Une interruption volontaire de grossesse doit se faire dans un cadre hospitalier sécurisé et accueillant. (photo JCH) |
Rien n’est jamais acquis à l’homme…surtout
à la femme. Le gouvernement espagnol et sa majorité parlementaire de droite —
majorité absolue aux Cortès — sont sur le point de modifier la loi adoptée sous
le gouvernement Zapatero et accordant aux femmes espagnoles le droit d’interrompre
leur grossesse selon leur propre volonté et en vertu des textes encadrant l'IVG. Ne subsisteront dorénavant que des possibilités
exceptionnelles en cas de viol ou de mise en danger de la santé des femmes. (1)
Recul fantastique
Il s’agit là d’un recul
fantastique. Les Espagnoles croyaient à l’irréductibilité d’un progrès devenu
un droit. Elles constatent que ce qu’une majorité a fait un jour, une autre
peut le détruire. Et pourtant s’il est un domaine où le combat des femmes
espagnoles a rejoint celui de centaines de milliers femmes de toute l’Europe
(et ailleurs sur la planète) c’est bien celui de conquérir ce droit absolu :
celui de maîtriser leur corps.
Ce recul est rendu possible
par une majorité idéologique machiste et religieuse. L’Eglise d’Espagne, réactionnaire
et rétive à tout progrès, demeure figée sur des principes et des visions du
monde totalement dépassés. Face à la liberté de l’avortement, le mot essentiel
est le mot liberté : le droit de disposer de son corps et de choisir d’avoir
ou non un enfant.
Il ne s’agit pas de la
liberté morale ou intellectuelle, il s’agit d’une liberté bien réelle, bien
concrète car chacun sait qu’un avortement n’est pas un acte simple. Quiconque a
approché ou approche des femmes désirant interrompre leur grossesse connaît
leur détresse, leur culpabilité, leur angoisse. Si en plus, la société s’ingénie
à les empêcher de dépasser ce geste salvateur, cette société va faire le malheur de plusieurs
êtres : la femme, l’enfant et qui sait, le géniteur. C’est bien pourquoi
la loi Veil en France a été accueillie comme une loi de progrès et comme une
loi enfin favorable aux femmes. Elles auraient le droit et les moyens juridiques,
médicaux, de choisir librement. Une société civilisée ne réduit pas le champ des libertés, elle l'accroît.
Désir et envie
Car vouloir et attendre un enfant ne peut être que le produit d’une alchimie mystérieuse faite de désir et d’envie. En 2013, il existe bien des façons d’éviter ce qu’on appelait pudiquement un accident : contraception, pilule du lendemain, préservatif…mais si les aléas de la vie en décident autrement, une société évoluée doit répondre à la détresse des femmes, une détresse maîtrisée, accompagnée, positivée.
Le choix des élus espagnols
va entraîner de graves conséquences. Les femmes désirant avorter iront jusqu’au
bout de leur volonté. Ou elles feront appel à des avorteurs clandestins avec
toutes les fâcheuses conséquences sanitaires, soit elles iront à l’étranger
comme on le faisait en France avant la loi Veil. Combien, avant la loi, de
traversées vers Brighton et l’Angleterre ? Combien, dans le pire des cas,
d’avortements clandestins aux conséquences dramatiques pour la santé des
femmes.
Ce qui se passe sous nos
yeux en Espagne et aussi aux Etats-Unis où des médecins tombent sous les balles
des fanatiques anti-avortement pourrait très bien se reproduire un jour en
France si une majorité extrémiste venait au pouvoir. Certains promettent déjà d’abolir
le mariage pour tous, pourquoi les mêmes ne proposeraient-ils pas d’interdire l’interruption
volontaire de grossesse, l’homosexualité…Il s’agit de la même famille de pensée.
Des Boutin et consorts…toujours à l’affut, toujours actifs, toujours prêts à sévir,
à imposer leurs normes et leurs préjugés.
Le combat des femmes espagnoles
redevient notre combat. Ne fermons pas les yeux sur cette régression coupable
de la droite ibère.
(1) Il s'est trouvé un conservateur américain, candidat au Congrès, pour affirmer qu'une femme violée pouvait ne pas tomber enceinte si elle ne le voulait pas. « Elle a les moyens d'empêcher une grossesse dès la conception. » Il a été heureusement battu par les électeurs et je le souhaite par les électrices.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire