénéficient
maintenant vis à vis de plusieurs ministères d’une écoute qui ne leur était pas
garantie précédemment, et nous sommes sensibles au changement de tonalité
accompagnant cette nouvelle approche. Les remarques développées dans le présent
mémorandum sont bien entendu conformes aux positions de notre Bureau national,
et ne font pas état de spécificités territoriales, mais elles émanent de
militants qui, par leur expérience de terrain, ont pensé pouvoir vous présenter
leur vision propre, en nourrissant l’espoir qu’elle puisse retenir votre
attention. »
Pour la section de
Louviers de la Ligue des droits de l’Homme, son Président, Bernard Parisot
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