« Toutes
les enquêtes d’opinion le montrent : une très large majorité de nos concitoyens
est favorable à l’instauration d’une aide médicalisée à mourir lorsque les
patients sont atteints d'une affection accidentelle ou pathologique grave et
incurable, leur infligeant des souffrances physiques ou psychiques qui ne
peuvent être apaisées ou qu'ils ne supportent pas. La multiplication des drames
de la fin de vie, ceux qu’ont vécus notamment M. Vincent Humbert et sa mère
ainsi que Mme Chantal Sébire, atteinte d’une grave maladie de la face
provoquant des douleurs insupportables ou que vit encore M. Vincent Lambert,
victime des déchirements de sa famille, contribue à renforcer dans les
profondeurs du pays l’appel en faveur d’une solution juridique permettant à
chacun d’exercer sa liberté de conscience jusqu’au dernier souffle.
L’histoire parlementaire récente
met également en évidence un fait nouveau : les clivages politiques peuvent s’estomper
pour répondre favorablement à cette demande des citoyens et de nombreux personnels
soignants. Ainsi, le 18 janvier 2011, la commission des lois de Sénat a adopté
un texte résultant de la fusion de trois propositions de loi tendant à
autoriser l’aide médicale à mourir. Seule la pression de forces rétrogrades sur
le gouvernement d’alors en a empêché le vote.
Enfin, l’autorité judiciaire
elle-même paraît de plus en plus mal à l’aise face aux drames de la fin les
personnels soignants sont confrontés dans une grande solitude : le 25 juin
2014, la cour d’assises de Bayonne a acquitté le docteur Bonnemaison, médecin
de l’urgence poursuivi pour avoir abrégé illégalement, pour des motifs
compassionnels, les souffrances de sept malades. Quelles que soient les suites
susceptibles d’être données à l’appel formé par le Parquet, l’honneur du
docteur Bonnemaison a été à tout jamais lavé par le jury populaire de
Bayonne.
Un cadre
juridique inadapté
Les partisans du statu quo peuvent
désormais difficilement soutenir que les soins palliatifs constitueraient l’alternative
à l’aide médicale à mourir et qu’une meilleure application de la loi du 22
avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie apporterait la réponse
adéquate à la demande des patients, des personnels soignants et des citoyens en
général, confrontés notamment dans leur vie de tous les jours aux conséquences
de l’allongement de la durée de l’existence humaine.
En matière de soins d’accompagnement
des mourants, la France accuse un retard considérable que ceux qui les brandissent
comme un étendard n’ont rien fait pour les développer. Contrairement à la
Catalogne, la Belgique ou la Norvège, notre pays ne répond que très
imparfaitement à la résolution relative aux soins palliatifs de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe du 28 janvier 2009 qui a estimé « nécessaire
[d’étendre] de toute urgence la portée de ce mode novateur de traitement et de
soins » et souligné que « Les soins palliatifs devraient devenir
accessibles non seulement aux malades en fin de vie, mais aussi aux patients
atteints de maladies graves ou chroniques ainsi qu’à toutes les personnes qui nécessitent
des soins individuels importants, qui pourraient bénéficier de cette démarche. »
L’indigence de l’offre de soins palliatifs est, en effet, criante : un peu plus
de cinq mille lits identifiés pour 320 000 patients par an, selon les données
recueillies par l’Observatoire national de la fin de vie.
La loi du 22 avril 2005
comporte, quant à elle, de graves lacunes. L’interruption des traitements pour éviter
une obstination de soins déraisonnable au regard de l’état du malade a parfois
entraîné des agonies inacceptables. Notamment, la suspension de l’alimentation
et de l’hydratation a constitué dans certains cas un délaissement coupable des
patients pendant plusieurs jours, voire davantage. En outre, les directives
anticipées n’ont pas de force juridiquement contraignante. Enfin et surtout, la
mise en œuvre des dispositions de la loi s’avère impossible dans certaines
situations comme l’a démontré le spectacle affligeant du déchirement de la
famille de M. Vincent Lambert, en état de coma irréversible. En l’espèce,
bien que le praticien eût respecté la procédure prévue par le texte, l’application
de la loi a été suspendue pendant de longs mois au détriment même des droits qu’elle
reconnaît aux malades.
Un engagement à
tenir
L’inertie des pouvoirs publics
n’a que trop duré. Le vingt-et-unième engagement du programme du candidat à la
Présidence de la République François Hollande, aux termes de laquelle « toute
personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable,
provoquant une souffrance physique insupportable, et qui ne peut être apaisée,
[peut] demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une
assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité », doit être
suivie d’effet dans les plus brefs délais. Elle doit l’être dans le sens qu’attendent
les citoyens et les soignants : non pas sous la forme d’une modification de la
loi du 22 avril 2005 tendant à élargir le champ de la sédation terminale, mais
sous celle de l’instauration d’un véritable droit à l’aide médicale à mourir
sans lequel la liberté de conscience de chacun ne peut s’exercer complètement.
Les législations étrangères
offrent à cet égard un large éventail d’expériences susceptibles d’éclairer un
débat qui doit être mené sous les auspices de la seule raison, qu’il s’agisse
du suicide médical assisté pratiqué dans les cantons du Valais et de Vaud en
Suisse ou dans les Etats américains de l’Oregon, de Washington, du Vermont et,
dans une moindre mesure, du Montana et du Nouveau-Mexique ou qu’il s’agisse de
l’euthanasie dans les conditions prévues par la loi belge du 28 mai 2002 dont
les dispositions s’inspirent de celles entrées en vigueur aux Pays-Bas en 2001
et ont été reprises au Luxembourg en 2009.
Les pouvoirs publics doivent méditer les conseils avisés d’Epicure
que nos concitoyens souhaitent pouvoir suivre : « le sage ne tient pas à
vivre la durée la plus longue, mais la durée la plus agréable ».
Associations signataires : Fédération
nationale de la Libre Pensée (FNLP) Association pour le Droit de Mourir dans la
Dignité (ADMD) Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Ligue de l’Enseignement (LDE) Union
rationaliste
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