Aujourd’hui, la question
centrale de nombreux politiques à gauche et à droite tient en quelques mots :
comment empêcher le Front national de gagner des mairies et comment faire pour
que le parti des Le Pen ne soit pas le premier de France lors des élections
européennes ? La situation n’est pas la même partout. J’ai écrit sur ce
blog que Brignoles n’était pas la France et qu’une élection cantonale ne fait
pas le printemps national. S’il existe quelques régions hexagonales où le FN
est historiquement installé : le nord, l’est, le sud, c’est loin d’être un
cas général dans l’ouest ou la région parisienne par exemple…
Il serait par ailleurs idiot
de nier une certaine popularité de Marine Le Pen. Elle est plus avenante que
son père, fait moins d’erreurs de langage (encore que) mais il lui arrive d’être
submergée par les vieux démons idéologiques toujours présents au sein du FN
mais mieux dissimulés. Martine Le Pen aura beau faire, elle ne pourra empêcher
des militants de faire le salut nazi, d’arborer la croix gammée, de publier des
dessins et articles racistes ou xénophobes et de moquer Christiane Taubira.
Une chose est sûre : le
combat contre le FN ne sera pas gagné avec des arguments moraux. Le bien et le
mal ont peu à voir avec les scores des frontistes. Si la morale marchait en
politique, cela se saurait depuis longtemps. La gauche organise colloques sur
colloques pour dégager des pistes de combat contre le FN. Mais les paroles ont
peu de poids contre un fait : le FN fonctionne comme une secte. Il ne
rallie plus des adhérents mais des adeptes. Il recrute dans des milieux
populaires et défavorisés lesquels côtoient des aristocrates ou des pétainistes
et des antiparlementaristes.
A Louviers, il est frappant
de voir comment un jeune issu du quartier des Acacias, ayant connu maints problèmes
familiaux, délaissé voire oublié par une société riche, est devenu tête de
liste du FN aux prochaines élections municipales. Il ne connaît rien au
fonctionnement de la cité, il ignore les règles et les textes, il avoue devoir
suivre une formation accélérée diligentée par un cadre ébroïcien lui-même
apprenti et lors des conférences de presse, il est contraint de réciter un
texte passe partout, d’utiliser des arguments appris par cœur et souvent décalés
par rapport à la réalité locale. Qu’importe, la liste FN (si elle se présente)
fera 15 ou 20 % des suffrages. Les électeurs ne voteront pas pour une tête de liste ou un
programme mais pour un dégoût. Le dégoût des autres partis. Ils voteront pour
la femme blonde. Pour son bagout et ses promesses dont ils savent bien qu’elles
ne seront pas tenues puisqu’impossibles à tenir.
En lisant le blog de Bruno
Golnisch, un important dirigeant du Front national, on constate cependant que
les fondamentaux de ce parti ne changent pas. Je suis sûr que la tête de liste
lovérienne n’est pas consciente de l’énormité des propos tenus par celui qui a
osé affronter Marine Le Pen lors des élections internes. Alors qu’une unanimité
mondiale se fait sur le nom de Nelson Mandela, l’homme de la réconciliation
entre les noirs et les blancs d’Afrique du sud, l’homme révolté mais combatif
contraint de soutenir la force d’une majorité noire contre la violence d’état d’une
minorité blanche, Golnisch se couvre d’ignominie.
Ne rappelle-t-il pas que
Jean-Marie Le Pen considérait l’apartheid comme une solution adaptée au pays et
surtout à ses blancs ! Rien que cela. Il faut être gonflé pour oser juger qu’un
régime obligeant ses citoyens à vivre séparés en tous temps et en tous lieux
pour des couleurs de peau, est un régime qu’on peut défendre ou idolâtrer. Au
FN, ils sont nombreux à penser ainsi. Golnisch souligne aussi que Mandela a été
soutenu, dans sa prison et hors d’elle, par des communistes et des
progressistes de tous les continents, ce qu’il ne lui pardonne pas. Autrement
dit, le sous-chef FN se met délibérément hors jeu du monde civilisé, regrette
le bon temps des plages et des banques réservées aux blancs et des violences réservées
aux noirs. Des noirs longtemps humiliés, affectés aux emplois subalternes, logés
dans les townships (des bidonvilles) avec une jeunesse non éduquée ou si peu.
Sur le plan économique, les
thèses du FN sont indéfendables : quitter l’Union européenne, sortir de l’Euro,
proposer un protectionnisme craintif, peureux, s’allier politiquement avec tous
les mouvements d’extrême droite de Belgique, d’Autriche, de Hollande pour
freiner la construction européenne…mais sur le terrain social, malheureusement,
le FN marque des points. Alors que sous Le Pen père, le libéralisme le plus échevelé
était revendiqué, sous Le Pen fille, on parle droits sociaux, pouvoir d’achat,
préférence nationale ou plutôt priorité nationale. Ce discours séduit des sans
emplois et les islamophobes de tous poils. Dans certains quartiers de Louviers,
les jeunes de la 3e génération de l’immigration nord-africaine ne
jurent que par Dieudonné, M. M’balah M’balah, le négationniste de service, pourfendeur
des juifs et créateur de la fameuse quenelle. Ce geste qui ne serait rien d’autre
qu’un salut hitlérien déguisé.
Revenons à la question du début :
comment lutter contre le Front national et son idéologie « morbide et mortifère
» comme l’a bien dit Mme Taubira ? En informant, en éduquant, en démontrant
l’inanité des solutions préconisées par le FN. En se battant pied à pied contre
l’obscurantisme et en ouvrant les yeux de tous ces hommes et de toutes ces
femmes obnubilée par la gourou Marine. Le brouillard finira bien par se lever.
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