Albert Frère ou le frère Albert…
1 - L’État se lance dans la restauration rapide
C’est une bien curieuse information qu’a mise en ligne il y a quelques jours le site Rue89. Alors même que l’obsession était de privatiser tout ce qui de près ou de loin pouvait ressembler à du service public, l’État, par l’entremise de la CDCCI (Caisse des dépôts et consignations capital investissement), filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), s’est porté acquéreur en 2006 de la chaîne des restaurants Quick. Que venait faire l’État dans la restauration rapide ? Était-ce un secteur éminemment stratégique au point que seul l’État pouvait et devait s’en occuper ?
À Louviers, on connaît déjà la cuisine électorale – la dernière recette est régionale et en train de mijoter – et on a une petite idée de ce que peut être la cuisine politique. Mais là, on serait tenté de croire que Quick devait être en possession de la potion magique pour que l’État s’y intéresse à ce point. Curieux, nous y sommes allés voir, et, comme c’est le moment de tirer les Rois, pour vous remercier, fidèles lecteurs, nous avons le plaisir de vous en offrir la recette. Enquête faite, il ne s’agit pas d’une potion mais d’une sorte de galette. Suivez bien et prenez des notes !
2 - La recette de la bonne galette fourrée
Les bons ingrédients pour que ça réussisse :
— Une chaîne de restaurants Quick, dont le propriétaire est un groupe belge : GIB (Grand Bazar, Inno(vation), Bon Marché), géant de la distribution, lui-même propriété d’un groupe encore beaucoup plus grand, le groupe Albert Frère. On dirait, pour faire simple, que ça ressemble à un oignon tant il y a de peaux.
— Une participation dans le groupe BTP-Eiffage appartenant à la CNP (Compagnie nationale à portefeuille), propriété du même groupe Albert Frère, de haute volée.
— Une société, GBL (Groupe Bruxelles Lambert), encore propriété du groupe Albert Frère, un must de la finance internationale.
— Un groupe français, le groupe Suez, dont il se dit dans les milieux autorisés que l’actuel chef de l’État préparait dès 2004 la fusion avec le Groupe gazier (GDF pour simplifier).
— 500 g de plâtre Lafarge pour remplacer la farine et les rouler.
— Une cuiller à soupe de pétrole Total pour faire flamber.
— Un sachet de chocolat en poudre de chez Bolloré pour saupoudrer.
Le grain de sel qui peut faire tout rater (à éviter absolument) :
— Un homme d’affaires lorrain, actionnaire dans plusieurs sociétés du groupe Albert Frère, échaudé et semble t-il plumé à vif par l’Albert Frère* lors du rachat par lui d’une société textile propriété de GIB. En résumé, une bagarre entre requins qui tourne mal et vire au règlement de comptes.
La préparation :
— Dans un grand saladier, versez la chaîne de restaurants Quick et battez là vivement au fouet pour faire monter la sauce. De 300 millions d’euros qu’elle valait en 2004, vous la faites ainsi monter jusqu’à 800 millions d’euros. Alléchant n’est-ce pas ? Bien sûr, il faut avoir un bon coup de poignet, mais avec de l’entrainement…
— Avec cet entrainement, vous faites subir la même chose à la participation dans le groupe BTP-Eiffage que vous faites ainsi croître de 30%.
— Et puis, sur votre lancée, vous continuez avec GBL. Vous le faites ainsi monter dans le capital de Suez, que vous faisiez réchauffer à feu doux depuis 2004.
— Ajoutez lentement le plâtre Lafarge pour la consistance et la prise.
Là, vous admirez votre œuvre, vous la mettez à four bien chaud pour la cuisson et avant qu’elle n’ait refroidi, vous la fourguez comme pièce montée à la CDCCI (qui a nécessairement reçu du Gouvernement l’ordre d’acheter…) donc à nous contribuables français, après l’avoir fait flamber au pétrole Total puis nappée de chocolat Bolloré pour en faire oublier l’odeur. Ça, c’est pour les pigeons que nous sommes, car la galette, la vraie, c’est pour l’Albert et ses copains.
3 – Le service
Avec le produit de cette vente miraculeuse, que fait ensuite l’Albert ? Eh bien, l’Albert Frère, l’ami-patron, il « monte » comme ils disent, au capital de Suez, pour peser sur la fusion avec GDF voulue par notre président. Lequel pour finir le récompense comme il se doit, lui et son associé (notamment au capital de Suez), le milliardaire canadien Paul Desmarais, par la remise de la grand-croix de la Légion d’honneur. Ça c’est pour la galerie ! Pour le reste, on ne sait pas, enfin, pas encore. Mais ne soyons pas naïfs. On n’est pas entre philanthropes.
Et le grain de sel dans tout ça ? C’est du fiel de requin lorrain qui, pas content du tout de s’être fait rouler dans de la farine Lafarge, a mis au jour toutes ces combines et les a portées devant un tribunal belge. Car devant le tribunal français, le procureur aux ordres lui a dit : « circulez, y a rien à voir ».
Si le cœur vous en dit, vous pouvez encore essayer la même recette avec Véolia. La fusion avec EDF voulue sur le même modèle que GDF-Suez par Sarkozy est déjà bien dans les tuyaux. Mais eux, pour les attraper c’est une autre paire de manches car le grain de sel, c’est comme avec les oiseaux, faut leur mettre sous la queue ! Et ils savent voler !
4 - Conclusion
La restauration rapide, comme son nom l’indique, c’est de la galette rapide à préparer, encore plus rapide à croquer, et, à la réflexion, on se dit que vite fait, vite pris, ça ressemble bien à du Sarkozy. Mais ce n’est pas qu’une histoire belge de plus. Et ne riez pas, comme disait le regretté Coluche en d’autres termes, c’est avec votre argent !
RH
*L’Albert Frère est de toutes les saisons et circonstances. L’été, sur la terrasse en ciment Lafarge, avec des glaçons et cinq volumes d’eau, puisqu’il a des actions chez Pernod-Ricard, l’hiver devant son poêle à fioul puisqu’il a des actions chez Total, et bien sûr devant sa gazinière alimentée par GDF-Suez.
1 commentaire:
Si c'est l'état, ne serait-on nous aussi, par conséquent, actionnaires ?
Sylvia Mackert
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