« C’est ainsi qu’il revisite la biographie de Jean-Louis Borloo, personnage clé du « Grenelle de l’Environnement » dont nous savons maintenant ce qu’il faut en penser. La voici, résumée. L’ancien boy scout, étudiant doué, vaguement maoïste, co-fondateur en 1990 de Génération écologie – invention politicienne, nous dit l’auteur, pour empêcher l’émergence des Verts. Tiens donc ! –, bonimenteur de foire hors-pair, fut en 1982, en tant que jeune et brillant avocat d’affaires, « l’inventeur » du dépeçage d’entreprises en difficultés sous couvert de leur venir en aide. Pour cela, il bénéficia de la crédulité de socialistes, fraîchement installés au pouvoir, qui crurent de bonne foi qu’il allait les aider, lui et ses comparses, à réindustrialiser la France dont le textile et la métallurgie sont alors à bout de souffle. Au passage, notons-le, c’est cette méthode qu’utilisa à la même époque Bernard Arnault, à qui Laurent Fabius, premier ministre, fit céder pour une bouchée de pain l’empire Boussac en échange de l’engagement du sauvetage des emplois. C’est en reniant sa promesse et en le dépeçant entièrement que Bernard Arnault commença de construire sa fortune.
Borloo à Bali, il plonge pour aller «repiquer» du corail (photo N Fontrel) |
À première vue, la recette paraît assez simple. Mais le plus difficile est de parvenir à réunir les talents pour qu’elle fonctionne. Prenez un banquier véreux acceptant de financer ces opérations de prédation dans lesquelles il aura sa part du gâteau. Ajoutez un ou des présidents de Chambres de Commerce et d’Industrie, intéressés eux aussi, – on n’est pas entre philanthropes –, utilisés comme rabatteurs. Ce sont eux qui les premiers sont informés des opportunités. Si le banquier véreux est en même temps ancien président de CCI, c’est encore mieux. Trouvez ensuite quelques hommes d’affaires sans scrupules, suffisamment habiles pour embobiner les salariés des entreprises concernées et les faire se tenir tranquilles pendant toute la période du rachat puis ensuite du dépeçage. À Louviers, les anciens de chez Wonder savent de quoi il retourne. Ajoutez enfin, pour faire bonne mesure, l’appui de quelques personnalités politiques proches du pouvoir ou mieux encore, au pouvoir. Avec le soutien de ces derniers, l’avocat d’affaires est en quelque sorte le chef d’orchestre de cette fine équipe. Dès qu’elle est constituée, elle peut alors se mettre au travail.
On comprend ainsi comment la rencontre Borloo Tapie – passons sur les détails – arrive à point nommé. Entre eux, c’est le coup de foudre et une amitié sans faille de 30 ans qui dure toujours. Ensemble, avec l’aide de la banque SdBO, filiale du Crédit Lyonnais (alors banque publique) où le robinet du crédit leur est grand ouvert par un directeur complaisant, ils vont racheter à tour de bras des entreprises en difficulté, mais dans lesquelles se trouvent des pépites. Et ils vont faire ce que leurs anciens dirigeants n’auraient jamais imaginé. Ces entreprises, ils vont ensuite les revendre à la découpe, pour employer une expression qui n’avait pas encore cours, c’est-à-dire morceaux par morceaux, en laissant au passage des milliers de salariés sur le carreau. Le résultat est saisissant. Borloo devient l’un des avocats d’affaires les mieux payés au monde et Tapie, de chanteur raté est devenu en quelques années un homme d’affaires milliardaire. Si habile qu’il va plusieurs années durant faire illusion et être partout présenté comme le sauveteur des entreprises, une sorte d’homme providentiel…
Se produit ensuite – juste pour l’anecdote –, alors que Borloo est maire de Valenciennes, l’épisode fameux du match truqué OM/VA. Ceci alors que Tapie au fait de sa gloire est président de l’OM et que le président du club de Valenciennes n’est autre qu’un certain Michel Coencas, « ferrailleur de haut vol » ainsi que le décrit Fabrice Nicolino, ami des deux premiers, lui aussi devenu milliardaire en usant de la même martingale. C’est d’ailleurs Borloo qui le fit venir à Valenciennes pour présider le club de football.
