2 décembre 2020

La guerre de l'eau ne fait que commencer

J’ai regardé et écouté avec attention et un certain effarement, je dois le reconnaître, le film de Jérôme Fritel et intitulé « Main basse sur l’eau », diffusé mardi soir sur Arte. Les sécheresses et incendies australiens servent de fil conducteur introductif à un documentaire destiné à dénoncer la marchandisation de l’eau qui devient l’objet des fonds « vautours ». Le changement climatique et l’appétit des banquiers nous annoncent des lendemains très difficiles. En Australie, la catastrophe a lieu dès aujourd’hui. Il faut entendre ces fermiers, éleveurs laitiers, pieds et poings liés soumis aux volontés de ces fonds d’investissements qui leur vendent de l’eau à coup de millions de litres et de millions de dollars. Il faut entendre ce banquier trop heureux de souligner que son objectif n’est pas de satisfaire les consommateurs mais « de créer de la richesse pour ses actionnaires. » Pour les traders australiens, l’eau n’est rien d’autre qu’une marchandise. Point barre. Elle doit être soumis à la loi de l’offre et de la demande. Que certains en manquent ou ne puissent pas la payer, c’est la loi du marché dans toute son immoralité et toute sa barbarie. Pas une larme à verser. Que de l’argent à se faire.

 

Les fermiers interrogés ne comprennent pas le marché de l’eau. Ils ne comprennent pas que cette eau tombée du ciel soit devenue un produit financier et non de consommation. Car l’eau peut être un vrai filon. Comme tout ce qui devient rare, l’eau s’est transformée en arme spéculative : « Les rendements atteignent 25 % ! » Et au fil du documentaire, on devine que l’Amérique est sur le point de succomber, que la Californie elle aussi, va bientôt manquer d’eau et que la guerre de l’eau est déjà commencée.

 

Sommes-nous en Europe et en France en particulier, à l’abri de ce qui peut sembler comme une aberration ? Certainement pas. L’exemple britannique est éclairant. Margaret Thatcher a obtenu la privatisation de l’eau avec des conséquences tragiques. Elle clamait que le privé faisait toujours mieux que le public ! Mais le privé travaille pour des temps courts quand la collectivité, elle, doit voir loin. Ce qui compte pour les spéculateurs ce sont les rendements financiers pas le volume des investissements. Quand on voit que les dirigeants de Véolia ont jeté leur dévolu sur Suez (qui refuse l’OPA) pour ainsi détenir le monopole de l’eau en France, on tremble également à l’idée d’entendre ces derniers assurer qu’un fonds d’investissement dédié évitera la censure des politiques…

 

Ce qui nous ramène immanquablement au débat en cours au sein de l’agglomération Seine-Eure sur l’avenir du mode de gestion de ce bien commun fondamental qu’est l’eau du robinet. Revenir en régie publique n’est pas seulement un choix politique. C’est aussi une manière de défendre ce qui fait société dans un pays comme la France. Notre département n’est plus épargné par les sècheresses chroniques dues au changement climatique. Chacun et chacune d’entre nous mesurent combien le fait de disposer d’une eau potable en quantité et en qualité à un prix raisonnable devient un bien précieux à ne pas mettre en toutes les mains. Défendre la régie publique c’est défendre ce bien commun.C'est défendre l'avenir.

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