Les
listes de candidat(e)s présentées aux militants socialistes dans le cadre des
futures élections européennes, hier soir, ont été loin de réunir l’unanimité
des suffrages exprimés. De nombreux membres du PS ont souhaité faire savoir aux
responsables du parti que les recherches d’équilibres internes et de
reclassement de certaines personnalités battues au suffrage universel dans des
circonscriptions françaises ne convenaient pas forcément avec le bilan de
certain(e)s député(e)s sortant(e)s éliminé(e)s au cours d'une nuit de bureau national. En
votant contre les listes proposées, ils ont manifesté un désaccord de fond et
de forme.
Françoise
Castex, députée européenne depuis 2004, n’était titulaire que de ce mandat de députée européenne.
Farouchement hostile au cumul et fortement engagée à Strasbourg sur la
protection des données personnelles, elle a accompli deux mandatures
remarquables et aurait dû être reconduite. Elle n’a malheureusement pas
bénéficié des protections dont a usé Claude Roiron, en Haute-Normandie (1) et a
été balancée sans ménagement ni reclassement. Elle a publié un texte sur le
site du Nouvel observateur qui mérite d’être lu avec attention.
« Le Parti socialiste a présenté ses listes pour
les élections européennes au terme d'obscures négociations internes. Il semble
assez difficile d'y lire une quelconque stratégie électorale globale pour les
prochaines élections au Parlement européen. Il n'est pas sûr non plus que ces
listes traduisent une vision claire du rôle de parlementaire européen, de la
place que les socialistes français souhaitent conquérir dans cette institution,
et plus généralement de l'influence que la France veut développer dans l'Union
européenne.
Un peu de pédagogie
D'un point de vue électoral, il est clair que le
Parti socialiste français ne considère pas les député(e)s sortant(e)s comme un
atout pour la prochaine campagne. La délégation socialiste française au
Parlement européen a pourtant tenté de convaincre que, dans un contexte
politique difficile, il fallait une campagne longue durant laquelle les députés
sortants pourraient expliquer leurs actions, leurs combats, leurs victoires
même, dans un parlement pourtant dominé par la droite européenne.
Quand on sait la grande méconnaissance de nos
concitoyens en ce qui concerne le fonctionnement des institutions européennes,
le processus de décision et les responsabilités de chacun dans les choix
opérés, il apparaît évident qu'un peu de pédagogie n'est pas superflue.
Cela suppose que la reconduction des sortants soit
une priorité. Certes, l'exercice de composition de listes est toujours
difficile, mais les socialistes français constituent durant le mandat 2009-2014
une toute petite délégation, et les choix pouvaient ne pas être trop déchirants
!
Le résultat des négociations de constitution de ces
listes pose d'autres questions sur l'investissent politique, et humain donc,
que le Parti socialiste entend faire sur le Parlement européen par les hommes
et femmes qui le représentent à Bruxelles et Strasbourg. Cela amène aussi à se
demander quelle est la connaissance réelle (et la reconnaissance) du travail
qui y est accompli et s'l existe une conscience que ce travail sert la cause du
socialisme en général et du Parti socialiste français en particulier, des
citoyens européens, de nos partenaires, de nos interlocuteurs ?
En d'autres termes, à quoi sert un(e) député(e)
européen(ne) pour le Parti socialiste ?
Député européen, un mandat de longue haleine
Il faut rappeler la spécificité de ce mandat.
L'efficacité d'un député, aussi brillant soit-il, dépend de son assiduité,
notamment au sein des commissions parlementaires. Il y en a 20 au Parlement
européen. Chaque député est titulaire dans l'une d'elle et suppléant dans une
seconde. On imagine aisément que lorsqu'on est une délégation de 13 députés
dans une assemblée de 750, chacun est isolé dans sa commission. L'absence de
l'un à la place qui lui a été assignée entraine l'absence du Parti socialiste
français tout entier dans un débat important, dans un processus législatif dont
nous aurons ensuite à rendre compte à nos électeurs.
Ces conditions d'exercice du mandat nécessitent
aussi que chaque député se forge une expertise dans un domaine particulier sur
laquelle il appuiera son pouvoir de conviction et d'influence auprès de ses
collègues des autres partis socialistes et sociaux-démocrates européens.
Tout candidat est légitime et tout député européen
peut devenir un député compétent et efficace mais il faut être conscient que
cette compétence et cette efficacité s'acquièrent et se confirment au cours des
mandats. On reconnait en général que trois mandats est une "bonne"
durée pour apprendre, confirmer et occuper enfin des postes d'influence au sein
du Parlement.
Quelques députés français y parviennent. Ils sont
rares à cause de ce "turn-over" infernal que pratiquent plus
ou moins tous les partis politiques français. Parmi les socialistes français,
on ne peut guère citer que Pervenche Berès et Catherine Trautmann qui ont
accompli toutes les deux plus de trois mandats.
J'ai aimé ce mandat
Force est aussi de reconnaître que les hommes et
femmes politiques français ont eux-mêmes intégré que ce n'est pas au Parlement
européen "que l'on fait carrière" et que ce mandat est peu reconnu
par leur parti. Beaucoup, dès lors, choisissent de quitter le Parlement
européen en cours de mandat pour briguer un mandat national. Ce qui accélère
encore ce "turn-over". C'est là une spécificité française qui
nuit à l'influence que notre pays pourrait avoir dans cette assemblée.
Je fais partie de ces quelques politiques français
qui se sont investis à plein temps et au-delà dans cet unique mandat, qui ont
appris à l'appréhender et à l'aimer. J'ai la fierté de croire que j'ai
contribué à faire comprendre à mes concitoyens le rôle des parlementaires dans
le fonctionnement de l'Union européenne.
Le Parti socialiste n'a pas jugé utile de me donner
la possibilité de poursuivre le travail que j'ai initié au Parlement européen
sur les services publics ni de confirmer le travail d'influence que j'ai
commencé sur le droit d'auteur ou la protection des données personnelles sur
internet. Tout comme il n'a pas jugé utile de donner à Liêm Hang Ngoc la
possibilité de devenir un député européen socialiste français qui compte sur
les questions économiques et budgétaires. C'est du travail perdu.
Stop au turn-over
Bien sûr, il va arriver en mai 2014 de nouveaux
députés compétents. Je ne doute pas un instant qu'ils vont s'engager à 100%
dans ce mandat et trouver leur domaine de spécialisation, mais il leur faudra
encore au moins un mandat pour tenir une place qui compte. C'est du temps
perdu.
Or, pendant que les partis politiques français font
d'un siège au Parlement européen un enjeu de rapports de forces internes, les
autres partis européens ont, quant à eux, bien compris l'intérêt d'envoyer à
Strasbourg des femmes et des hommes engagés dans ce mandat unique et pour
plusieurs mandats. En limitant le "turn-over" de leurs
eurodéputés, nos voisins, au premier rang desquels les Allemands, s'assurent
une influence prépondérante dans une assemblée dont les pouvoirs législatifs ne
cessent de s'étendre.
Je forme le vœu que le Parti socialiste français
comprenne vite l'importance politique et stratégique du Parlement européen dans
la réorientation de l'Union européenne et que les prochaines désignations 2019,
sur les listes européennes montrent que notre parti aura compris à quoi sert
un(e) député(e) européen(ne). »
(1) Claude Roiron, conseillère générale d’Indre-et-Loire,
conseillère municipale de Tours se retrouve seconde sur la liste «
Nord-Normandie » pour être certaine ou à peu près certaine d’être élue…
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