Certes, Borloo n’a commis au cours de toutes ces années aucun délit constitué. Mais, ainsi que le souligne Fabrice Nicolino, « la fréquentation assidue de délinquants – Tapie comme Coencas feront de la prison – et de personnes habituées à toutes les acrobaties et trucages financiers » n’est-elle pas de nature à pervertir l’esprit ?
Victime d’un revers de fortune, Borloo se dit prêt en 2001 à abandonner la politique pour reprendre du service dans les affaires. Il abandonne son mandat de maire, mais soutient un moment François Bayrou dont il est le porte-parole, pour le laisser tomber un peu plus tard. C’est l’époque où on le voit, ayant flairé la bonne affaire, rôder autour de Moulinex. Mais le démon de la politique le reprend et le voilà en 2002 ministre de la Ville puis de l’Emploi, puis du Logement. C’est dans cette période qu’il lance ses grands projets. Les maisons de l’Emploi qui allaient permettre de réduire massivement le chômage. Et la maison à 100.000 euros dont il devait s’en construire entre 20.000 et 30.000 par an. Moins de trois cents maisons ont été construites sur les 150.000 prévues et cela le plus souvent dans des conditions désastreuses pour leurs propriétaires. Opérations de pure communication, coups de bluff à répétition, mais qui s’en souvient encore à part quelques journalistes d’investigation comme Fabrice Nicolino ?
Car en décembre 2007, se rappelant avec beaucoup d’à-propos qu’il avait été vaguement écologiste aux côtés de Brice Lalonde, Borloo devient ministre de l’Écologie. À Bali en marge de négociations mondiales sur le réchauffement climatique, il plonge en caleçon sous l’œil complaisant des caméras pour repiquer du corail ! Alors, les considérations sur les maisons à 100.000 euros quand on est en charge de problèmes planétaires, vous n’y pensez pas. Vous n’allez tout de même pas l’ennuyer avec de telles broutilles !
La suite, vous la connaissez : c’est la « révolution écologique » annoncée par Sarkozy avec le « Grenelle de l’Environnement » et dont Borloo, comme maître d’œuvre, champion du battage médiatique, sera l’escamoteur en chef de tous les problèmes que dénoncent les vrais écologistes. Le point d’orgue de son ministère étant sans aucun doute, les décrets qu’il a signés en douce à la veille de son départ, partageant le territoire de la France en concessions pour l’exploitation des gaz de schiste entre quelques amis-patrons du pouvoir et leur accordant les autorisations pour les forages de prospection. Un « must » de démocratie et d’écologie…
Pourtant, lorsqu’il quittera il y a quelques mois son portefeuille de ministre de l’Écologie pour réactiver un centrisme évanescent, il se trouvera encore de nombreux journalistes pour souligner sa fibre sociale-démocrate. Pour un peu, on le classerait à gauche. Pensez donc ! C’est lui qui voulait la maison à 100.000 euros pour faire de tous les Français des propriétaires. Un homme comme ça ne peut pas être mauvais ! On a depuis longtemps oublié qu’avec ses complices de l’époque dont l’inénarrable Nanard, il a ruiné la vie de dizaines de milliers de salariés en fermant leurs entreprises et en les jetant à la rue. Fermer les entreprises, n’est-ce pas là le moyen le plus radical de réduire leur empreinte carbone ? Quand on vous dit que Borloo, ça rime avec écolo. Mais pas seulement…»
Reynald Harlaut
Sources :
Fabrice Nicolino : « Qui a tué l’écologie ? »
Le Canard enchaîné
Fabrice Nicolino, « Qui a tué l’écologie ? », Éd. Les Liens qui libèrent, Paris, mars 2011, 20,50 € dans les bonnes librairies.
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