8 janvier 2010

« Philippe Séguin était un homme de courage, de colère et de conviction »

Marc Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, vice-président du conseil régional de Haute-Normandie, conseiller référendaire à la Cour des comptes, me prie de bien vouloir publier ce texte après le décès de Philippe Séguin.

« Je n’étais pas proche ou ami de Philippe Séguin. Pourtant certains de mes amis comme Nicolas Baverez l’adulaient et j’ai eu la chance de le croiser à plusieurs reprises au cours des vingt-cinq dernières années. Jeune fonctionnaire à Lille, j’avais organisé, en 1986, un de ses premiers déplacements en province comme Ministre des Affaires Sociales. A la demande d'Henri Emmanuelli, dont j’étais le Directeur de cabinet, j’avais veillé à la transmission des responsabilités, d’une équipe à l’autre, lorsque, succédant au Député des Landes, il était devenu Président de l’Assemblée Nationale. Laurent Fabius, fidèle à son élégance, m’avait demandé, entre 1997 et 2001, que l’on respecte le grand parlementaire qu’il était. Enfin, à la Cour des comptes, il avait été mon collègue, puis mon chef de juridiction.

Chacun l’a dit. C’était un Républicain. Mais plus que de l’égalité, de la liberté et de la fraternité, il était amoureux de l’État, de la Patrie, et de la Nation. C’est en cela qu’il rejoignait De Gaulle et Napoléon, qu’il respectait Mitterrand et Gambetta, vénérait Pompidou et Clémenceau. Il croyait aux valeurs de la France. Elles dépassaient, pour lui, la nécessité de l’Europe et faisaient l’originalité de notre pays dans le monde. Il savait la relation profonde, lui l’enfant de la Méditerranée, qui existe entre l’identité et l’intégration. Je l’avais rencontré à Mégara, dans les faubourgs de Carthage, voici peu de temps. Le Tipaza de ce Camus tunisien s’appelait Sidi-Bou-Saïd. Pour avoir vu comment il portait le message international de la France, celui des Droits de l’Homme et des Lumières en Afrique, au Maghreb, je ne crois pas qu’il aurait prisé un débat qui, pour définir ce qu’est un français, s’acharnait à exclure, s’interdisait de comprendre, oubliait le simple bon sens et la tolérance pour recourir à l’anathème et aux charters.

Moins connu, sans doute, était son attachement profond au cérémonial, aux usages, au protocole de la République. Non pas qu’il fut compliqué ou pompeux. Voir un match de football à côté de lui, pas rasé et fasciné, disait sa simplicité. Mais il était clair qu’à l’Elysée, à Matignon, au Palais-Bourbon, «on» représentait par sa fonction le peuple, le drapeau, la constitution. Pas question de s’y comporter en boutiquier ou en palefrenier. Il fallait tenir son rang. On devait à la collectivité des citoyens dignité, intelligence et désintéressement. Il incarnait cette triple dimension à la perfection.


Pour la même raison, l’ancien premier magistrat d’Epinal ne souffrait pas qu’on ne donne pas à un Maire la place que le suffrage universel lui accordait. Au nom de ces principes, au delà du jeu, de la tactique, de la comédie dont, en acteur consommé, il abusait, son visage plissé ne laissait plus apparaître qu’un œil noir face aux dérives d’une présidence à l’américaine, d’une classe politique menée par la communication plus que par la réflexion, de collectivités locales désormais calquées sur le système allemand et laissées sans moyens par une réforme fiscale qu’il qualifiait volontiers
d’« usine à gaz ».

Singulier par les gestes, exceptionnel par les mots, c’était un homme de courage, de colère et de convictions. Il n’était pas exempt de mauvaise foi et, de temps à autre, les parapheurs vers ses collaborateurs volaient bas. C’est paradoxalement ce qui le rendait attachant.

C’était un homme de droite, viscéralement anti-communiste, dont le Gaullisme était tantôt social, tantôt – hélas – libéral et qui, les socialistes en ligne de mire, pouvait être cruel avec ses adversaires. C’est ce qui le rendait agaçant.
C’était un homme gouverné par l’enfance, l’instinct et la mélancolie. C’est ce qui le rendait déroutant.
C’était un homme authentique, puissant, fait de chair et de sang. C’est ce qui le rendait humain tout simplement.

