29 novembre 2008

En prison dès 12 ans ? Pourquoi pas 10 ou 8 ou 6 ?

Le 15 avril dernier, la ministre de la Justice, Rachida Dati avait mis en place un groupe de travail, chargé de faire des propositions pour réformer l'ordonnance du 2 février 1945 sur la justice des mineurs. Le rapport propose de fixer l'âge de responsabilité pénale à 12 ans. L'âge légal d'un placement en détention provisoire pour un crime était cependant fixé à 13 ans. Il passerait donc à 12 ans. Parallèlement, l'âge de la majorité pénale serait abaissé de 18 à 16 ans.
Un juge unique serait nommé pour juger les délinquants susceptibles d'encourir des peines inférieures à cinq ans d'emprisonnement. Le rapport présente 70 propositions, parmi lesquelles une « diversification des réponses » à la délinquance juvénile : placement sous surveillance électronique, confiscation de biens, travaux d'intérêt général, suivi éducatif en milieu ouvert... Les mesures éducatives ne relèveraient plus des juges, mais des conseils généraux. La commission se prononce également pour des incarcérations de mineurs en fin de semaine, « pendant quatre week-ends successifs » au maximum.

Selon l'Union syndicale des magistrats (USM), « le rapport n'est pas en conformité avec un certain nombre d'accords internationaux des droits de l'enfant ». Le Syndicat de la magistrature estime « qu'on est dans une politique du tout pénal ». Le principal syndicat d'éducateurs judiciaires, le SNPES-PJJ, a annoncé le dépôt d'un préavis de grève pour mercredi.

Rachida Dati et Nicolas Sarkozy, fidèles à leur ligne de conduite, souhaitent que les juges condamnent avec une sévérité accrue et cela, de plus en plus tôt. On se souvient du débat qui avait opposé le (alors) candidat à la Présidence de la République et le philosophe Michel Onfray sur le déterminisme « délinquant » décelable dès la crêche ou dès l'apprentissage en école maternelle. En quelque sorte, le futur délinquant d'un homme serait inscrit dans son profil génétique…Tous les biologistes et les pédopsychiatres dignes de ce nom et nombre de Français avaient protesté contre cette vision erronée de la vie et de l'homme. Aucun déterminisme social et biologique n'existe. Ce serait refuser cette part de liberté et de choix que la civilisation offre à tout individu éduqué. C'est accepter une forme de fatalisme qui remet en cause l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

Pascal Nicollier, avocat à Vevey fait de cet article 1 l'analyse suivante :
« L’article 1er est directement issu de l’Etat de nature, il s’agit du principe de l’égalité. Les hommes naissent égaux, mais ils le demeurent aussi : c’est un droit inaliénable et imprescriptible. Ce principe a une connotation politique car il marque clairement la fin de l’Ancien Régime, mais il représente aussi un principe général du droit. L’Egalité est le fer de lance de toute la Déclaration: elle se retrouve dans la plupart des idées philosophiques qui ont donné naissance à ce texte, soit la liberté politique, la séparation des pouvoirs, la liberté de commerce et d’industrie, l’abolition des privilèges, ainsi que de nombreux autres droits fondamentaux. Ce principe apparaît plus ou moins dans la plupart des articles suivants de la Déclaration: égalité devant la loi (art. 6), devant la justice (art. 7 à 9), devant l’impôt (art. 13).

Toutefois, des distinctions sociales peuvent être faites en fonction de “l’utilité commune”. Ce n’est plus la naissance qui fait le rang social, mais la formation. On conçoit qu’il est préférable de laisser le pouvoir entre les mains de personnes cultivées et formées à cet effet. C’est une conception qui va dans le sens des idées de Voltaire sur le “pouvoir éclairé”. »
Pascal Nicollier Avocat au barreau, Lic. en droits suisse et européen (Fribourg), LL.M. (Heidelberg)
http://www.liberte.ch/

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