8 janvier 2011

L’Europe qui nous protège, disaient-ils…


« Combien de fois n’ont-ils pas entonné ce refrain de « L’Europe qui nous protège » pour nous faire mieux avaler les couleuvres libérales ?

L’Europe qui nous protège est devenue, en même temps qu’une vérité intangible, une sorte de mythe. Passe encore pour ces soixante années de paix, encore qu’il y a lieu de s’interroger sur les véritables raisons de la paix en Europe. L’équilibre de la terreur que firent longtemps régner d’un côté les Américains et de l’autre les Soviétiques y est très certainement pour beaucoup plus que l’Europe elle-même.

L’Europe, c’est-à-dire l’Europe des six, puis celle des douze – la Communauté européenne –, et enfin celle des vingt-sept – l’Union européenne –, n’a jamais eu la moindre politique sociale. Autrement, cela se saurait. Communauté économique, il fallait bien commencer par quelque chose avant d’envisager de faire l’Europe politique et sociale. À dire vrai, l’entrée du Royaume-Uni dans l’Europe a signé la fin de tout espoir de voir un jour se mettre en place une politique sociale européenne, si tant est qu’il y aurait eu quelques velléités de la faire, ce qui reste à démontrer.

Le virage néolibéral des années 80 avec le thatchérisme a accéléré la pente naturelle de la Communauté européenne, centrée sur l’économie, à ne se préoccuper que du marché et de la concurrence. De préférence libre et non faussée. Elle a entrepris depuis le début des années 90 de tordre le cou à tout ce qui peut ressembler à du service public, décidant sans l’avis des peuples qu’il fallait privatiser les télécommunications, puis les services postaux, les transports publics, l’énergie et bientôt la santé, l’éducation et la culture.

Nonobstant les conséquences partout visibles de la crise ayant pour origine la dérégulation généralisée et l’affaiblissement organisé de la puissance publique, l’Europe, contre l’évidence que l’impasse dans laquelle se trouvent la plupart des pays occidentaux est la conséquence de ces politiques néolibérales, continue son chemin comme si rien n’était.

Et d’anti-démocratique qu’elle a été, n’hésitant pas à faire revoter les peuples autant de fois que nécessaire pour qu’ils acceptent ses décisions, elle est devenue autoritaire quand son attitude ne frôle, comme c’est désormais le cas, le totalitarisme. La volonté de soumettre les budgets des nations à son contrôle avant même qu’ils ne soient débattus par les parlements de ces pays, portant ainsi atteinte délibérément aux souverainetés nationales, en est la parfaite illustration.

Et, puisque les peuples et mêmes leurs élus ne se révoltent pas contre ces projets scandaleux, pourquoi donc ne pas en profiter pour aller plus loin dans la destruction de tout ce qui peut encore faire obstacle à la liberté que réclament les banquiers, les acteurs économiques : le patronat et les politiciens les plus réactionnaires ?

La Commission européenne vient d’adresser aux députés européens le fruit de ses dernières cogitations : un projet visant à la révision de la directive sur le temps de travail. En fait, elle revient à la charge avec une proposition de 2008, soutenue par Nicolas Sarkozy, mais alors rejetée par le Parlement européen. Qu’à cela ne tienne, il suffit, comme pour la directive Bolkestein, de patienter un an ou deux pour la représenter ensuite.

Si cette proposition était votée, elle permettrait, entre autres choses, de systématiser l’annualisation pour calculer le temps moyen de travail hebdomadaire. Et, pour faire bonne mesure, d’étendre à quinze jours la période sur laquelle un salarié doit obligatoirement disposer de deux jours de repos consécutifs. Ce serait donc la remise en cause du repos hebdomadaire conquis pour la France en 1906. Une terrible régression sociale de plus. Imaginons un instant ce que serait la vie de personnes seules élevant des enfants et qui n’auraient, par l’application de cette mesure et le système de la garde alternée, la possibilité de passer avec eux qu’un seul week-end par mois.

Vous reprendrez bien un peu d’Europe…

Reynald Harlaut
Parti de Gauche

Source : le blog de J.-L. Mélenchon « À Jarnac et à Berlin…. » du 07/01/2011.

Illustration :
Hans Holbein le Jeune (Augsbourg, 1497/98 – Londres, 1543) – Portrait des Ambassadeurs Jean de Dinteville et Georges de Selves – HSB – (207x209) – 1533 - Londres, National Gallery.
 Quel est-donc cet étrange objet ressemblant à un os de seiche, représenté en position centrale au premier-plan du tableau ? Il s’agit d’une anamorphose. Le tableau était disposé dans une pièce de telle manière que le visiteur en entrant, en avait une vision latérale qui rétablissait la réalité de l’objet, c’est-à-dire sans déformation. Il s’agit d’un crâne humain, expression de la vanité.

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