Vivant, il s’était enfermé, par orgueil ou par résignation, par choix ou par obligation dans un splendide isolement qui ne le caractérisait pas seulement politiquement. Ces ailes de géant l’empêchaient de marcher. Il impressionnait. Il en jouissait et il en souffrait. Sa mort provoque la tristesse et l’émotion d’un nombre considérable de gens. Il faut lui rendre hommage, saluer son œuvre et méditer, à son exemple, cet art de pratiquer la différence qui était une éthique ou une philosophie bien davantage qu’un comportement chez Philippe Séguin.»

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Qui est Marc-Antoine Jamet ?
Pourquoi vous prie-t-il de publier ce papier ?
Pourquoi obtempérer ?
Auriez-vous peur ?
Ou pensez-vous qu'il est important que l'on sache que cet individu connaît une célébrité ?

Jean-Charles Houel a dit…

D'habitude, je ne publie pas ce genre de commentaire volontairement malveillant. Il me prie de publier ce papier parce qu'il sait que mon blog a un succès réel et qu'il souhaite être lu.
Je n'obtempère pas. Je suis libre et je fais ce que je veux.
Peur ? Moi, peur de quelqu'un ? Me connaissez-vous ? Etes-vous membre du SAC ou de quelque officine ?
Que Marc Antoine Jamet soit conseiller référendaire à la Cour des comptes, voilà qui vous chagrine. Qui est Marc Antoine Jamet ? Il est lui-même et c'est très bien ainsi. Et vous, qui êtes-vous pour tant aimer l'anonymat et poser des questions idiotes ? Brrrrk.

alain lefeez a dit…

Tout en respectant la mort d’un homme, je ne comprendrais jamais cette soi-disant gauche (socialiste la plupart du temps) quand elle pleure un homme de droite « grand serviteur de l’état… », « il aimait la république… », etc…
Ne comptez pas sur moi pour encenser un politicien de droite, longtemps proche de Pasqua et ami de Guaino.
Grand serviteur de l’état ? Comme ministre des Affaires Sociales, c’est lui qui à l’assemblée nationale à fait voter la loi supprimant l’autorisation administrative de licenciement. Depuis 1986, les patrons peuvent licencier comme ils veulent sans aucun contrôle. Grâce à Philippe Séguin des milliers de travailleurs se sont retrouver sans boulot et sans que leurs patrons aient eu besoin de le justifier.
Il parait que la République lui était chère. Mais pourquoi n'a-t-il jamais dénoncé le Sarkozysme qui porte en lui les dérives du pouvoir absolu. Vous l'avez-vu depuis deux ans, Philippe Seguin au côté des grévistes ? des chômeurs ? des sans-logis ? des expulsés ? Si la planète politique savait s'apitoyer avec autant de vigueur sur le sort du peuple, ce peuple pourrait peut-être avoir espoir dans l'avenir. Tant que ça ne sera pas le cas, il ne faut pas compter sur moi pour rejoindre le chœur des crocodiles larmoyants.
Toute sa vie Philippe Seguin a servi le capital. Et qu’est ce que servir le capital ? Ce sont des SDF qui meurent de froid dans la rue, ce sont des milliers de retraités qui font les poubelles, ce sont des milliers de gens qui ne se soignent plus ou pas souvent. etc...
Et dans quel but ? Enrichir encore et encore les capitalistes et les bénéficiaires du bouclier fiscal. Philippe Seguin était notre ennemi.
Pour le reste, comme pour tout être humain, condoléances à sa famille.

Anonyme a dit…

Cher Monsieur Houel,

Vous le savez bien que Marc Antoine Jamet Maire de Val de Reuil, certes est de Gauche du PS, mais les habitants de sa commune le connaissent pour ses idées de droite et le coeur à Gauche pour le portefeuille sans le blesser.

Mais en revanche il faut rendre hommage à un grand homme de l'histoire Politique de notre pays,un serviteur loyal tout de meme!

