Laurent Fabius avec Yves Léonard, ancien premier secrétaire fédéral du PS de l'Eure. (photo Jean-Charles Houel) |
Lors de ma campagne dans le
canton de Louviers sud, j’avais été frappé par la véritable et insupportable haine que suscitait
Laurent Fabius chez certains habitants. Candidat du Parti socialiste, j’étais évidemment associé à
toutes les turpitudes (réelles ou supposées) de ce parti et de ses responsables. Le principal reproche
qu’on lui adressait tenait en deux mots : sang contaminé. Malgré le non
lieu dont il bénéficia fort justement, malgré les preuves concrètes des efforts accomplis par l’ancien
premier ministre en matière de dépistage du SIDA, malgré sa bonne foi évidente, rien n’y
fit : dans l’esprit du public, Laurent Fabius était coupable parce que
responsable.
Lors de la campagne du non
qu’il préconisa lors du référendum «pour ou contre» le traité constitutionnel
européen de sinistre mémoire, d’autres critiques lui ont été adressées. Laurent Fabius, « grand bourgeois, fils de riche antiquaire, homme de
gauche par opportunisme » était forcément insincère. S’il préconisait de voter
non, c’était par pure tactique. Mais dans quel but ? Je rappelle tout de même
que lorsqu’il annonça le sens de son vote, 75 % des Français sondés étaient
favorables au oui.
J’ai eu la chance — je dis bien la chance — de côtoyer
Laurent Fabius à plusieurs reprises, notamment lors d’un voyage à Moscou en
1991. L’homme est élégant, distingué, un peu distant, très déterminé, animé par
des convictions aussi profondes qu’authentiques. Mais le monde politique n’est
pas un monde peuplé de bisounours. On s’y déteste autant qu’on s’y admire, on s’y
déchire autant qu’on s’y estime. Comme il s’agit de pouvoir et de conquête du
pouvoir, c’est la loi du genre. Alors, les exégètes s’en donnent à cœur joie et
chacun y va de son avis pour commenter les choix de l’ancien président de l’Assemblée
nationale. Des choix qui seraient toujours inavouables !
Si j’écris ces lignes c’est
parce que Laurent Fabius a rendu public, ces derniers jours, le fait que François
Hollande lui aurait proposé de devenir à nouveau Premier ministre. Laurent
Fabius a refusé, a-t-il précisé, sans qu’on sache quelles raisons l’ont conduit
à ne pas accepter cette fonction que n’importe quel homme ou n’importe quelle femme dévoué(e)
au bien commun aurait d’emblée assumée. Sans trahir aucun secret, je me demande
s’il ne faut pas chercher (sans enquêter bien sûr) du côté de sa vie privée. La
fonction de ministre des affaires étrangères est harassante, palpitante, nécessitant
une disponibilité constante. Il réussit dans un poste qui convient à son
intelligence et à sa vision du monde. Le métier de premier ministre complique considérablement la
vie du titulaire.
Agé de 67 ans, Laurent Fabius considère (peut-être ?) qu’il
a suffisamment donné au pays, au progrès, à la gauche. Parfois, il est inutile
de se creuser plus avant les méninges.Il écrit des livres sur l'art pictural, il aime visiter les salles des ventes pour dénicher des meubles de la haute époque…qui lui reprochera de vouloir vivre une autre vie ?
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