Sur TF1 récemment, François Fillon a mis en avant son
engagement religieux pour justifier le fait qu’il n’oubliera pas d’être
solidaire à l’égard des populations fragiles ou précaires. « Je suis chrétien,
a-t-il assuré, et comme tel etc.etc.» Comme François Bayrou l’a remarquablement
noté, et bien qu’il soit lui-même croyant, c’est la première fois qu’un
candidat sérieux à la présidence de la République se réfère à une religion. François Bayrou affirme qu’il s’agit là non seulement d’une maladresse mais encore
d’une faute.
La société française est une société au sein de laquelle la
laïcité est un bien commun partagé par tous, croyants et non croyants. Cette
laïcité, spécificité française permet, sous le même toit, de vivre ensemble
malgré des différences voire des divergences. Il est inconcevable — même si
certains s’en exonèrent — qu’un futur éventuel président de la République ose
se référer à ce qui relève de la sphère privée pour justifier des actes
publics. Nous ne sommes pas dans un pays où le religieux et le séculier sont
mêlés. Nous ne sommes pas dans un pays où la religion doit dicter ses choix à
un quelconque élu du peuple. La loi de 1905 sur la séparation des églises et de
l’Etat est une loi fondamentale. C’est cette loi qui permet la cohabitation
plus que pacifique entre les différentes religions et des institutions. Cette neutralité s'impose à tous.
La remarque de François Fillon nous éclaire un peu plus sur sa personnalité. En effet, le
Canard enchaîné nous apprend, cette semaine, que le candidat de la droite et du
centre a l’intention de rendre obligatoire la scolarité à partir de l’âge de 5
ans afin, prétexte-t-il, que les enfants s’initient, dès l’école maternelle, à
l’apprentissage de la lecture. Il se trouve que les élèves des grandes sections
de maternelle bénéficient d’ores et déjà des conseils avisés des enseignants et
bon nombre d’entre eux (les élèves) bénéficient d’une maîtrise certaine de la
lecture en entrant au cours préparatoire. François Fillon enfonce donc une porte ouverte.
Le Canard affirme que le projet Fillon est plus spécieux. En
rendant l’école obligatoire à cinq ans, les écoles privées sous contrat (la
plupart sous l’égide d’associations catholiques) pourraient bénéficier des
aides publiques qui démarrent aujourd’hui à partir de 6 ans ! S’agissant
des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat, l’État et chaque
collectivité territoriale seraient tenus d’y participer dans les mêmes
conditions qu’ils participent aux dépenses de fonctionnement des classes
correspondantes dans les écoles et les établissements publics
d’enseignement ! Et hop, le tour serait joué.
On constate donc, si le
Canard enchaîné a raison, un lien fort entre les déclarations publiques de
François Fillon et le contenu de son programme : la polémique
qu’avait initiée Alain Juppé sur l’interruption volontaire de grossesse (à
laquelle François Fillon est personnellement opposé) et que certains de mes
lecteurs m’ont reproché de relayer avait donc un fondement plus sérieux qu’il
n’y paraît à prime abord. Si François Fillon est élu, il devra veiller à ne pas
confondre ses convictions personnelles et le service de l’Etat et des Français.
Nous ferons partie de ceux et celles qui ne manqueront pas de le lui rappeler.
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