25 janvier 2014

Le docteur Ernest Martin est décédé aujourd'hui : il avait été maire de Louviers de 1965 à 1969…la perte d'un ami

La liste D'action de gauche en 1977 avec notamment Henri Fromentin et Ernest Martin. (photo Jean-Charles Houel)
Les noms des élus de la liste :

   Premier rang en bas de la photo de gauche à droite : Pierre Faupoint, Ernest Martin, Henri Fromentin, Sabine Desnoyers, Charles Houel, Gérard Martin, Monique Bonnet.

   Second rang : Jean Lavignasse, François Bureau, Marcel Sriber, Pierre Bigot,

   3e rang : Pierre quémener,  Monique Tombrey, Claude Bellevin, Philippe Dieu, Jean-Pierre Ledormeur, Jean-Jacques Legendre, Chantal Compère.

    Dernier rang : Christine Bouillerot, Patrice Yung, Christian Lafenêtre, Elisabeth Boutelet, Claude Dumer, Achard De Préville, Daniel Lebras, Marcel Jacob.



1979 : Ernest Martin, adjoint, dans la cour de la mairie. (photo JCH)
Nous sommes nombreux, ce matin, à être orphelins. Ses enfants, d’abord, auxquels nous pensons très fort et tous ceux, hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, pour lesquels il était une figure de proue, un exemple, un modèle. Ernest Martin est décédé aujourd’hui à la MAPA de Louviers où il vivait depuis plusieurs années. Avec son épouse, Nicole disparue avant lui, ils sont ceux grâce auxquels j’ai acquis une vraie conscience politique, des convictions solides, des repères idéologiques et humanistes aux antipodes de ce qui est devenu si courant de nos jours : le carriérisme, l’intérêt personnel, le populisme, la démagogie.
En 1965, quand il devient maire de Louviers suite à un accident de l’histoire locale avec la défaite au premier tour du mendésisme municipal, ce n’est pas une stratégie ni des accords de partis qui l’emportent au second. C’est la victoire d’un homme réputé pour sa pratique médicale, entouré d’une équipe au service d’idéaux qui vont profondément ancrer la vie lovérienne dans l’histoire de la gauche en France. De l’utopie à revendre mais de l’utopie concrète avec des actes forts au service des « sans quelque chose » : sans argent, sans toit, sans avenir, sans emploi, sans dignité. Cette municipalité d’Union des gauches n’avait-elle pas adoptée une charte intitulée : « toi, homme de gauche » dans laquelle les femmes et les hommes avaient, déjà, le même destin. N’y parlait-t-on pas éducation, planning familial, égalité des sexes ? On y évoquait le sort des immigrés, on y saluait l’internationalisme, le pacifisme, la non violence dans tous les actes de la vie avec un  mot d’ordre : deviens ce que tu es. La société te le doit.
Car Ernest Martin mettait les gens debout. D’un mot, d’un encouragement, d’un regard, d’une ordonnance, il aidait les victimes d’une société soumise au pouvoir de l’argent. Ah l’argent ! Quelles bêtises n’a-t-on écrit sur la gratuité, cette gratuité des services publics conçue comme un outil d’harmonie sociale et d’équilibre collectif. Cet argent qu’il exécrait puisque chargé de tous les maux du capitalisme agressif, de l’impérialisme des nations fortes sur les opprimés, des maîtres sur les esclaves.
A Louviers, le combat politique dépassait les frontières de la médiocrité. Les enjeux ne relevaient pas du nombre de postes, de places à acquérir ou à conserver. Le pouvoir n’était pas conçu comme une fin mais comme un moyen. Un moyen d’émancipation pour ceux et celles qui n’ont jamais la parole, qu’on n’écoute pas, qui ne comptent pas. Et une manière de se conduire pour tous les autres.
Certes, l’action de gauche ne s’accomplit pas sans heurts, sans contradictions, notamment avec les partis structurés, organisés, programmés. La défaite de la liste Martin aux élections anticipées de 1969, elle est due au Parti communiste et à ses dogmes ! Et aussi aux campagnes calomniatrices d’une droite fidèle à ses habitudes et dérangée dans sa légitimité naturelle à conduire les affaires. 
La traversée du désert, de 1969 à 1977, sera marquée par la reconquête progressive en compagnie d’un autre homme ordinaire et d’exception : Henri Fromentin et avec l'aide d'un groupe formidable, le Comité d'Action de gauche. Ernest et Henri, deux personnalités exceptionnelles, à la fois si différentes et si proches, si attachantes. La victoire absolue de la liste d’Action de gauche en cette année 1977 sera synonyme de gestion à vocation autogestionnaire. Rendre le pouvoir au citoyen, Information, participation, contrôle, développement des services publics, création de la régie transports, urbanisme à visage humain, service famille…autant de slogans transformés en actions avec des commissions plénières, des réunions extra-municipales, la rédaction d’un livre par Christophe Wargny (1) le tout étant soldé par l’erreur formelle des rues piétonnes du centre ville encore en chantier lors de la campagne électorale de 1983, ce dont profita Odile Proust et ses colistiers.
Mais Ernest Martin c’était aussi la lutte implacable contre l’alcoolisme et les addictions, le centre de planification des naissances devenu le centre d’orthogénie où l’interruption volontaire de grossesse fut pratiquée au lendemain de la loi Veil. Ernest c’était la naissance non violente avec une préparation des couples à l’accouchement dont il reste à tous les parents (dont je suis) des souvenirs émus, passionnels. Ernest c’était aussi le droit au beau avec une volonté culturelle élevée, l’absolue certitude que l’éducation passe aussi par un accès direct à la culture sous toutes ses formes : cinéma, musique, expositions, sans oublier la peinture qu’il favorisa avec les ateliers d’expression libre permettant aux plus jeunes d’exprimer leur moi profond.
Ernest, encore, c’était le médecin des pauvres, des marginaux, des paumés. Il était capable d’une grande écoute et doté d’une faculté de réassurance absolument colossale, un mot qu’il affectionnait avec d’autres mots très beaux comme amour, amitié, tendresse, si bien que ses patients se sentaient considérés et déjà guéris.
Les Lovériens, en perdant Ernest Martin, perdent gros. Ils perdent leur ancien maire mais nous, nous perdons un ami, même plus qu’un ami. Une présence qui ne s’effacera jamais.
(1) Christophe Wargny : « Louviers sur la route de l’autogestion ». Editions Syros.

PS : Le quotidien Paris-Normandie publie un long article, ce lundi 27 janvier et consacré à Ernest. Il est écrit que j'aurais été « secrétaire général de la mairie ». Ce n'est pas exact. J'ai effectivement servi Ernest Martin aux côtés de Paul Astégiani, secrétaire général. J'étais rédacteur faisant fonction d'adjoint au secrétaire général. 

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