Bien à vous,

Michel Durand
CCOMPTES-SCDRE

Anonyme a dit…

Entièrement d'accord avec Alain ! Sophie Ozanne

Anonyme a dit…

Cette comparaison de Philippe Séguin avec Albert Camus me semble tout à fait déplacée. A part le fait d'être tous deux natifs de ce qu'on appelait alors l'Afrique du Nord, je ne vois pas ce que pouvaient avoir en commun ces deux hommes. Ou alors, c'est que Gauche et Droite ne veulent plus rien dire. Et c'est une fois de plus entretenir la confusion dans les esprits.
Ce contre quoi nous nous élevons.
Reynald Harlaut
Parti de Gauche

Anonyme a dit…

Quand je lis certains commentaire, je voudrais y répondre ceci :

Liberté, égalité, fraternité, donc je ne parlerais pas en terme d'ennemi pour désigner quelqu'un qui a des opinions politiques différentes.
M Jamet respecte l'opposition et surtout l'homme, le citoyen en lui rendant hommage. Qu'on le veuille ou pas, Philippe Séguin a contribué à l'histoire de France en tant qu'homme politique.
Qu'il repose en paix.
Et comme d'habitude, je reste "anonyme" et je ne l'ai pas connu personnellement, ce qui ne m'empêche pas d'avoir du respect envers un mort.

Sylvia Mackert

alain lefeez a dit…
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alain lefeez a dit…

Quand je parle d’ennemi, je veux dire ennemi de classe évidemment. Et justement, dire à la mort d’un homme qu’il était notre ennemi quand on a combattu sa politique tout au long de sa carrière, c’est le respecter. Lui faire des révérences de circonstance, cela s’appelle de l’hypocrisie. Heureusement pour Philippe Seguin, il n’aura jamais connaissance de ces hommages que je dénonce. Il n’aurait certainement pas apprécié cela. Mais même dans les hommages, les contradictions entre les classes sociales restent une réalité.

Anonyme a dit…

Effectivement, la franchise est une marque de respect face à son "ennemi" ou adversaire.
Mais comment arriver à la cohésion sociale si on continue à parler de lutte de classe et qu'on attise la division en déclarant les autres "ennemi de classe" ?

Sylvia Mackert

Anonyme a dit…

Ah ! La cohésion sociale. Parlons-en ! Demandez donc aux centaines de milliers de salariés licenciés parce que leurs patrons et les actionnaires ont préféré délocaliser la production dans des pays à faible coût de main d'œuvre pour s'en mettre encore plus dans les poches, ce qu'ils pensent de la cohésion sociale...vue par le patronat. Demandez à M. Bernard Arnault ce qu’il a fait des salariés de la dernière entreprise de confection qu’il possédait en France à Poix-du-Nord, laquelle fabriquait jusqu’en 2008 les costumes pour Kenzo et Givenchy, donc à très forte valeur ajoutée.

Il faut s'appeler Martine Aubry pour faire figurer dans son bilan, comme une réussite d'être parvenue à réconcilier les Français avec l'entreprise. En fait, parvenir à les endormir et permettre ainsi que se mette en place, dictée par l’Europe, la libéralisation la plus sauvage qui soit.

Bien sûr, il ne s'agit pas là de stigmatiser les artisans ou des patrons de PME, entrepreneurs qui par leur intelligence et leur travail créent de la richesse et de la valeur ajoutée. Mais toutes les grosses sociétés, notamment celles cotées au CAC 40, ont depuis longtemps abandonné la logique entrepreneuriale pour une logique strictement financière, quand elles ne sont pas directement aux mains des fonds de pension. Et là, ce ne sont pas 5 à 6% de rendement financier qui sont la norme, mais des rendements à deux chiffres, 15 à 20%, qui conduisent à supprimer l’investissement, à écraser les salaires, à favoriser la précarisation des salariés, quand ce n’est pas à les pousser au suicide.

Il n’est pas de société qui puisse durablement se construire et exister dont les ressorts sont l’inégalité et l’injustice. Je crois que c’est Camus qui a dit cela.

Reynald Harlaut
Parti de Gauche

Anonyme a dit…

Je suis pas de droite mais Mr Seguin était un grand homme et je prenais toujours du tempq pour écouter ses discours. Nous perdons un grand personnage qui fera défaut à la France. C'était un sage. que dieu le garde