J'ai écouté Yves Jego, secrétaire d'Etat aux départements d'Outre-mer, invité à l'émission de Paul Amar « Revu et corrigé » sur la 5. Le thème en était évidemment : les événements de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion etc. Mon sentiment est qu'il a compris que la révolte contre la vie chère recouvre d'autres revendications plus anciennes. S'il est vrai que ni la Guadeloupe ni la Martinique n'ont souhaité devenir des pays indépendants lors de la période de décolonisation, la majorité de la population souhaitant demeurer au sein de la communauté nationale française, il n'en reste pas moins que le passé esclavagiste des îles laisse des traces. Elles sont particulièrement évidentes dans les relations entre békés (blancs descendant des colons) et descendants d'esclaves. Si l'on ajoute que l'administration étatique ne laisse que peu de place aux enfants des îles…
Le pouvoir économique est à 95 % dans les mains des békés qu'il s'agisse des supermarchés, des stations d'essence, des grands commerces et les prix pratiqués y sont bien supérieurs à ceux de métropole. J'ignorais d'ailleurs que les productions locales : cannes à sucre, bananes, etc. ne peuvent être « exportées » qu'en France selon des règles strictes dites du commerce exclusif qui fonctionne également dans le sens métropole-Outre-mer. Le taux de chômage y est très élevé.
Yves Jego reconnaît que les collectivités locales (dirigées par des socialistes ou apparentés) ont fait de gros efforts pour satisfaire certains besoins. L'Etat, assure-t-il pour ce qui le concerne, aussi. Mais le bât blesse dans le domaine des salaires. Les grévistes exigent 200 euros d'augmentation des bas salaires. Yves Jego répète qu'il ne peut pas négocier à la place des patrons et des syndicats. Il propose des aides aux PME-PMI sous forme de réductions de charges, un plan plus vaste pour l'Outre-mer mais se dit incapable de résoudre ce problème fondamental des salaires. Il ajoute que la négociation n'est pas une tradition en Guadeloupe : « historiquement on y pratique plus facilement l'affrontement. »
Ceux qui suivent avec attention le conflit en cours analysent la situation ainsi : le gouvernement semble jouer le pourrissement, il compte sur la lassitude des habitants qui souffrent du manque d'essence, de ravitaillement, d'autant que cette période de l'année est la plus favorable au tourisme…mais des événements plus graves peuvent survenir. Martine Aubry l'a déclaré hier : elle craint que la situation ne dégénère et ne gagne la métropole. Le sentiment de ras-le-bol y est très fort également.
Lilian Thuram, guadeloupéen, l'a souligné dans une interview à un journal parisien. Les événements de 1967 en Guadeloupe (avec 87 morts) ont précédé les événements de mai 68 en métropole. Le contexte n'était, certes, pas la même : on ne vivait pas une grave crise économique mais les rapports entre patronat et salariés n'étaient pas loin de ceux qu'on connaît dans les îles. Il y eut le Grenelle des salaires et la reconnaissance syndicale puis il fallut attendre l'arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981…les lois Auroux, les lois Aubry…
La révolte pourrait venir des jeunes à qui on n'offre qu'un avenir dévalorisé et endetté. Une forme de désespoir.
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